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Critique de lozere


Joseph est ouvrier agricole dans une ferme du Cantal, un ouvrier à l'ancienne, c'est-à-dire qu'il habite à demeure avec ses patrons, disponible tous les jours, par tous les temps, pour tout type de besognes. le roman déroule peu à peu une vie entière passée en marge, tant temporelle que sociale. Il s'arrête sur quelques faits ou traits marquants du personnage : les soins que Joseph apporte aux bêtes, chiens, vaches, et la compréhension particulière qu'il en a ; sa famille et son enfance, avec un père alcoolique mort tôt, un frère qui a "réussi", à quitter le pays, à monter son affaire, à se marier et avoir des enfants, une mère qui suit l'enfant prodige en Normandie, parce qu'elle se sent redevable de quelque chose auprès de sa belle-fille et de ses parents ; son accident de vie, qui vient sur le tard dans le roman, et qui complète un tableau aux teintes fanées.
Ce qui m'a frappé dans ce livre est avant tout la description d'un monde fini alors même qu'il se déroule à l'heure actuelle : la paysannerie telle qu'elle a vécu, avec sa hiérarchie implacable, dominée par les propriétaires fonciers, auxquels sont louées les terres par des "patrons", qui eux-mêmes emploient des ouvriers, sans famille, sans biens (toutes les affaires de Joseph, 59 ans, tiennent dans une valise), paysannerie d'un autre temps confrontée au monde d'aujourd'hui, qui transparait dans les désaccords entre générations sur la manière de gérer l'exploitation, dans l'inscription de Joseph à sa future maison de retraite, dans l'évocation d'émissions de télé qui paraissent être de la science-fiction, et surtout dans la solitude de Joseph, dernier représentant de son espèce, isolé par sa condition, conscient sa trajectoire de vie qui l'a mené petit à petit dans une voie de garage.
On pense à Profil paysans de Depardon, cette trilogie tournée dans les années 2000 sur des paysans de Haute-Loire, d'Ardèche et de Lozère, dont les titres évocateurs pourraient s'appliquer à Joseph : L'approche, le quotidien, La vie moderne. Pour ceux qui ont connu ces paysans et ces lieux, cela rappellera sans doute des sensations, des images, une forme de nostalgie à travers l'exactitude de la description.
C'est un roman sans fioritures, à l'écriture précise, les phrases courtes naviguent dans le temps et retranscrivent une forme de sécheresse de la vie, mais non dénuée d'émotions et de profondeur. Il n'y a ni jugement ni idéalisation. On a presque envie de parler de fatalité et d'atavisme, mais ce serait réduire la paysannerie à ses stéréotypes habituels. Troisième roman de Marie-Hélène Lafon après L'Annonce et Les Pays, Joseph poursuit l'écriture de lieux et de vies, qui suivent ou ont suivi l'évolution peut-être la plus marquante de la société française d'après-guerre, cette rupture indifférente et muette entre le paysan et l'urbain.
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