Ceux qui sont familiers avec la littérature québécoise savent que dès la Nouvelle-France la représentation des moeurs et coutumes autochtones permet aux auteurs (d'abord français, puis québécois) de critiquer leurs propres cultures. C'est bien ce que fait
Robert Lalonde avec
le dernier été des Indiens. le jeune narrateur s'indigne du traitement que l'on a fait aux autochtones et décrit comme absurde la décadence de la civilisation occidentale : « il y a eu surtout l'esprit de la terre, de la forêt, qu'on a volé à l'Indien et, maintenant tout va pour le pire et personne ne semble plus s'en apercevoir. » Ce n'est pas un hasard si la narration se déroule en 1959. C'est effectivement l'année de la mort de Maurice Duplessis, celui que l'on considère généralement comme le responsable de la « Grande noirceur ». Mais le narrateur n'est pas dupe. Si l'on ressent un changement imminent, il y a bien des promesses que ne pourra pas tenir la Révolution tranquille, ou comme le dit le narrateur, « l'histoire est passée tout droit ». le malentendus entre autochtones et québécois est trop grand, et ce sera toujours un handicap à une réelle réconciliation entre les peuples. Voir à cet égard la page 147 qui ne peut être plus claire. L'intimité que le narrateur entretient avec un autochtone « d'en haut de la côte » permet de comprendre une connaissance différente du monde, une connaissance qui serait une relation à la fois intime et passionnelle, décrite comme un voyage intérieur : « Et si, moi aussi, je connaissais cette vraie furie, cette propulsion vers mon moi, plus loin, mon plus que moi? » Dans le roman, le lyrisme ne fait pas défaut : « Comme des étincelles blanches échappées du soleil, les oiseaux de la rivière dessinent, au-dessus [...], une auréole toute en spirales, une fête de plumes et d'indépendance ».
Si les bons coups de ce roman sont nombreux, nous voyons que c'est un roman d'un auteur encore très jeune.
Robert Lalonde avait 25 ans lors de sa publication. Il ne manque donc pas de ferveur et d'indignation. Si le romantisme fiévreux de cette jeunesse fougueuse permet des pages empreintes d'un doux lyrisme et une sublime ode à la nature, il ne peut empêcher une certaine caricature et du personnage l'Indien et de la société catholique prérévolution tranquille (mais est-ce que les choses ont réellement changé ?). La jeunesse hait sans ménagement. le narrateur à 13 ans, donc c'est plus une réussite pour l'auteur, mais le lecteur se rit de tant de quétaineries, d'absurdes révoltes, de naïveté sentimentale et de ressassements sans fin des hypocrisies quotidiennes de la société. Ce que propose
Robert Lalonde dans
le dernier été des Indiens n'est pas de nouveaux griefs contre un système idiot et étouffant, en cela il manque définitivement d'originalité, mais bien une voix sincère, intransigeante et une âme à la recherche de la joie et de l'accomplissement de soi. Personnellement, je goûte très peu les récits qui présentent bien trop les atermoiements d'un « je » limite tyrannisant, car ils offrent une vision tronquée d'un monde beaucoup plus complexe. le sentiment est fort, certes, mais n'est pas tout.