Science-fiction: plus de cent ans après la Seconde guerre mondiale, une chaîne de télévision téléporte deux reporters dans le passé pour qu'ils participent au Débarquement et le fassent vivre en direct dans une grande émission à succès. Intéressante lecture, qui pose question sur les limites éthiques de la télé-réalité.
J'avais déjà rapporté ici que je m'étais défini le projet un peu fou de découvrir les auteurs dont le patronyme est Lambert. Après les belges
Karine Lambert ("
L'immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes") et
Gernot Lambert ("Voyage d'hiver"), je passe aujourd'hui au français Christophe Lambert, homonyme de plusieurs acteurs de cinéma.
Après un début de carrière dans le milieu du cinéma, Christophe Lambert a d'abord publié des romans pour la jeunesse, policiers ou de science-fiction. Il a également produit des romans de science-fiction pour adultes, dont "
La brèche" que j'ai sélectionné au hasard dans un rayon d'une des bibliothèques où j'ai mes habitudes.
Le thème est un classique du genre: le voyage dans le temps. Suite à son passé audio-visuel, peut-être, l'auteur met cette technique au service d'une chaîne de télévision en quête de performances d'audience. Il s'agit d'envoyer des journalistes dans le passé, caméra au poing, pour faire vivre des événements célèbres aux spectateurs du futur, comme s'il s'agissait d'un reportage en direct. Pour se mettre dans l'ambiance de l'émission, le lecteur commence par vivre, dans un rythme trépidant, l'émission consacrée à la mort de Marylin.
Ensuite, on passe au gros coup: le débarquement de Normandie. Là, c'est du sérieux: l'équipe commence par envoyer une équipe un peu avant le jour J pour placer des caméras à des endroits judicieux. Et puis un grand reporter et un historiens sont envoyés en Angleterre pour qu'ils se mèlent aux soldats qui font la traversée et qui débarquent. Ambiance "soldat Ryan".
Cette partie-là m'a plongé dans un certain malaise parce qu'elle illustre de manière frappante les limites éthiques qui pourraient être franchies au nom de l'audimat. Deux aspects m'ont frappé. D'une part, la chaîne pousse en toute conscience les deux reporters à risquer leur vie. Certes ils ont une combinaison de protection, mais elle n'est pas à toute épreuve; ils n'ont pas non plus la garantie de pouvoir rejoindre à temps le lieu qui leur permettra de retourner dans le futur. Ils sont de la chair à audimat autant que les soldats sont de la chair à canon. Cela peut-il se justifier ?
D'autre part, le voyeurisme malsain de la télé-réalité apparaît ici de manière extrême. Nos deux reporters ne sont pas des journalistes de guerre. Un journaliste de guerre fournit de l'information, qui peut avoir une influence utile. Par exemple, montrer des soldats au Vietnam pourrait pousser l'opinion à entamer des pressions politique pour faire cesser la guerre. Mais ici, on comprend qu'il s'agit d'un pur divertissement. On pourrait y voir un travail de mémoire, mais non: on comprend vite qu'il ne s'agit que de gaver les spectateurs de sensations fortes, par ailleurs fort bien rendue. le livre ne milite pas, ni ne porte de message explicite, mais il agit comme une excellente piqûre de rappel pour éviter de se laisser porter par l'influence des divertissements à la mode. C'est principalement pour cette partie centrale que je vous recommanderais ce livre.
L'histoire se poursuit par des rebondissements issus de paradoxes temporels, que je vous laisse découvrir.
Je lis peu de science-fiction, je laisse donc les amateurs éclairés émettre un jugement sur la technique que l'auteur évoque pour voyager dans le temps, ou sur sa façon de traiter les paradoxes temporels qui peuvent en découler. Cela m'intéresse peu, je le reconnais. Malgré mon incompétence, j'ai le sentiment que cet ouvrage risquerait de ne pas enthousiasmer les fans de SF. Néanmoins, la partie centrale m'a fourni un bien intéressant moment de lecture. Je serais heureux de lire vos avis !
En attendant, je vous donne déjà rendez-vous pour mon prochain Lambert, il s'agira de Stéphane ("Une histoire d'amour").