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Arnaud Pouillot (Traducteur)
EAN : 9782844852823
111 pages
Allia (23/08/2008)
3.75/5   16 notes
Résumé :
Le 19 septembre 2005, à Haditha, une mine posée par des insurgés irakiens fit exploser un véhicule militaire américain, causant la mort d'un Marine de 20 ans. Il s'ensuivit un massacre au cours duquel vingt-quatre civils irakiens - hommes, femmes et enfants - furent tués. Tel est le point de départ de ce livre. William Langewiesche montre que ce carnage n'a rien d'une aberration, mais s'inscrit au contraire dans la conduite normale de la guerre. Sans emphase, il met... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
«IL N'Y A JAMAIS EU DE BONNE GUERRE NI DE MAUVAISE PAIX»

Un certain George W. Bush eut très probablement été avisé de relire un peu mieux cette maxime de Benjamin Franklin - pour autant qu'il l'ait jamais lu - car ce Père Fondateur de la Nation Américaine, scientifique, écrivain, inventeur et homme politique de cette jeune nation savait, d'expérience, de quoi il parlait.

Hélas, les hommes sont ainsi fait qu'ils se pensent invariablement plus doués et malins que leurs prédécesseurs et, pour les plus belliqueux d'entre eux, n'ont qu'une hâte : répéter les erreurs du passé, ne pas regarder le présent sous le bon angle et se contreficher de l'avenir en engageant leur peuple en l'embarquant dans une de ces bonnes vieilles guerres - dans les cas des actuels USA : la presque totalité du monde, même si de manière indirecte pour beaucoup -, dans le cas présent dans une guerre sans fin possible, pour un peu qu'elle ait eu de vraies (ou honorables, ce qui est assez peu identique) finalités de départ.

Cependant, le mal était fait et la conséquence indirecte du traumatisme vécu par nos voisins outre-atlantiques des suites du 11 septembre 2001 serait donc cette opération destinée à abattre une fois pour toute le régime de Saddam Hussein... et instaurer la Démocratie. Les opérations armées furent une complète réussite, comme on pouvait s'y attendre : en dix-neuf jours, l'essentiel des objectifs miliaires étaient atteints. C'est après que ce fut réellement long, très long.

C'est à cet "après" que William Langewiesche, travaillant en Irak et au Moyen-Orient à partir de 2003 en tant que correspondant international pour Vanity Fair, consacre ce petit ouvrage "La conduite de la guerre", publié en 2008 chez les précieuses éditions Allia, un essai aussi sérieux qu'effarant dans sa démonstration et ses conclusions.

Il prend pour point de départ un acte de guerre, atroce et presque commun à la fois : le 19 novembre 2005, un Marine de vingt ans meurt des suites de l'explosion d'une mine lors du passage de son véhicule. Les conséquences : le massacre de vingt-quatre civils, hommes, vieillards, femmes, enfants. le fait, même dans sa crudité décontextualisée, est insupportable.

Pourtant, sans le moindre pathos inutile - ce qui n'empêche pas l'empathie, ne nous trompons pas -, sans pleurs ni réflexions gratuitement grinçantes, dans le plus pur style de ce que peut être encore le grand journalisme, c'est à dire précis, factuel, vérifiable et vérifié, "sourcé" comme on le précise, sans plus tomber dans le pacifisme outré que dans la fascination guerrière, William Langewiesche va user d'une rhétorique implacable aussi bien que sans le moindre artifice pour démontrer que ce qui peut être considéré comme un crime de guerre est aussi, indéniablement, implacablement dans la logique absconse et folle de cette guerre devenue totalement dissymétrique au fil des jours et des semaines.

Après avoir fait le récit, macabre et irréel à la fois, de ce drame, le journaliste remonte dans le temps afin de comprendre comment cela put arriver. Et il tombe sur ce précédent honteux du massacre d'une école à Fallouja qui avait provoqué le début de la guérilla contre l'armée américaine.

Le lecteur découvre ainsi, un peu ébahi par tant de naïveté, de candeur même, et d'aveuglement sans nul doute, ce que le colonel commandant cette place reconnu de ce que voulait être cette opération : «Nous étions venus pour montrer que nous étions là, pour que le citoyen lambda se sente en sécurité.» Et le narrateur d'ajouter un peu plus loin, un brin désabusé : «Mais cela ne s'est pas passé de cette manière-là, pas plus que cela ne s'est bien passé malgré l'affirmation de la "présence" américaine depuis lors.»

Ça ne s'est pas bien passé........

L'auteur ouvre un certain nombre de piste pour expliquer ce fait malheureusement avéré :«Quel que soit le degré de sophistication ou de subtilité de nos stratèges militaires, au bout du compte ils ne peuvent utiliser que cette arme très grossière : une imposante force américaine qui n'arrive tout simplement pas à réprimer une rébellion populaire dans une contrée étrangère.»

Ou l'histoire de l'éléphant qui finit par s'effrayer de la souris qui passe et repasse entre ses énormes pattes sans jamais vraiment parvenir à s'en saisir ou s'en débarrasser, jusqu'à le rendre fou.

Il y a aussi la situation intérieure irakienne des plus complexes, les différences linguistiques, culturelles pour ainsi dire insolubles entre ces irakien chiites ou sunnites sortant de plusieurs décennies de dictature baasiste et de jeunes américains sûrs d'eux, fiers de leur drapeau et de leur pays, eux même d'abord convaincu d'être venu apporter le bien pour, comprendre par la suite, assez rapidement, que cette guerre était bien partie pour n'avoir jamais de fin...

A force d'exemples minutieusement choisis et détaillés, sans jamais s'arroger la double posture de juge et de partie, seulement celle de témoin éclairé, William Langewiesche en arrive à cette conclusion terrible que des événements de ce type, dans des guerres de ce type ne peuvent que survenir. Pire : qu'il serait pour ainsi dire incroyable que cela n'advienne jamais... Ainsi, le Capitaine Lucas McConnell, sous les ordres duquel se trouvaient ces militaires vengeurs, de très certainement penser, après avoir été mis au courant des faits : «Les américains tuent des civils tous les jours. C'est un fait commun en Irak». il acheva même le debrief de cette sombre journée en ce termes : «[...]bon boulot et continuez comme ça». C'était dit sans le moindre cynisme, c'est à dire avec la seule et simple vision du soldat appliquant les procédures et les ordres, mais sans le moindre regard en arrière ni référence aux vingt quatre malheureuses personnes purement assassinées ce jour-là. Parce que c'était «la manière la plus habituelle de conduire cette guerre.» Une sorte de "banalité du mal", pour reprendre le concept philosophique développé par Hannah Arendt mais appliquée à des gens absolument convaincus, moralement s'entend, d'être sur le chemin du bien, et de le faire du mieux possible.

Un texte court, saisissant, sans doute moins crucialement d'actualité qu'à l'époque de sa rédaction, mais dramatiquement toujours aussi perspicace et contemporain par la réflexion qu'il engage.
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William Langewiesche revient sur le massacre d'Haditha, perpétré le 19 novembre 2005 par des Marines américains sur 24 civils irakiens (dont de nombreux vieillards, femmes et enfants) après que l'un des leurs ait été tué lors d'un attentat à la bombe. L'intérêt de ce petit ouvrage est d'éviter l'écueil du pamphlet antimilitaire ou bien, à l'inverse, celui d'une apologie de la guerre en Irak. William Langewiesche nous brosse le portrait le plus juste possible de ce conflit, en nous le présentant comme l'archétype de ce que le général britannique Sir Rupert Smith appelle « la guerre au sein des populations ». Il décrit en effet avec beaucoup d'à-propos la situation complexe dans laquelle se trouvent les Marines US, écartelés entre le sentiment de remplir leur devoir vis-à-vis de la patrie américaine et celui d'être engagé dans un conflit insoluble. Cette situation inextricable dans laquelle se trouvent les soldats, soumis à la haine de la population locale, souligne le paradoxe fondamental de l'engagement occidental en Irak, à savoir que « dans le but de sauver des soldats américains, on sacrifie de nombreuses vies d'Irakiens innocents ; ce faisant, grâce à l'armée de terre en particulier, d'innombrables combattants ennemis rejoignent l'insurrection, qui lancera à l'avenir des attaques plus fréquentes contre ces mêmes soldats » (sic p. 42). Ce n'est pas un hasard si Barack Obama appelle de tous ses voeux le retrait le plus rapide possible des troupes américaines d'Irak : la stratégie amorcée par Georges W. Busch après le 11 septembre 2001, celle d'une lutte outrancière contre le terrorisme international, n'a pas pris en compte le (...)
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L'Irak, vous connaissez sûrement, un petit bout de terre qui traîne entre l'Iran et la Syrie, envahit par les perses puis par les américains. Parait même qu'ils sont encore en guerre, en tout cas c'est ce que veut nous faire croire ce petit livre édité chez Allia pour la modique somme de 3 euros. Allia lui-même diffusé par Harmonia Mundi, tout les libraires devraient en avoir. J'espère maintenant que je vais pouvoir accéder aux postes les plus intéressants des éditeurs d'une bonne partie de l'oeuvre de Louÿs, je verrais ça se soir.
La conduite de la guerre nous emmène donc dans le bourbier Irakien, là où les Marines de notre enfance combattent non plus les russekofs ou autres saletés rouges mais des barbus talibans et terroristes. Un petit nombre de combattants américains, corps de Marines de leur état, emmènent le petit déjeuner à leurs copains… Mais quel ne fût pas leur surprise lorsqu'ils explosèrent sur une mine, bilan du petit déjeuner : 1 morts, 2 blessé grave. Privés de petits déjeuners, les Marines commencent alors à s'énerver et à tirer sur tout ce qui bouge, ou ce qui ne bouge plus trop, bilan...
Lien : http://www.leblogdemanu.com/..
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Le massacre d'Haditha en Irak, sa genèse structurelle, ses conséquences symptomatiques.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/07/07/note-de-lecture-la-conduite-de-la-guerre-william-langewiesche/

Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
L'armée a fait un usage excessif de la force non seulement parce que les armes étaient disponibles, mais aussi parce que la haute technologie a habitué les Américains à conduire des guerres en perdant peu d'hommes. Tout particulièrement dans le contexte d'un conflit qui n'a jamais été expliqué de manière adéquate, l'armée américaine ne peut pas se permettre, pour des raisons politiques, de gaspiller la vie des soldats. Il est difficile d'avancer publiquement l'argument selon lequel la prudence des militaires n'est pas une bonne chose. Si l'on raisonne en termes mathématiques cependant, il y a un problème : dans le but de sauver des soldats américains, on sacrifie de nombreuses vies d'Irakiens innocents ; ce faisant, grâce à l'armée de terre en particulier, d'innombrables combattants ennemis rejoignent l'insurrection qui lancera à l'avenir des attaques plus fréquentes contre ces mêmes soldats.
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Les hommes répondirent avec le cri de ralliement des Marines, Hou-rah et des Amens.
McConnell dit : « Profitez du repas s’il vous plaît. Vous pouvez lever vos verres à la santé des cuisiniers. Ils ont travaillé dur. Et si vous croisez quelqu’un du magasin Quatre, saluez-le, parce qu’ils ont transporté tout ce que vous voyez ici et ce n’est pas l’endroit le plus tranquille pour convoyer de la nourriture. Je suis content que vous soyez tous ici et, surtout, joyeux Thanksgiving. Allez de l’avant et accomplissez de grandes choses. Hou-rah ! »
Hou-rah. Les Irakiens vivent dans une société basée sur l’honneur, construite autour de liens familiaux étroits. Quand des non-combattants sont tués, cela n’a pas beaucoup d’importance pour les survivants de savoir si les règles des Américains ou si les décisions des tribunaux militaires américains le permettent. Les survivants prennent le chemin de la guerre en retour, ce qui alimente encore un peu plus une spirale de violence sans espoir de solution pacifique. Haditha n’en est qu’un petit exemple. Depuis, trois ans après environ, la haine des forces américaines est devenue si vive dans la ville que les militaires qui enquêtent pour les procès de Pendleton ont abandonné l’idée de se rendre sur place. Cette haine est une haine de sang. C’est le genre de haine pour laquelle les gens sont prêts à mourir, sans autre but que la vengeance. C’est ce qui est immédiatement apparu sur une vidéo qui fut tournée par un voisin irakien après le massacre ; vidéo qui fut ensuite donnée au magazine Time. Le corps des Marines a eu tort de prendre cette vidéo à la légère, d’en parler en termes de fiction et de propagande. Il s’agit d’un authentique artefact irakien. Elle devrait être montrée aux bleus pendant leur préparation. Elle devcrait être montrée aux généraux en charge du commandement. Les images qu’elle montre sont brutes. Des gens se déplacent autour des dépouilles défigurées, elles pleurent, elles sont en deuil et elles jurent vengeance devant Dieu. « C’est mon frère ! Mon frère ! Mon frère ! » Dans une des pièces où les événements ont eu lieu, un garçon au regard dur montre le corps de son père. Ravalant des sanglots de colère, il crie : « Je veux dire que c’est mon père ! Dieu punira les Américains ! Montrez-moi à la caméra ! C’est mon père ! Il venait d’acheter un garage ! Il n’avait pas encore donné tout l’argent au propriétaire et il a été tué ! »
Un autre homme crie : « C’est ça, la démocratie ? »
Bon, oui, mais non, en fait, c’est Haditha. Pour les États-Unis, c’est à cela que ressemble la défaite dans cette guerre.
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Le 19 novembre 2005, à Haditha, lors de la troisième mission en Irak de la compagnie K(*), une mine terrestre déposée par des rebelles explosa au passage d'un véhicule de l'armée américaine, tuant un Marine agé de vingt ans. Le massacre des vingt-quatre Irakiens - homme, femmes et enfants - qui s'ensuivit ne fut pas tout à fait une anomalie. Ces actes ont trouvé leur origine dans la conduite même de la guerre.


(*) 3ème bataillon du Ier régiment de Marines, 1ère division du 1er corps expéditionnaire de la marine américaine (IMEF), la compagnie K est aussi connue sous le nom de la compagnie Kilo.
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L’Euphrate est un fleuve tranquille. Il serpente silencieusement à travers le désert, apportant la vie à la province d’Anbar, flanqué de la végétation qui pousse le long de ses rives, alimentant en eau fermes et palmeraies ainsi qu’une série de bourgades et de villes : Falloujah, Ramadi, Hit, Haditha. Celles-ci font partie des lieux que les affrontements ont rendu célèbres : des communautés conservatrices, autrefois calmes, qui ont mis en échec le pouvoir américain et où la rébellion sunnite continue de s’étendre, en dépit de toutes les définitions réductrices de ce qu’est une victoire militaire.
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