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Bernard Blanc (Traducteur)
EAN : 9782070307425
400 pages
Gallimard (23/03/2006)
4.15/5   478 notes
Résumé :
Dans l'East Texas profond de la Grande Dépression, la pauvreté règne et dévaste la région comme une tornade. Le jeune Harry découvre le corps mutilé d'une femme noire sur le bord de la rivière Sabine. La femme aurait-elle été la victime de l'Homme-Chèvre, un monstre de légende ? À bien écouter les vieux du village, le Diable n'est jamais loin des carrefours et des rivières. Bientôt c'est le cadavre d'une seconde femme qu'on retrouve nu dans un arbre. Les esprits s'é... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (115) Voir plus Ajouter une critique
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Coup de coeur pour ce thriller qui se passe au début des années 30 au moment de la grande dépression dans l'East Texas gangrené par le racisme.
Deux femmes sont trouvées sauvagement assassinées et mutilées dans les marécages prés de la rivière Sabine et comme elles sont noires c'est pas bien grave pour les blancs du coin.
Une troisième femme, blanche cette fois, est retrouvée morte dans les mêmes conditions et cette fois c'est sérieux . Et bien sûr comme ça ne peut-être qu'un noir qui a commis ces crimes atroces le Klu Klu Klan, qui fait régner la terreur et se substitue souvent à la loi, intervient…
Le début de cette triste histoire qui dure 2 ans se déroule sous les yeux d'un garçon de 11 ans Harry, qui a trouvé la première victime en compagnie de sa soeur Thomasina dite Tom, 9 ans, alors qu'ils jouaient dans les marécages.
Harry, fils de Jacob, coiffeur, fermier et constable, chargé de représenter la loi si besoin est.
Jacob, pas toujours bien vu par certains, car considéré comme le copain des noirs parce qu'il traite ceux-ci avec respect mais qui reconnaît une part d'ombre en lui-même qui l'amènera involontairement à être à l'origine de la mort d'un innocent. Une tragédie dont il aura beaucoup de mal à se remettre.
Bouleversé par ce père qu'il ne reconnaît plus, Harry, aidé par sa mémé, une femme indépendante et pleine de fantaisie, essaye de retrouver le coupable qu'il ne trouvera finalement qu'incidemment et dans des circonstances dramatiques.
Un Harry émouvant, qui de nombreuses années après, âgé de plus de 80 ans et malade, attend la mort dans une maison de retraite et pour l'oublier un instant se remémore de douloureux souvenirs qui lui ont volé une partie de son enfance et fait perdre pas mal d'illusions.
Mais des souvenirs qui ,paradoxalement, lui réchauffent le coeur car il y retrouve toute sa famille qu'il aimait tant ainsi que son chien Tobby et cette nature devenue méconnaissable tellement elle a été défigurée.
Un roman sombre, sensible et puissant qui nous fait bien ressentir la pauvreté, le racisme et particulièrement la grande force des préjugés car comment expliquer autrement que dans leur jeunesse des gamins noirs et blancs jouent ensemble et pour certains même élevés par une femme noire qu'ils considèrent comme leur mère, puissent devenir racistes à l'âge adulte...
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Du fond de sa maison de retraite, Harry se souvient des années 30 et du jour où, accompagné de sa petite soeur, il a découvert le cadavre mutilé d'une femme noire dans les marécages de Pearl Creek. Âgé d'une douzaine d'années à l'époque, il avait tout fait pour aider son père, constable du bled en question, à mener l'enquête concernant ce meurtre qui était vite devenu le premier d'une longue série. Pourtant, étant donné le contexte ségrégationniste de l'époque, en particulier dans ce coin reculé de l'East Texas, s'intéresser aux causes de la mort d'un noir n'était pas très bien vu, voire même assez risqué !

Avec « Les Marécages », Joe R. Lansdale plonge donc le lecteur au début des années 30, au coeur de la grande dépression, dans un coin des États-Unis où il ne faisait pas bon d'être noir. Là où le Ku Klux Klan faisait la pluie et le beau temps, la vie d'un noir n'avait pas vraiment de valeur, alors gaspiller son temps à enquêter sur la découverte d'un corps qui n'est pas blanc équivalait en quelque sorte à défier les valeurs fondamentales du Klan.

En partageant la vision d'un vieil homme de plus de quatre-vingt ans qui raconte ses souvenirs d'enfant, l'auteur parvient non seulement à restituer un contexte sombre et nauséabond à travers le regard innocent d'un gamin, tout en conservant le recul d'une narration certes empreinte de nostalgie, mais surtout capable de saisir et de cadrer les sensibilités de l'époque.

La base du récit est donc une enquête policière, mais celle-ci sert donc surtout d'excuse afin de pouvoir dépeindre une société gangrénée par le racisme. Les enquêteurs (un père agriculteur/coiffeur, deux enfants et une grand-mère) sont d'ailleurs loin d'être des professionnels et n'ont de surcroît pas les capacités, ni les instruments pour faire avancer les investigations comme elles le devraient, sans parler des autres protagonistes, pas vraiment enclins à s'intéresser à des victimes noires. Et même si Joe R. Lansdale parvient à entretenir le suspense tout au long du récit avec beaucoup de brio, la résolution de l'enquête s'avère finalement assez prévisible.

Non, l'intérêt principal de cet excellent roman est la restitution de l'ambiance moite et étouffante de l'époque, à l'aide d'une galerie de personnages bien campés auxquels on s'attache volontiers au fil des pages. Outre les conditions de vie particulièrement difficiles des Noirs, l'auteur parvient également à restituer ce racisme tellement ancré dans les traditions qu'il parvient même à changer l'attitude d'enfants blancs envers des Noirs qui les ont pourtant parfois élevés ou avec lesquels ils jouaient étant petits, pour finalement en avoir honte, voire même les haïr comme tout bon blanc qui se respectait durant ces années malsaines et nauséabondes dirigées et pourries par le KKK.
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Allongé dans la chambre de cette maison de retraite, à plus de 80 ans, attendant qu'on lui serve un repas ou quelque chose qui y ressemble, il se rappelle sa jeunesse...
Au début des années 30, Harry et sa petite soeur, Thomasina surnommée Tom, vivent paisiblement dans ce coin reculé de l'East Texas, dans leur propriété entourée d'arbres et la Sabine qui s'écoulait tout près. Maman au foyer et papa coiffeur, cultivateur et, accessoirement, constable de la petite ville de Pearl Creek, faute de shérif. le jour où Toby, leur chien, se fait écraser par une branche et se trouve ainsi estropié, les deux enfants n'ont d'autre choix, le coeur dans l'âme, que d'achever la pauvre bête souffrante. Les enfants décident d'aller en forêt mais s'amusant et chassant l'écureuil, ils s'éloignent de chez eux et finissent par se perdre. C'est alors que, le long de la berge, Harry aperçoit une masse grisâtre accrochée dans un églantier. La clarté de la lune lui permet d'identifier un visage. le visage d'une femme noire, entièrement nue, le corps tout gonflé et déformé, bâillonnée avec des barbelés. Premier cadavre d'une série qui va bouleverser la petite bourgade...

Dans l'East Texas, là où le KKK est omniprésent et règne en maître, la mort d'une femme noire, qui plus est de petite vertu, ne semble guère ni inquiéter ni émouvoir les habitants de Pearl Creek. C'était sans compter sur certaines personnes qui jugent les actes et sentiments de ce groupuscule violents, inacceptables et condamnables notamment Harry et son père, Jacob. Joe R. Lansdale nous plonge au coeur d'un état dans lequel il ne fait pas bon être noir et décrit parfaitement l'ambiance étouffante et parfois malsaine qui règne dans cette petite de Pearl Creek ainsi que les conditions de vie difficiles des Noirs. Il donne la parole à Harry, jeune adolescent qui, du haut de ses 13 ans, va se rendre compte du malaise régnant et ainsi perdre un peu de son innocence. Avec ce roman profondément noir, l'auteur prend le temps d'installer une intrigue captivante et parfaitement huilée et dresse une galerie de personnages tantôt touchante tantôt inquiétante. Des personnages qui, au fil des pages, s'étoffent et se dévoilent. Un roman à la fois sombre et poisseux, aux dialogues travaillés et à l'écriture maîtrisée.
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Cela démarre puissamment. Deux enfants, Harry treize ans et sa petite soeur, perdus, errent dans les marécages de l'East Texas ; ils sentent la présence inquiétante de quelqu'un ou quelque chose qui les suit, transformant leur périple en terreur nocturne : est-ce le fameux Homme-Chèvre ? Un « ambulant » ( un mort maudit qui a vendu son âme au diable ) ?
La force de l'irruption du fantastique se heurte rapidement à la découverte très terre-à-terre du cadavre atrocement mutilé d'une femme noire dénudée.

Harry sera nos yeux durant toute le roman selon le principe de l'analepse : c'est un Harry âgé de plus de quatre-vingt ans qui livre aux lecteurs ces souvenirs d'enfant sur cette enquête menée par son père, constable local ( sorte d'officier de police ), durant la Grande Dépression des années 30.

Tout est passionnant dans ce grand roman d'apprentissage proche de Ne Tirez pas sur l'Oiseau moqueur de Harper Lee : un père, ce héros, progressiste, vacillant dans un Etat sudiste et raciste où le Ku Klux Klan sévit comme acteur omniprésent du quotidien. Vouloir la vérité et découvrir le coupable de ce meurtre, c'est considérer qu'une vie noir vaut autant qu'une vie blanche, c'est nier le ségrégationnisme, c'est défier le Klan. le père ne cédera rien et en assumera les conséquences sous les yeux de son fils qui cherche à se construire dans ce monde complexe et violent.

Si l'enquête en elle-même est somme toute assez prévisible dans sa résolution, le final est d'une rare intensité sur les traces de la Nuit du chasseur : un fleuve, la nuit, deux enfants, un tueur.
Un polar profond, poisseux, résolument sombre.
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Y en a qui trouvent des oeufs de Pâques et puis y en a qui trouvent des cadavres. Harry et sa petite soeur se situeraient plutôt dans la deuxième catégorie. Jamais bon d'aller trainer dans les marais. La mauvaise nouvelle, ce corps mutilé qui fait un peu tâche dans le paysage. La bonne, il est noir. Et dans cette région du Texas où le KKK sévit majoritairement, ce serait même plutôt Noël avant l'heure.
Le père de Harry est coiffeur de métier, constable à temps partiel. Pas de shérif à déclarer dans cette petite bourgade, trop de responsabilités.
Son défaut, vouloir faire la lumière sur ce qui apparaît être le crime d'un "ambulant " alors que n'importe quel nègre ferait l'affaire et occasionnerait ainsi une pendaison dans l'heure. C'est qu'on a placé très haut le niveau de marrade dans le coin.
La chance, ça va un temps. Aussi, dès que les macchabées commenceront à tirer sur le clair, les joyeux encagoulés et leur clique débilitante, paradoxalement, verront noir au point de réclamer enfin un coupable digne de ce nom !

Chacun connait l'univers impitoyable de Dallas, mais ça, c'était avant de percuter frontalement celui de Lansdale.
Un racisme pleinement reconnu et assumé, des crimes en série, des marais tout plein de gens qui font rarement marrer, amis de la gaudriole et de la dérision, bonsoir !

En ce début des années trente, Lansdale y décrit magistralement la délicate condition de noir perçu bien moins qu'une bête et tout juste bon à se balancer au bout d'une corde. Qu'y a t-il de plus détestable qu'un noir, un blanc qui épouse leur cause. Jacob, devenu shérif à temps plein et moderniste avant l'heure, s'y brûlera les ailes.
Le contexte est étouffant, la région n'incite pas au tourisme. L'auteur fait de ces marécages un personnage incontournable de ce grand roman, ajoutant encore un peu plus à ce sentiment d'oppression diffus au fil des pages.
Lansdale s'attache également à la perte de l'innocence. A ce virage de l'adolescence attaqué pleine bourre par un gamin insouciant qui vit là ses premières désillusions.

Attaquer Les Marécages, c'est se préparer à une sale apnée et une remontée sans paliers de décompression.
Quelques rares personnages viendront cependant apporter un peu de douceur dans ce monde de brutes mais de façon bien trop sporadique pour éprouver finalement la moindre empathie envers un genre humain en-dessous de tout.
Le constat est sans appel, noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir...
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Citations et extraits (72) Voir plus Ajouter une citation
[autopsie, années 1930]
- [...] je dirais qu'elle a été violée. Son sexe est tout déchiré, donc elle a été forcée. Une fois que le gars a eu terminé, il l'a encore découpée un moment. Elle était toujours vivante. Et son clitoris a disparu.
- Son quoi ? demanda mon père.
- Son clitoris. C'est une partie du sexe féminin. Quand on le frotte, sur une femme vivante, ça l'excite vraiment.
- Ah ouais ? fit papa.
- Ouais. C'est un minuscule bout de chair qui roule sous votre pouce ou sous vos doigts. C'est un truc que tout homme devrait connaître, si vous comprenez ce que je veux dire.
Papa hocha de nouveau la tête, comme s'il réfléchissait à un grand mystère - ou plutôt à une information élémentaire qui, d'une façon ou d'une autre, lui avait été refusée. Je me promis, moi aussi, de m'en souvenir, même si, à ce moment-là [treize ans], je n'étais pas certain d'en avoir besoin un jour.
(p. 104-105)
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Quand le printemps arriva, papa sembla aller un peu mieux. Il attaqua les plantations, exactement comme d'habitude, mais il n'évoqua pas les récoltes ; il ne discutait presque plus avec maman….
Il passait beaucoup de temps dans sa chambre. Il prenait la plupart de ses repas seul - quand il mangeait. Il parlait, mais ses paroles étaient sèches et froissées, comme des feuilles mortes. S'il nous voyait arriver alors qu'il était assis dehors, il se levait et s'éloignait, comme si on l'avait surpris en train de faire quelque chose de gênant.
La maison changea. Il ne m'était jamais venu à l'idée avant cela qu'une maison était une espèce de corps et que, comme lui, l'esprit qui l'habitait la gardait en un seul morceau. Et si nous, la famille, nous étions cet esprit, une partie de nous, une énorme partie de nous, était bien mal en point.
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- Tu vois, Harry, à la façon dont il fonctionne, le monde d'aujourd'hui n'a aucun avenir. Il faut que ça change si on veut que les Américains vivent ensemble dans ce pays. La guerre de Sécession est terminée depuis plus de soixante et quelques années, et il y a encore des gens qui en haïssent d'autres parce qu'ils sont nés dans le Nord ou dans le Sud des Etats-Unis…
- Et pour l'instant, la seule différence pour les Noirs, c'est que leurs maîtres ne peuvent plus les vendre.
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Je suppose que certains avaient de l’argent à l’époque, mais pas nous. C’était la Grande Dépression.

Et de toute façon, si on en avait eu, il n’y avait vraiment pas grand-chose à acheter, ces années-là, à part des cochons, des poulets, des légumes et des denrées de base ; et puisqu’on produisait les trois premiers, c’étaient celles-là qui nous intéressaient, et parfois on faisait du troc pour se les procurer.
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Des cerfs aussi, rôdaient dans ces bois. Il y en avait peut-être moins qu'aujourd'hui, maintenant que les viandards les font pousser comme du blé pour les moissonner avec leurs gros calibres pendant la saison, planqués dans leurs huttes et bourrés comme des coings. Ils les gavent de maïs et ils les habituent à l'homme pour pouvoir les descendre plus facilement et se donner l'impression d'être de grands chasseurs. Flinguer un cerf, transporter sa dépouille dans un pick-up et faire empailler sa tête leur coûtent plus cher qu'une visite chez le boucher du coin où ils pourraient acheter une quantité équivalente de steaks. Ces gars-là aiment bien se barbouiller le visage avec le sang de leurs victimes et prendre des photos, comme s'ils étaient de vrais guerriers. On jurerait que ces foutues bêtes, en face d'eux, étaient armées et dangereuses.
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