La bataille de Wagram

- Je vous signale, dit Ulrich froidement, qu'il y a six mois à Wiener-Neustadt, un soir, chez Thieburg, vous avez soutenu exactement le contraire. Vous disiez, je me rappelle chaque mot, que vous étiez tellement hostile au groupe, aux communautés, que vous vous trouviez vous-même, à vous tout seul, expliquiez-vous, trop nombreux.
- Mais, répondit Otto d'une voix interloquée, il y a six mois j'ai dit cela. Et comment vouliez-vous que je dise il y a six mois ce que je dirais six mois plus tard, c'est-à-dire aujourd'hui, ou bien alors, que demeurerait-il de ces six mois, une vapeur, un mirage ? Et dans six mois, je dirai autre chose et comment dirais-je aujourd'hui ce que je dirai dans six mois, il faut raisonner un peu, Ulrich... C'est déjà assez pénible de penser. Si en plus il fallait penser toujours la même chose ?

Il essayait laborieusement d'expliquer à son ami les avantages qu'il trouvait à l'état militaire. Otto avait toujours détesté de prendre des décisions. Dès qu'il voyait arriver une décision, il prenait ses jambes à son cou. Chaque fois qu'il choisissait, il se privait de toutes les choses qu'il n'avait pas choisies et il était harcelé de regrets.