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EAN : 9782290033333
217 pages
Editions 84 (11/06/2014)
3.62/5   60 notes
Résumé :
Clair-Obscur Chicago, 1927. Deux amies d'enfance, longtemps éloignées, se retrouvent un jour de canicule. Tout les oppose, hormis le fait d'être Noires et suffisamment claires de peau pour pouvoir « passer » pour Blanches. Entre Claire, la femme fatale, et Irène, la respectable mère de famille, une relation passionnée se noue, déployant tout le spectre de l'amitié, de l'amour et de la haine. Claire, mariée à un Blanc raciste qui ignore qu'elle est Noire, souhaite re... >Voir plus
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Clair-obscur, choisi pour sa couverture, s'est avéré être un trésor de finesse et de sensibilité. Publié en 1929 par une Américaine à l'incroyable parcours, Nella Larsen, il a été récemment sorti des limbes littéraires par les Cultural Studies. Son titre original, Passing, n'évoque pas grand chose aux Européens que nous sommes. Et pourtant, nous le connaissons. Le passing consiste à être considéré d'après son apparence comme le membre d'un groupe social autre que le sien. C'est Gabriel de George Sand, héroïne vêtue en garçon, c'est Tom Ripley de Patricia Highsmith qui rêve d'une existence privilégiée…
Dans Clair-obscur, c'est du passing racial dont il est question. Cette forme de « passage », on l'a vu au cinéma quand Yvonne de Carlo dans L'esclave libre, apprend que sa mère était noire et se retrouve dépossédée de ses biens puis vendue comme esclave, ou quand Jennifer Beals dans Le diable en robe bleue, est recherchée par Denzel Washington. Le passing symbolise sur grand écran ou dans des oeuvres littéraires moins confidentielles comme La tache de Roth ou Desirée's baby de Kate Chopin, l'obsession de la notion de race chez les Américains.
A travers le parcours de deux femmes afro-américaines originaires de quartiers sud de Chicago, à la fin des années 20, l'auteure Nella Larsen, née d'une mère danoise et d'un père caribéen va donner au passing racial sa dimension la plus absurde et la plus schizophrénique. La force du roman, sa puissance d'évocation proviennent sans doute des origines de l'auteure, née dans une époque où le métissage n'est pas une richesse mais un fardeau, par son expérience en tant que femme, ni blanche, ni noire, qui se doit de trouver une place dans une société qui ne tolère pas la nuance.
Irène Redfield et Claire Kendry étaient amies d'enfance. Leurs points communs, être toutes deux d'une grande beauté et avoir une peau très claire, assez pour pouvoir « franchir la ligne », celle des barrières raciales, et passer pour des méditerranéennes. Elles se sont perdues de vue et quand elles ses retrouvent par hasard à l'âge adulte, elles réalisent qu'elles ont emprunté des voies très différentes. Irène Redfield, très impliquée dans la communauté noire, a épousé un homme « trop foncé pour passer » et a eu deux enfants. Son amie Claire a bâti sa vie sur un mensonge. Elle a épousé un blanc raciste qui ignore tout des origines de sa femme dont elle a eu une fille. La question du passing est centrale au début de leurs retrouvailles -« Elle voulait s'enquérir de ce jeu dangereux du « passage », cette rupture avec tout ce qui vous était vous était familier et amical pour courir sa chance dans un autre cadre, pas tout à fait inconnu, peut-être, mais certainement pas tout à fait amical. Que faisait-on, par exemple, de ses origines et de son milieu, comment se présentait-on? Et que ressentait-on quand on cotôyait d'autres nègres? » Clair-obscur dépeint de manière magistrale l'absurdité d'une société basée sur l'apparence, la paranoïa de personnages vivant dans la crainte d'être découverts. Les lignes consacrées à la grossesse d'une des protagonistes, terrifiée à l'idée de donner naissance à un bébé foncé qui trahirait les origines de sa mère sont d'une grande force.
Mais Clair-obscur est aussi un beau roman sur l'amitié féminine, la dualité, la gémellité invasive, intrusive. L'oeuvre monte en puissance à mesure que l'une des héroïnes s'impose dans la vie de l'autre, se lie à sa famille, à son mari. Quand l'une devient le double triomphant de l'autre, la peur, le sentiment de dépossession, distillent leur poison. Nella Larsen a dressé le portrait d'une femme des années 20 incroyablement libre, qui transgresse à la fois les règles raciales et les règles sociales, une héroïne d'une incroyable modernité, qui nous pousse à nous interroger sur les notions d'identité , de liberté, de sexualité. La préface de Laure Murat, passionnante, nous permet de mieux connaître Nella Larsen, qui embrassa la profession d'infirmière, à défaut de pouvoir, à cause de sa couleur, exercer une autre profession et qui rédigea des nouvelles et deux romans, Clair-obscur et Sables mouvants.
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C'etait Mollymon qui, il y de cela quelques mois, avait attire mon attention sur ce livre. Clair-obscur. Passing, le titre original, est peut-etre difficile a traduire. le clair-obscur fait ressortir la lumiere de tons obscurs. Et le passing, ici, c'est faire passer des tons obscurs pour de plus clairs. Cacher les tons obscurs, les decolorer. Et il ne s'agit pas de peinture, de tableaux, mais de personnes. Des personnes qui veulent se faire passer pour quelqu'un d'autre. Pour quelqu'un d'une autre race. Des americains noirs (dois-je dire de couleur?) qui profitent d'un teint decolore pour se faire passer pour blancs (dois-je dire des sans couleur? le politicly correct me tourneboule).

L'Amerique. Les annees 20 du siecle dernier. L'auteure y met en scene deux amies, noires mais claires de teint toutes deux. L'une est mariee a un noir et assume son appartenance raciale, bien qu'en douce elle aime s'attabler dans des cafes interdits aux noirs. L'autre se fait carrement passer pour blanche et s'est meme mariee a un raciste invetere. Elles se retrouvent par hasard apres des annees d'eloignement. Et le recit s'organise autour de leurs differences, de leur vecu contraste, de leur rencontre renouvelee, ou s'entremelent attraction et antagonisme. Cela donne un texte d'une grande profondeur, pas simpliste pour un sou. Il nous confronte a la realite de la segregation raciale du moment (um moment qui se continue encore) sans avoir recours a ses plus horribles deviations. Il nous fait voir, a travers l'evolution psychologique des personnages, les conflits internes qui en decoulent, les peurs face aux contenances affichees, aux apparences. Les tiraillements qui en fin de compte engendreront un drame en fin de livre.

Mais ce n'est pas qu'un recit sur l'occultation d'identite et ses consequences. C'est aussi une histoire de rivalite entre femmes, entre une qui se veut, qui se croit, sensee, prudente et reflechie, responsable, et une impulsive, qui veut croquer la vie a chaque instant. Elles s'attirent et par cela meme deviennent irrepressiblement une menace l'une pour l'autre. La tension entre elles croit, jusqu'au drame. Et quand celui-ci arrive le lecteur ne sait plus qui des deux emporte sa sympathie, qui est la plus acharnee a sauver ses facades, qui projette les plus fausses apparences.

J'ai trouve que c'est un roman tres abouti. Un superbe drame sur l'identite mais aussi sur le desir. de superbes portraits de femmes qui essaient de survivre dans une jungle sociale, ainsi que dans celle qu'elles se sont elles-memes creee. Un petit classique qui date de presque un siecle, d'une auteure noire, precurseure et un peu oubliee.
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Elles ne se sont pas vues depuis douze ans lorsque leurs routes se croisent de nouveau, durant un séjour à Chicago, la ville dans laquelle elles ont grandie. Depuis, Claire Kendry s'est métamorphosée en magnifique blonde à la peau ivoire et à la beauté hypnotique, tandis qu'Irène Redfield est devenue une mère de famille mondaine à la vie bien rangée.


La première s'est coupée de ses racines, épousant un Blanc raciste et lui cachant ses origines noires tandis que la seconde fait partie de l'intelligentsia de la culture afro-américaine, vivant à Harlem avec mari et enfants. Seul point commun entre ses deux femmes aux choix de vie bien différents, cette couleur de peau particulièrement claire qui leur permet de se faire passer pour blanches aux yeux des autres… Un avantage dans un pays en pleine ségrégation, mais aussi un fardeau pour Claire qui souhaite renouer avec un monde qu'elle a banni de sa vie…


Publié en 1929 aux Etats-Unis, « Clair-obscur » est devenu un classique de la littérature américaine qui raconte, dans une mise en scène tragique, un phénomène fréquent dans une société où la mixité est nombreuse : le « passing ». Cela consiste, pour un individu de couleur, à se faire passer pour ce qu'il n'est pas en réalité et à masquer ses véritables origines.


Construit à l'image d'une pièce de théâtre en quatre actes, composés chacun de quatre scènes, le roman s'organise autour de ces deux personnages féminins que tout semble opposer. Il s'ouvre sur des retrouvailles particulièrement intenses, qui laissent entrevoir toute l'ambiguïté de la relation qui unit Claire et Irène. Une amitié faite d'attraction, de fascination mais aussi de rancoeur et de dégoût et qui n'aura de cesse de pencher d'un côté et de l'autre jusqu'à l'apothéose finale…


A l'image De Claire, l'écriture de Nella Larsen exerce un envoûtement quasi hypnotique sur le lecteur. le langage est tantôt précieux et âpre, tantôt sensuel et poétique et nous plonge dans ses méandres avec une efficacité redoutable qui rend le texte difficile à lâcher ! Claire, sous des dehors légers et frivoles, est un personnage complexe et borderline, jouant en permanence avec le danger, excitée par le risque que son secret soit découvert. Sa présence instaure, dès le début, une tension qui ne cesse de croître et laisse présager le pire…


Si l'amour, l'amitié et la jalousie sont au coeur du roman, ils n'empêchent pas néanmoins l'auteur de parler des problématiques de son époque telles que le racisme, la ségrégation et l'attachement aux racines. Un texte magnifiquement orchestré, à la fois brillant, hypnotique et dérangeant, qui laisse la porte ouverte à l'interprétation…


A souligner la préface de Laure Murat que j'ai trouvée particulièrement intéressante et qui apporte une explication pertinente à la compréhension du texte. A lire de préférence après le texte si vous ne voulez pas gâcher le plaisir de la lecture par des révélations malvenues!


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Sous la forme d'une tragédie, Clair-obscur nous parle de l'identité raciale, de l'appartenance quoique pas toujours de l'adhésion à cette race qui nous est désignée. Ainsi en va-t-il en Amérique où une goutte de sang noir vous qualifie comme Noir(e)... ou plutôt "Nègre" puisque ce roman est écrit en 1929 et que c'est ainsi qu'on parlait encore des Afro-américains...

Pour faire résonance à cette thématique, Nella Larsen nous parle du passing... ou lorsque que les Noir(e)s très clair(e)s de peau pouvaient se faire passer pour Blanc(he)s... avec à la clé certaines facilités, certes, mais aussi de grands dangers.

Irène aurait pu passer pour Blanche mais a choisi son camp. Au contraire de Claire qui a épousé un Blanc qui ignore qu'elle est en réalité Noire...
Mais le danger ne vient pas toujours d'où l'on croit.

Un drame qui est aussi un portrait sociétal avec des réflexions intéressantes et quelques moments forts... Une lecture certes pas inoubliable mais plutôt agréable.
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…ou du titre anglais Passing, plus parlant, et que nous pouvons traduire par "passée blanche", expression du patois créole de Louisiane au XIXème désignant quiconque d'ascendance africaine passait pour une personne de race blanche, en raison de la clarté de sa peau et de la légèreté des caractères négroïdes.

Nella Larsen publie ce roman en 1929, enfin traduit à ce jour.
L'histoire confronte deux femmes qui paraissent "blanche", assumant ou pas leurs origines africaines. L'une vit sereinement dans sa communauté noire quand l'autre tait cette "tare" à un mari Blanc.
Un huis-clos étouffant qui parle de racisme, de secrets, de jalousie, où le drame se noue au fil des pages, et qui cristallise la difficile reconnaissance de l'identité noire aux États Unis.

Nelly Larsen née de père noir et de mère blanche a dû faire face à la difficulté de ce métissage dans l'Amérique ségrégationniste du début du 20ème siècle. Son roman connait un immense succès dans une époque où les mouvements d'émancipation s'affirment dans une société encore très conservatrice, et où commence à émerger une réflexion sur l'identité raciale.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
« C’était incroyable, songeait Irène, stupéfiant, que quatre personnes puissent rester si placides, si ostensiblement amicales alors qu’elles bouillaient en réalité de colère, d’humiliation, de honte. »
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« L’ennui avec elle, c’était non seulement qu’elle voulût le beurre et l’argent du beurre, mais qu’elle piochât aussi dans le beurre des autres. »
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C'est drôle, cette histoire de passage. Nous le désapprouvons et, en même temps, nous l'excusons. Il suscite notre mépris et pourtant nous l'admirons plutôt. Il nous inspire une sorte de révulsion, mais nous le protégeons.
(p.119)
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« La conversation fut la représentation la plus brillante d’haltérophilie mondaine qu’eût jamais vue Irène. »
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