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3,77

sur 496 notes
Ce livre impressionne par la masse de recherches bibliographique et archivistique qu'a compulsé l'auteur afin de proposer un récit d'une rigueur sans faille sur une période absolument passionnante de l'Histoire : les premières années du régime totalitaire nazie, la mainmise de Hitler sur l'appareil d'Etat allemand une fois qu'il est nommé chancelier le 30 janvier 1933 et la mise au pas progressive de la population.

Erik Larson a choisi de façon très judicieuse sur une double narration, à travers le regard de deux Américains sur l' Allemagne nazie, des personnages ayant réellement existé comme toutes les figures historiques qu'il convoque, petites ou grandes.

William E.Dodd, professeur d'histoire dans une université américain, fervent admirateur de Wilson, se retrouve par défaut nommé par Roosevelt ambassadeur des Etats-Unis à Berlin en 1933. Complètement novice en us et coutumes diplomatiques, il fait montre d'une clairvoyance folle pour l'époque, ne cessant d'alerter sur la nature criminelle de l'Etat hitlérien, jamais entendu dans une Amérique pacifiste et isolationniste qui préfère fermer les yeux sur les exactions antisémites qui se multiplient. Il pressent les drames à venir de la 2GM alors que personne ne veut voir.

L'autre personnage est sa fille, Martha, au parcours fascinant : politiquement vierge lorsqu'elle débarque à Berlin bien décidée à s'amuser, apparaissant d'abord comme complètement frivole , accumulant les amants nazis comme Rudolph Dies ( premier chef de la gestapo ) son enthousiasme pour le IIIème Reich déclinera au contact d'un grand amour, le diplomate et espion soviétique Boris Winogradov. Elle est même été présentée à Hitler en quête d'une compagne, passage savoureusement décrit ! Durant la guerre froide, elle sera agent des services secrets de l'URSS et finira sa vie en 1990 à Prague.

Tout est vrai dans les événements narrés, pas une once de roman, jamais l'auteur ne s'octroie le droit de prêter à ces personnages une psychologie supposée. Quand ils expriment leurs pensées, c'est au travers d'extraits de lettres ou de mémoires mis entre guillemets.

Même si ce livre se lit plus comme une sorte de thriller dont on connaitrait la fin, plutôt que comme un livre d'histoire universitaire à proprement parler, il reste très dense et exigeant, chaque page bruisse de mille détails, de références, d'annotations qui demandent tout de même une réelle concentration. Je lis beaucoup d'ouvrages historiques de type universitaires pour mon travail, je les lis en connaissance de cause, mais là, je m'attendais à quelque chose de plus « romancé », les dialogues m'ont manqué, il n'y en a aucun, jugés par l'auteur sans doute pas assez objectifs.

Mis à part cette réserve très personnelle, cet ouvrage n'est jamais roboratif et apporte un éclairage passionnant sur cette période 1933-34 extrêmement riche ( incendie du Reichstag, Nuits de Longs couteaux entre autres ). On comprend mieux comment les démocraties, Etats-Unis en tête ont pu être aveugles à ce point sur la nature du régime hitlérien. Surtout, cet ouvrage rend intelligible la passivité des Allemands, indifférents devant les exactions commises, notamment antisémites, leur empressement à accepter chaque nouveau décret liberticide ou répressif, ne protestant jamais et ne s'indignant de rien.
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S'il y a de nombreux textes montrant l'Allemagne nazie des Années 30 au travers d'évocation et d'émotions, il y en a nettement moins qui apportent analyse et explications. C'est ce que fait admirablement 'Dans le jardin de la bête', le document écrit par Erik Larsson à partir de courriers, archives et journaux intimes, notamment ceux de l'ambassadeur américain Dodd et de son entourage.

Dodd est un universitaire un peu frustré et poussiéreux en 1933, lorsque Roosevelt l'envoie à Berlin représenter les États-Unis, dans le but de préserver la paix et d'obtenir le paiement des dettes allemandes. Au départ, le décalage est donc complet entre l'ampleur de la mission et l'envergure de l'homme, intelligent mais sans panache, obsédé par la maîtrise des dépenses de son ambassade et la monographie du Vieux Sud qu'il écrit. D'autant plus qu'il emmène avec lui toute sa famille, comme pour des vacances, et donc sa fille Martha, frivole et avant tout préoccupée par ses fêtes, ses amants et ses soupirants... Tous les deux, père et fille, sont vaguement antisémites et d'abord très favorablement impressionnés par ce qu'ils appellent 'l'Allemagne Nouvelle'.

Jusqu'à ce qu'ils soient forcés de voir la réalité des choses, la folie belliqueuse et meurtrière des dirigeants nazis, la paralysie des démocraties et de la diplomatie, l'endoctrinement des masses, et qu'ils deviennent à leur façon des héros ordinaires. Lui en alertant inlassablement ses supérieurs aux États-Unis et en enchaînant les petites démonstrations de courage et de résistance. Elle en se rapprochant des soviétiques et en aidant ses amis en danger.

Plus encore que leur histoire, le livre raconte ce qu'était l'Allemagne à cette époque sombre, et nous permet de mieux comprendre. Il rappelle la Nuit des Longs Couteaux, les manoeuvres de Hitler pour installer la dictature, ses relations avec sa 'chauffeurska' ou ses lieutenants psychopathes occupés à s'entretuer quand ils ne tuaient pas les Juifs ou les opposants, les organisations militaires et paramilitaires : Gestapo, SS, SA, Armée..., la mise au pas de la population à coups de slogans, de saluts, de défilés et de dénonciations. C'est d'autant plus effrayant que c'est vrai.

Bref, 'Dans le jardin de la bête' me semble intéressant et indispensable, pour comprendre et ne pas oublier. Toutefois, 'Dans le jardin de la bête', je suis contente de ne pas y être...
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Passionnée par la Seconde Guerre mondiale, j'ai accepté avec enthousiasme la proposition de Babelio de m'envoyer cet ouvrage d'Erik Larson. Je m'attendais à recevoir un roman, d'ailleurs la couverture parle de thriller politique. En fait, il s'agit d'un récit basé essentiellement sur les notes personnelles et diplomatiques de William Dodd, ambassadeur des Etats-Unis à Berlin de juillet 1933 à décembre 1937 et sur les journaux intimes de sa fille Martha. Plus d'une cinquantaine d'autres documents historiques ainsi que des romans ont été lus et compulsés par l'auteur afin de rendre une vérité historique totale.

Journaliste, Erik Larson a réalisé un vrai travail d'historien ici, comparant, recoupant, confrontant les documents et vérifiant les sources qu'il cite d'ailleurs avec minutie tout au long du récit. Il lui aura fallu trois ans pour nous présenter ce témoignage exceptionnel qui se lit comme un roman. Il nous emporte au coeur de Berlin et nous montre la ville et les événements qui s'y déroulent avec l'oeil d'un Américain démocrate et débonnaire, enclin à croire en la bonté de l'homme et désireux de ne pas offenser son hôte, l'Allemagne. Imprégné aussi d'un antisémitisme primaire courant aux Etats-Unis à l'époque.
Professeur d'histoire de formation, il ne croit pas aux rumeurs, a besoin de confirmation et de faits tangibles pour accorder du crédit à ce qu'on lui rapporte. (Il est aussi nourri de clichés). Dès son arrivée, « il considère son rôle d'ambassadeur davantage comme celui d'un observateur et d'un rapporteur. Il croyait que par la raison et l'exemple, il serait capable d'exercer une influence modératrice sur Hitler et son gouvernement et en même temps, d'aider à pousser les Etats-Unis à sortir de leur isolationnisme vers un plus grand engagement sur la scène internationale. » En toutes circonstances, il se voudra objectif mais manquera souvent de diplomatie. Refusant l'ingérence, Dodd cherchera longtemps à préserver des relations cordiales avec la nation allemande pour laquelle il a beaucoup d'affection.
A ses côtés, le consul George Messersmith est beaucoup plus radical et affolé. Il envoie de longs et fréquents rapports au Département d'Etat pour se plaindre des mauvais traitements dont sont victimes les Américains afin de le faire réagir officiellement. Mais la seule chose qui inquiète vraiment les hauts fonctonnaires, c'est le remboursement de la dette !

Cependant, Dodd n'est pas aveugle et au fil du temps, se rend compte que la montée au pouvoir d'Hitler présage de jours sombres. Les termes qu'ils emploient dans ses écrits sont assez explicites. Un de ses discours lors d'un diner rassemblant des patrons d'entreprise libéraux restera d'ailleurs dans les annales. Mais toujours, il voudra croire en une rédemption possible, en une paix à préserver à tout prix.

De son côté, sa fille Martha, insouciante et délurée, ne pense qu'à s'amuser, à sortir et à goûter aux beautés de la ville. Intelligente, ouverte, vive, elle se fait de nombreux amis, de toutes nationalités et aura également de nombreux amants. le récit de ses soirées, sorties culturelles et discussions nous font vivre un Berlin cosmopolite, au milieu du gratin de la nouvelle société berlinoise dynamique ou des correspondants de presse et diplomates de tout horizon et de toute idéologie. Elle aimait sortir dans les cafés du vieux Berlin, pas encore « normalisés » et historiquement riches. Les deux visions de la ville et de la vie quotidienne (celle de Dodd et celle de Martha) sont d'une complémentarité idéale pour bien cerner la complexité de la situation politique, économique et sociale de l'époque.

La nuit des Longs Couteaux du 29 au 30 juin 1934 montrera enfin le vrai visage de la Bête. Dodd comprendra alors que les jeux sont faits et qu'il est trop tard.

Vous l'aurez compris, cet ouvrage m'a passionnée. Il est essentiel pour aider à la compréhension de la « passivité » des Allemands et des nations alliées lors de la lente et minutieuse ascension d'Hitler au pouvoir. Pourquoi les Etats-Unis ont-ils laissé faire ? C'est la question que tous se posent encore aujourd'hui.
A travers le climat politique de l'époque, les enjeux économiques, nationaux et internationaux, l'ordre et la méthode mis en place par Hitler (et ses troupes) pour asseoir son pouvoir à tous les niveaux et les promesses d'un avenir meilleur qu'il semble mettre en place, on comprend mieux l'aveuglement de certains, la non réactivités des autres et la peur paralysante qui empêcha d'agir les hommes de bien.

Un récit exceptionnel et de grande valeur à lire absolument.
Merci Babelio !!
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« Dans le jardin de la bête » est l'histoire vraie de William E. Dodd, universitaire américain et ami de Roosevelt, nommé ambassadeur des Etats-Unis en 1933 à Berlin. Hitler vient d'être nommé chancelier d'Allemagne. Les chemises brunes des SA de Röhm sèment la terreur sous prétexte d'établir un ordre aryen. Himmler, Göring, Goebbels et d'autres sympathisants au parti national-socialiste intriguent pendant que toute la diplomatie européenne et américaine mange des petits-fours et boit du champagne.
« Pour Dodd, diplomate par accident et non par tempérament, tous ces évènements (la nuit des longs couteaux, la nuit de cristal) étaient effroyables. C'était un chercheur et un démocrate de l'école de Jefferson, un homme rural qui aimait l'histoire et la vieille Allemagne où il avait étudié dans sa jeunesse ».
Le roman historique et très largement et précisément documenté d'Erik Larson est un témoignage riche sur cette période où le monde était sur le point de basculer dans l'horreur et où les gouvernements français, anglais et américains effrayés par le risque d'une nouvelle guerre mondiale, refusaient de reconnaitre l'évidence du chaos qui allait suivre. L'antisémitisme s'était répandu comme la peste dans toutes ces démocraties et il n'apparaissait pas comme évident qu'il serait le détonateur du pire conflit.
Un excellent récit, passionnant.
Traduction d'Edith Ochs.
Editions du Cherche Midi, le livre de poche, 546 pages.
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Je remercie chaleureusement Marie- Laure pour l'achat de cet ouvrage .
..
Je ne ferai pas un long commentaire , beaucoup de billets ont été écrits.

Voici un récit historique——mi- document , mi-essai——-une somme fabuleuse d'épisodes, de faits avérés, de pages de vie, un corpus énorme de documents inédits à propos du déroulement des événements durant les années 30 en Allemagne , grâce aux notes de William E.Dodd, sorte de journal intime sous forme de dizaines de carnets d'un noir brillant, recueil de ses écrits rassemblés par sa fille Martha et Bill son fils ..

Transcriptions de conversations: lâchetés, peurs, exactions, manifestations, contexte de sournoiseries ,rendu d'évènements d'une époque , de réceptions, discours, rapports, compromis , états d'esprit à travers le club très fermé des diplomates étrangers ,et les milliers de pages de la correspondance de W.E.Dodd..
William E. DODD est nommé par le président Roosevelt nouvel ambassadeur à Berlin en 1933.
Professeur d'université formé dans sa jeunesse à Leipzig, il y restera jusqu'en 1937.
Il occupera une position très inconfortable , tentant de ne se faire manipuler ni par les nazis ni par les opposants au nazisme .
Martha, sa fille, courtisée par des hommes de tous rangs, âge, nationalité est dotée d'une forte personnalité, elle se considérait libre de se conduire à sa guise:: de pro- nazie elle deviendra pro - communiste .

L'auteur effectue un travail approfondi ,sérieux , ( voir les 62 pages de notes à la fin ) confronte, recoupe, compare, vérifie ses sources , éclaire l'actualité de mille détails qui nous apprennent beaucoup aussi bien à propos de la nuit des longs couteaux le 30 juin 1934, assassinats par les Nazis ( la nuit où tout bascule ) de l'incendie du Reichstag , des chemises brunes, de la mise au pas progressive de la population et bien d'autres moments de cette sanguinaire folie ....
Chaque page de cette somme historique dense , exigeante, détaillée avec une minutie exemplaire éclaire l'ascension funeste d'Hitler et les interrogations du monde sur ses agissements .
Cela manque un peu de dialogues malgré tout.
Cet essai impressionnant , haletant , captivant , riche, essentiel nous
fait oublier parfois que c'est tiré de faits réels tellement par cette écriture fabuleuse et la mise en place des têtes de chapitres la réalité peut dépasser la fiction.
Travail de recherche incroyable !
L'éditeur parle de thriller , je ne dirai pas cela .

Mais ce n'est que mon avis , bien sûr !

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Roosevelt cherche un homme à envoyer l'ambassade de Berlin, tous les candidats « classiques » ayant décliné l'offre ou étant indisponibles. Nous sommes en 1933 et c'est finalement William E. Dodd qui est désigné pour ce poste d'ambassadeur.

L'homme est un universitaire sans grande envergure qui aspire à finir une monographie sur le vieux sud et voit dans cette nomination l'occasion rêvée de le faire. Rapidement, il part en famille et le coeur léger en Allemagne. Sur place, cette insouciance qu'il partage avec sa fille Martha va perdurer malgré la montée du nazisme et de ses folles théories. L'homme veut croire au bon sens des Allemands et se dit, comme les chancelleries occidentales, qu'Hitler et ses sbires n'accéderont pas au pouvoir.

C'est donc en minimisant leurs premières exactions contre les juifs qu'il se concentre sur sa mission qui est de préserver la paix, et laisse sa fille papillonner assidûment, couchant avec tous les hommes qui lui plaisent (ils sont nombreux), sans distinction de nationalité ou de fonction. Occupé le plus souvent par des questions futiles dictées par son caractère, comme le contrôle des dépenses au sein de l'ambassade, il n'ouvre enfin les yeux et démissionne qu'après la nuit des Longs Couteaux.

Ce livre, desservi par son titre et sa couverture, est en réalité un roman historique passionnant dans lequel l'auteur s'est attaché à faire un travail d'historien, compulsant de nombreux documents pour restituer le processus de nazification de l'Allemagne, un processus méthodique, peu entravé par des puissances occidentales désireuses de préserver la paix, qui a conduit à l'élection d'Hitler au poste de chancelier.

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Grâce à un récit émaillé de renvois vers des notes accumulées en fin de volume (représentant au total une petite centaine de pages), extrêmement fouillé et documenté, mais restant agréable à lire, on suit avec intérêt les déboires de William E. Dodd, ambassadeur américain, et de sa fille Martha, envoyés en 1933 par Roosevelt au coeur du régime nazi. On découvre comment la famille Dodd va réagir et évoluer face à l'installation de la dictature en Allemagne et à l'inéluctable ascension d'Adolf Hitler.
Cette année là, Franklin D. Roosevelt a un problème. Bien plus préoccupé de politique intérieure et de New Deal, supposé rétablir l'économie du pays en crise, il doit désigner le nouvel ambassadeur d'Allemagne, car le poste est vacant. En dernier recours, faute de candidats volontaires ou disponibles, le poste est proposé à William E. Dodd, un obscur universitaire de 64 ans d'origine paysanne enseignant l'histoire à Chicago, dont le rêve secret est de trouver un emploi de fin de carrière plus pépère, pour pouvoir achever tranquillement la rédaction de son livre sur le « Vieux Sud ». Cool ! Pourquoi pas Berlin ? s'interroge Dodd, ces Allemands sont des types biens, extrêmement cultivés. Il se remémore avec un brin de nostalgie ses années estudiantines passées à Leipzig. Pourquoi pas Berlin ? se demande également sa fille, c'est l'occasion inespérée de larguer mon mari et mes amants qui me collent aux basques et de faire la connaissance de tous ces beaux mecs en uniforme qui participent au redressement de leur pays. Comme on va le découvrir bientôt, la fille de l'ambassadeur est un peu nunuche et un peu nympho, elle parviendra à se taper : des américains, des nazis, un chef de la gestapo, un français, un russe… et j'en passe ! Tout ça sur l'air entraînant du Horst-Wessel-Lied !
Passons sur la suite du récit, abondamment décrite ici ou ailleurs dans d'autres critiques, que nous pourrons bientôt découvrir sous la forme d'un film-de-et-avec-Tom-Hanks (dans le rôle de William E. Dodd) mettant en scène Nathalie Portman (dans le rôle de Martha).
On ne pourra que s'extasier devant le travail colossal accompli par Erik Larson qui a fouillé des montagnes d'archives à la recherche de la moindre lettre, du moindre témoignage, traquant les bribes de phrases, les descriptions vestimentaires, le contenu de placards, afin de connaître la quantité de vaisselle et de rince-doigts disponible lors des pince-fesses de l'ambassade (on n'échappera pas à cet inventaire qui est peut-être de trop mais illustre bien le souci du détail de l'auteur, confinant parfois à la maniaquerie).
On naviguera à vue en tentant de suivre les sinuosités des parcours intellectuel, politique et amoureux de Martha Dodd, qui dans chacun de ces trois domaines ne recule devant rien et mélange habilement tous les critères pour décider, en bonne girouette, le sens du vent.
On s'étonnera de l'aveuglement des chancelleries occidentales face à l'avènement du führer, qui a d'abord été pris pour un clown, et dont l'Allemagne allait, pensait-on, se débarrasser vite fait, après avoir pris la mesure du danger et avant qu'il ne puisse mettre en application ses thèses démentes à l'origine des millions de morts de la seconde guerre mondiale.
On réfléchira, enfin, à l'isolationnisme de Roosevelt et du département d'Etat, peu attentifs à l'antisémitisme et à la nazification, aux bruits de bottes, à la « mise au pas » (Gleichschaltung) de l'Allemagne, hypocritement rassurés par la « volonté de maintenir la paix et l'ordre » exprimée par Hitler malgré les signes évidents de réarmement, et uniquement préoccupés, en gros, par le remboursement aux créanciers américains de la dette allemande (ne nous fâchons pas avec ce caractériel, sinon on ne reverra jamais notre pognon, semblent penser les « vrais » diplomates de l'époque, opposés à l'idéalisme naïf et dérangeant de ce parvenu de Dodd).
La manipulation, la purge et les atrocités commises par Hitler et ses sbires pendant la Nuit des Longs Couteaux, à l'ambiance minutieusement restituée par le style aiguisé de l'auteur, seront parfaitement acceptées par la population allemande désormais mise au pas, et condamnées pour la forme par les puissances étrangères pétrifiées dans l'inaction. Dans le Jardin de la bête, en ce 20 juin 1934, les longs couteaux sont sortis, et le sang n'a pas fini d'être versé…
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Dodd est intègre. Dodd a foi en l'Homme. Dodd croit au pouvoir des mots. Dodd a tort.

Il est envoyé presque malgré lui dans le jardin de la Bête, à Berlin, en 1933. Il emmène sa famille : sa femme, son fils et sa fille, belle comme une déesse, mais pas farouche…Elle est tentée par l'expérience masculine, surtout lorsqu'ils sont blonds aux yeux bleus et qu'ils dégagent une aura de force. D'elle, on ne parle pas beaucoup, mais de son père, énormément. de ses collaborateurs, aussi, pas aussi impliqués que lui dans le conflit qui couve. Et de l'ambiance, cette ambiance insidieuse, malveillante, distillée par les paroles et les actes de la Bête : « Commença à se dessiner un vaste et complexe réseau d'espionnage, de terreur, de sadisme et de haine, auquel personne, officiel ou simple individu, ne pouvait échapper ».
Dodd est le premier ambassadeur des USA dans l'antre de la haine. Ayez pitié de Dodd ! Il se bat, armé uniquement de ses idéaux, envers et contre tous, contre ses compatriotes qui veulent se cacher la terrible vérité, contre les nazis qui se moquent bien de lui, contre les espions, les malveillants, les jaloux.

Ceci n'est pas un thriller. Ceci est une histoire vraie. Totalement vraie. Glaçante.

J'ai été subjuguée par cet engrenage décortiqué dans ses moindres rouages où chaque personne, qu'elle soit Allemande ou Américaine, se fait manipuler par la Bête. Par ce noeud de vipères où grouillent les maux les plus honteux de l'espèce humaine. Car Hitler n'est pas le seul responsable de cette déréliction ; l'antisémitisme est partout, l'égoïsme, le repli sur soi, la rancune, le désir de vengeance habitent depuis longtemps le coeur de l'Homme.

Ceci est une histoire révoltante. Totalement irrécupérable. Vraie.
Merci à Babelio de m'avoir fait découvrir cette fascination morbide...
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Berlin 1933 , William E . Dodd est nommé ambassadeur à Berlin un peu par hasard , en effet il n'a pas le profil habituel et a un train de vie plus modeste que tous les autres ambassadeurs .
Il va partir avec sa propre voiture pour ne pas montrer qu'il aime le luxe , il part à Berlin avec sa femme , son fils et sa fille .
Sa fille Martha est enchantée par ce dépaysement inespéré , à son arrivée en allemagne , elle est séduite par ses habitants et par la ville elle -même , c'est vrai que Berlin était une ville bien agréable avant la montée du nazisme .
Au début du séjour tout se passe bien , mais peu à peu les choses changent insensiblement puis de manière accélérée . Dodd va essayer d'ouvrir les yeux de ses compatriotes mais il n'y arrivera pas , même Martha va se rendre compte malgré sa jeunesse que la situation se déteriore , et un jour lorsd'un fête organisée à l'ambassade américaine , la peur s'installe , les rares juifs présents sont mal à l'aise , ce sera leurs derniers instants de liberté .
La montée du nazisme est bien décrite , cela va se faire de manière insidieuse et par paliers progressifs dans une époque de crise économique importante .
Hitler va cristalliser la haine sur les juifs , qui il faut le souligner , étaient déjà assez mal vus .
Il y a des passages édifiants , celui qui m'a le plus marqué est l'explication sur ' le sadisme ' , un officier allemnd , se rend compte qu'Hitler a attiré tous les psychopathes d' Allemagne et d' Autriche mais bien plus grave , a révelé des penchants sadiques chez des personnes comme vous et moi .
Je n'avais jamais non plus entendu parler du procès contre Hitler , fait aux Etats -Unis , procès qui n'eut aucun retentissement , aucun effet contre Hitler , il est vrai que les moyens de communication étaient quasiment inexistants .
Je me suis dit que Martha et son père étaient sans doute bien naïfs , puis j'ai un peu revu ma position , ils étaient dans une position de pouvoir absolu , être ambassadeur ou fille d'ambassadeur des Etats -Unis , ils ont été été les témoins d'une époque terrible mais ne pouvaient pas se douter de la gravité de la situation , ils ne pouvaient pas avoir qu'il vivaient alors dans une périodes des plus sombres .
Le style n'est pas toujours à la hauteur , ce ne sera donc pas un coup de coeur mais malgré tout une lecture intéressante que je recommande pour un autre éclairage sur cette période .
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Pour ceux et celles qui me connaissent, l'histoire et notamment la seconde guerre mondiale exercent sur moi un attrait indéniable. C'est donc transie d'effroi par la lecture de la 4e de couverture et encouragée par les nombreuses critiques dithyrambiques que je me suis lancée à corps perdue Dans le jardin de la bête… ah mais qui est-elle cette bête ? le nazisme bien sûr et tout particulièrement le nazisme en Allemagne. Ce qui est dingue et d'autant plus intéressant est qu'Erik Larson, journaliste de profession, s'est uniquement inspiré des extraits des correspondances, journaux intimes, rapports, télégrammes etc, pour reconstituer cette histoire incroyable. Je tiens à préciser que la majeure partie du docu-roman reprend les mots exacts des protagonistes de cette histoire « vraie », vous l'aurez compris.

William Dodd, professeur d'histoire paisible qui n'aspirait qu'à finir son histoire du Sud des USA, homme intègre et solide, pure incarnation de l'idéal républicain américain, fut catapulté (malgré lui il faut le dire) à Berlin en tant qu'ambassadeur des USA auprès de la jeune Allemagne nazie (nous sommes en 1933 et rien ne préparait le monde à une issue si tragique), encore toute frémissante de sa victoire. Malgré les avertissements du consul américain présent et qui déjà tentait d'alerter le gouvernement de Roosevelt des exactions nazies (sur les juifs et certains ressortissants américains, merci les SA), rien ne préparait William Dodd et sa petite famille (sa fougueuse et séductrice fille Martha notamment), à ce dont ils allaient être témoins au fur et à mesure de leur séjour. C'est donc confiant dans la bonne volonté des dignitaires nazis que William Dodd s'installe dans les beaux quartiers de Berlin, lui pourtant si austère. Au fil des mois, l'ambassadeur va côtoyer la pire vermine nazie : avoir un entretien privé avec Adolf Hitler, déjeuner avec Goering, Goebbels et toute la clique. Tout est relaté par lui ou par sa fille Martha qui s'acoquine de certains hauts gradés. Néanmoins, la bonne volonté va faire place à l'effroi et nous assistons à la prise de conscience par William Dodd de la vraie nature du régime nazi et de ses intentions bellicistes. Ses multiples alertes, ses prises de position osées vont rester malheureusement sans réponse alors qu'il aura été un des premiers politiques à véritablement cerner Hitler et ses sbires. Ce n'est ni plus ni moins qu'un témoignage édifiant de cette période de l'entre-deux guerre où tout s'est joué et où personne n'a agit ni n'a levé le petit doigts. Abandonné par son propre camp, décrié, moqué, William Dodd aura été un incompris, ce qui m'a mise folle de rage vous l'aurez deviné. Quant à Martha, jeune impétueuse trop passionnée, ses relations ambigües avec le nazisme qui la fascine malgré elle, en fait quelqu'un de farouchement antipathique que j'ai eu envie d'étriper quasiment tout le temps !

Pour résumer, Erik Larson a réussi quelque chose de rare : rendre addictif, tel un roman policier, le long fruit de son travail de recherche, qui je le rappelle encore est alimenté presque uniquement par des extraits de correspondances, de rapports..., qu'il a intégrés dans son docu-roman. Fallait oser. C'est donc effarée, choquée, émue, hors de moi devant tant de compromission, que j'ai tout du long poursuivi ma lecture de ce livre nécessaire qu'il vous faut lire comme un témoignage rare sur la lâcheté humaine.

Dans le jardin de la bête d'Erik Larson, Livre de poche
Lien : http://livreetcompagnie.over..
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