« Dans l'amour comme dans le renseignement, il n'y a pas de morale. », et visiblement, dans les braquages non plus.
Dionée Haddad est une belle quadragénaire libanaise en mal d'argent. Et l'argent, elle sait justement où le trouver, par exemple, 50 millions dormant bien au chaud dans la Banque Centrale du Liban, à Beyrouth. Mais voilà, nous sommes en 1976, et le pays est en proie à une violente guerre civile.
Ce casse impossible est bien plus audacieux que celui de la banque d'El Ksour de Mahdia, ambiance Les Morfalous. Dionée, brillante et séductrice a une idée, proposer le coup à Stan Vaucelles, journaliste à l'AFP, flambeur invétéré toujours flanqué de son chauffeur druze Jammal.
Les deux associés doivent s'assurer de la coopération de Farouk Habib, capitaine de l'armée libanaise et as des explosifs, qui vit à la colle avec Marie, une Palestinienne recherchée par les Soviétiques, Grégoire, un bailleur de fonds manipulé, ou encore Archibald Dawson, un spécialiste des chambres fortes, Amin, un poète qui ne vit que pour voir ses pièces jouées à Paris, ou l'incroyable père Antoun, prêtre et chef d'une milice chrétienne.
L'or de Baal, paru dans les années 80, est signé Jean Larteguy, ancien officier d'active, correspondant de guerre en Azerbaïdjan, en Israël, en Palestine, Corée, Indochine, Algérie etc etc, et lauréat du prix Albert-Londres.
Il connaît son sujet, et nous livre une description hallucinante du Liban ravagé par la guerre où le monde entier semble s'être donné rendez-vous, et par pour les meilleures intentions du monde: dans les forces libanaises, les Phalanges, les Gardiens des Cèdres, l'Armée du Liban Libre, l'Armée du Liban Sud.. il y a aussi le Mossad, l'Armée de Libération de la Palestine, le Front populaire de la libération de la Palestine, les Syriens, les Russes, les Iraniens, le Hezbollah, le PKK et j'en passe…
Et au milieu de cette mosaïque surarmée, il plante une trame solide dans laquelle le culte du veau d'or vaut bien toutes les manipulations et les audaces. On reconnaît dans le roman le coup de patte du journaliste, avec des formules qui font mouche: « Mais qu'étaient les Druzes, sinon les alliés et les ennemis de tout le monde », ou bien « Venons-en au fait, ou notre réunion risque de tourner au congrès socialiste ». Bref, du bon polar, qui n'a pas vieilli.
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La reconnaissance est un sentiment tiède qui se dissout comme le sucre dans le thé. L'amour, tant qu'il dure, est violent, exclusif, capable de tous les sacrifices.
Si un Libanais, obligé de quitter son pays, se lance dans les affaires, il ira aux Etats-Unis, jouer en bourse à Londres, garer ses fonds, à Genève. En revanche, s'il souhaite se distraire, se reposer, attendre, il restera à Paris.
- On a dit que le Liban était une terre promise, soupira Farouk.
- Oui, dit Stan, mais hélas promise à trop de monde.
Toutes les révolutions finissent dans les casernes, même si elles commencent ailleurs.
Jean Lartéguy, écrivain, soldat, patriote | Cercle Richelieu