Alvina Houghton,
la fille perdue du titre, vit en cette fin XIXème - début XXème dans la petite ville de Woodhouse en Angleterre. Elle habite une vaste et sombre demeure, Manchester House, avec son fantasque père, sa mère perpétuellement malade, Miss Frost sa nounou, et Miss Pinnegar l'intendante. La famille Houghton fait, avant la naissance d'Alvina, partie de la bourgeoisie de la ville :”Mais retournons au début des années 80, à l'époque où Alvina était bébé, ou plus tôt encore, à la grande époque de James Houghton. Il faisait alors partie de l'élite de Woodhouse. La famille Houghton avait toujours été prospère : une famille de commercçants, certes, mais après quelques générations d'aisance, les commerçants acquièrent un certain cachet. Or à lâge de 28 ans, James Houghton hérita d'un magnifique magasin de textiles à Woodhouse.” le sens des affaires n'est malheureusement pas le fort de James Houghton, qui à coups de soldes répétées, cause la perte de son magasin. Il investit ensuite dans une mine de charbon qui ferme, puis dans un cabaret-cinéma qui finit de sonner le glas des finances de Manchester house.
Voyant son niveau social se dégrader, Alvina apprend le métier de sage-femme mais elle ne peut laisser son père seul et devient pianiste dans le cabaret-cinéma. Elle y rencontre la troupe des Natcha-Kee-Tawara et surtout l'un d'entre eux : le ténébreux Ciccio.
L'histoire d'Alvina est celle d'une femme entre deux mondes, deux civilisations : l'Angleterre et l'Italie. Ces deux pays s'opposent complètement dans le livre de DH Lawrence. le nord est en pleine industrialisation ce qui le mènera à sa perte (je souligne au passage que Lawrence était un visionnaire.). L'Angleterre est grise, sombre et extrêmement policée par les conventions sociales. La déclaration de guerre ne fait qu'accentuer le pessimisme de Lawrence sur son pays. A côté de cela, l'Italie du Sud est décrite comme un paradis perdu. Alvina découvre un pays primitif, animal, à la beauté étourdissante : “Un bonheur sauvage, terrible s'emparait d'elle, au-delà du désespoir, mais très semblable à lui. Personne ne la retrouverait jamais. Elle avait franchi les limites de ce monde et gagné celui d'avant ; elle avait rouvert l'éternité de jadis.” On comprend mieux la comparaison entre les deux pays lorsque l'on sait que Lawrence s'est lui-même exilé en Italie.
L'amour d'Alvina est précurseur de celui de “
L'amant de Lady Chatterley”. Elle est fiancée par deux fois dans le roman à des hommes respectables à la situation sociale enviable. Elle choisit de se marier à un saltimbamque, un rustre qui parle tout juste l'anglais. Elle est emportée par son instinct, son désir et suit le sauvage Ciccio aux portes de la civilisation au mépris des convenances.
Le mariage selon DH Lawrence ne fait guère envie, les hommes et les femmes en pâtissent sans pouvoir l'éviter. Les hommes sont condamnés à rendre heureuses leurs exigeantes épouses et cette attente de bonheur est qualifiée d'”arrogante et impertinente” par l'auteur. J'ai été très intéressée par ce point de vue qui est rare sur la question, j'ai souvent lu le sentiment des femmes sur le mariage mais peu celui des hommes. Quant aux femmes, elles sont gagnées par la panique à l'idée de devenir vieille fille, de devoir subvenir à leurs besoins mais le mariage les effraie tout autant ! DH Lawrence trouve les femmes “toujours insatisfaites” ! Je me réjouis personnellement de vivre au XXIème siècle et de ne pas avoir eu à choisir entre ces deux positions sociales qui ne peuvent conduire qu'à l'amertume.
“
La fille perdue” était mon premier roman de DH Lawrence et j'ai été totalement enchantée par ma découverte. Les thèmes abordés m'ont touchée et fortement intéressée grâce à l'auteur qui y imprime son avis personnel. L'écriture de Lawrence est un bonheur, elle est ironique lorsque l'action se passe en Angleterre et se fait lumineuse, fraîche en Italie. “
La fille perdue” est une ode à l'amour véritable, à l'instinct dépouillé des attentes sociales et au soleil de l'Italie !
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