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EAN : 9782841115631
80 pages
Editions Nil (01/08/2011)
3.38/5   100 notes
Résumé :
La narratrice écrit à l’enfant qu’elle a fait le choix de ne jamais concevoir. Travail autobiographique qui éclaire les premiers jalons de l’enfance et prépare l’expression de la liberté d’adulte.
Que lire après À l'enfant que je n'aurai pasVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
3,38

sur 100 notes
Linda Lê a choisi de ne pas avoir d'enfant, et pourtant cet enfant qu'elle n'a pas eu existe dans son esprit et dans son coeur, au point qu'elle lui écrit ici une longue lettre d'explication, de justification et de tendresse.

En théorie, ce livre devait me plaire. En effet, le sujet me touche de près mais reste tabou dans notre société et est, de ce fait, peu traité dans la littérature. En outre, l'auteure parle de son vécu et de ses choix, pas d'une histoire qu'elle imagine, ce qui me laissait espérer un témoignage fort. Enfin, le procédé épistolaire me semblait prometteur et aiguisait ma curiosité.

Mais ça, c'était avant...

Pendant et après (ma lecture), j'étais un peu déçue. Certes, Linda Lê explique fort bien pourquoi elle ne veut pas d'enfant, mais son expérience reste éminemment singulière et ne touche pas à l'universel. Elle n'évoque pas les raisons que pourrait avoir une femme lambda aujourd'hui de faire ce choix, mais simplement les siennes propres : une enfance malheureuse, un équilibre mental précaire, une dévotion exclusive à son art... de même, elle ne s'attache pas aux pressions que la société peut exercer sur une femme en couple sans enfants, mais ressasse celles que son amant lui faisait subir pour la convaincre.

Dans ce contexte, il a été difficile pour moi de m'identifier ou de ressentir de l'empathie. J'ai donc vécu le livre comme un exercice de style intellectuel et brillant, mais un peu désincarné. Peut-être justement comme cet enfant qu'elle n'aura jamais...

Challenge Multi-Défis 2017 : 8/52
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Une lettre bouleversante

J'avoue que je ne connaissais pas du tout le principe : un auteur qui écrit une lettre pour une personne, en particulier et qui le publie. Je me suis dit que ce format court pouvait très bien me convenir après deux gros pavés. Et en effet, ce fut le cas ! Ce fut même l'effet amplificateur du tout ! Je me suis retrouvée bouleversée, révoltée, réfléchie, pensive, peut être même un peu défaitiste en fin de compte. Pour vous expliquer, Linda Lê va écrire une lettre à un enfant qu'elle n'aura pas. En effet, elle ne veut pas faire d'enfant mais sa famille et son compagnon le lui reproche. Et elle nous explique pourquoi.

Tout d'abord, sa famille lui a reproché d'être née fille. Puis d'être intelligente. Son compagnon lui a reproché d'être une femme et de se consacrer qu'à sa carrière. Et la société, en fin de compte, montre son incompréhension face à ce refus. Linda Lê nous montre ce qu'elle prend en pleine figure tous les jours : les réflexions, les on dits, les regards. Et elle nous explique son choix, sa culpabilité, ses envies. Et je dois dire que ce témoignage et cette réflexion m'ont fait énormément réfléchir

A lire pour tous ceux qui croient encore que les femmes sont l'égale des hommes

Oui, je sais, je suis dure. Mais en y réfléchissant bien, c'est vrai. On nous enfonce une sorte d'échelles de valeurs à respecter. On doit être jolies, intelligentes, trouver du travail, trouver un mari, enfanter, élever, tenir la maison. La liberté de la femme, enfin de compte, c'est l'addition des corvées de la femme et celle de l'homme. Car la pression sociale n'est pas du tout la même sur l'homme que sur la femme, et avec ce témoignage-ci (ajouté au mien enfin de compte, puisque j'en suis une … de femme je veux dire), je me rends encore plus compte qu'être une femme, à notre époque, c'est pesant. Oui j'aimerai bien être un homme de temps en temps, être moins responsable. Avoir le choix.

Pour moi, le choix des enfants ne s'est pas fait (je ne vous raconterai pas ma vie, mais en gros, j'en ai quoi). Mais j'ai surpris les mêmes réflexions de Linda Lê quand je suis redevenue célibataire : « Tu n'es pas perdue, tu vas pouvoir trouver quelqu'un. Au pire, tu as déjà montré que tu n'étais pas stérile ». Bon, c'est schématisé mais c'est là. Et ici, le crime de Linda Lê, ce n'est pas qu'elle ne peut pas avoir d'enfants. On pourrait l'excuser encore un peu à ce moment-là. C'est qu'elle ne veut pas en avoir. Pour les gens, c'est inconcevable ! Pourquoi une femme, cet utérus vivant tout plein d'oeufs pour propager le patrimoine génétique mondial ne veut pas utiliser son outil. Elle pourrait faire un effort tout de même ! Mais non. Elle est égoïste (véridique, c'est écrit dedans) car elle privilégie son intellect, sa carrière, sa liberté. Et pour cela, on serait prêt à la lyncher sur place !


Une lettre libératoire.

Le pouvoir de l'écriture est ce qu'il est (surtout qu'on ne serait pas là à papoter livre s'il n'existait pas, n'est-ce pas ?) Cette lettre pourrait être une sorte d'antidote à la prison dont on essaie d'imposer Linda Lê. On sent qu'écrire ces sentiments, de poser cette situation sur papier, la libère. Et nous aussi quelque part. Pourquoi devons-nous être dans un rôle qui ne nous convient pas. Pourquoi, nous les femmes, avec tout ce que l'on peut avoir de moyens de contraception, ne pouvons-nous pas dire non à la procréation. Cela doit être un droit et non un devoir. On peut avoir le choix d'en avoir ou pas, sans avoir cette espèce d'oeil accusateur au-dessus de nous.

Pour conclure à cette chronique, je voulais simplement dire Merci à Linda Lê, de coucher tous ses sentiments qui sont aussi à nous. Merci d'avoir apporté ce petit caillou à l'édifice qui permettra peut-être un jour de ne plus avoir un rôle prédéfini de pondeuse à retardement, que toutes les femmes aient le choix. Merci
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J'ai lu beaucoup d'avis sur ce livre sur le net, souvent positif et émanant aussi souvent de femmes qui ont déjà des enfants. J'étais donc curieuse de le lire, moi qui n'ai pas d'enfants et n'en aurais peut-être pas.
Ce qui m'a surpris est l'acuité avec laquelle elle parle à cet enfant qui pourtant n'existera jamais, à quel point elle semble tout avoir envisagé de son avenir virtuel et de ce qu'il aurait été, de ce qu'il aurait changé dans sa vie et celle de S., son compagnon qui l'accusait de frustrer ses désirs de paternité (j'avoue ne jamais penser à l'enfant que je n'ai pas, je trouve juste dommage, si je n'ai pas d'enfants, de ne pas lui transmettre tout ce qui m'a été donné par les mien(ne)s). Bien sûr, certains arguments pour la convaincre de devenir mère sont rebattus - comme si avoir un enfant apportait la stabilité personnelle et professionnelle, comme si, finalement, avoir un enfant rendait adulte.
Linda Lê récuse aussi des clichés : écrire n'est pas enfanter. Elle revient aussi, profondément, sur l'absence d'affection qui a marqué sa jeunesse, sur le traditionnalisme de sa mère (je n'ose dire "machisme") et sa dureté à l'égard de ses filles. Sur sa solitude, aussi, sa peur de reproduire le schéma maternelle ou de se placer dans l'excès inverse.
A l'enfant que je n'aurai pas est un texte très travaillé mais aussi très émouvant, un texte court qui dit l'essentiel, bref, ce texte est une des belles rencontre de la rentrée littéraire.
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Je suis une inconditionnelle de Linda Lê et je trouve enfin le temps d'écrire deux mots sur ce livre diversement apprécié ici.

Je fais d'abord remarquer qu'il s'agit d'un texte de commande en quelque sorte puisqu'il est publié chez NiL, dans la collection « les affranchis ». C'est une des clés de ce beau texte. La collection conçue et dirigée par Claire Debru se présente en ces termes : «  Quand tout a été dit sans qu'il soit possible de tourner la page, écrire à l'autre devient la seule issue. Mais passer à l'acte est risqué. Ainsi, après avoir rédigé sa “Lettre au père”, Kafka avait préféré la ranger dans un tiroir. Écrire une lettre, une seule, c'est offrir le point final, s'affranchir d'une vieille histoire. La collection “Les Affranchis” fait donc cette demande à ses auteurs : “Écrivez la lettre que vous n'avez jamais écrite”. »

Il importe donc peu que Linda Lê ait elle-même des enfants ou pas. J'ai pour ma part trois enfants et partage largement les arguments de l'écrivaine à qui je voue une admiration presque sans bornes. C'est pourquoi je conseille la lecture de ce bref texte.

Page 38 elle reprend l'assertion de Tolstoï, glanée dans son « Journal » : «  La maternité n'est pas la plus haute vocation d'une femme ».
Si elle choisit de s'adresser directement à cet être qui n'existera que dans l'imaginaire de sa conceptrice c'est, à mon sens, pour mieux interpeller sur la condition féminine en général, par delà la maternité, car il ne faut pas l'occulter, dans le texte il y a un certain S., compagnon de la narratrice qui est également présent.

Linda Lê a choisi de consacrer sa vie à l'écriture comme semble l'indiquer le quatrième de couverture : « La mise au jour d'une fiction n'équivaut pas à l'éclosion en soi d'un germe de vie ».
La lettre est somme toute empreinte de tendresse comme l'attestent ses dernières lignes et le style très agréable d'écriture invite à découvrir d'autres livres de Linda Lê.
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La quantité de pages ne fait pas la qualité d'un récit ! en voici une preuve supplémentaire avec ces 60 pages percutantes…un texte fort, qui claque ! Je suis admirative devant la prouesse de l'auteure qui a réussi à écrire un texte si dense dans une langue à la fois riche et précise…qui m'a un peu rappelé l'écriture d'Amélie Nothomb.
Elle écrit donc une lettre à l'enfant qu'elle n'a pas eu, donnant les arguments qui lui ont fait refuser la maternité (c'est un choix) et imaginant quelle aurait été la place et la vie de l'enfant si elle avait cédé à la pression exercée sur elle. Son texte, poignant et d'une grande intelligence, témoigne d'une réflexion profonde : il incite le lecteur à se positionner quant à ses conceptions de la maternité, de la filiation.
Elle refuse en fait de faire porter à un enfant le poids de ses souffrances, de son enfance, de sa mauvaise relation avec sa propre mère…Elle ne veut pas que son enfant soit son « pansement » et ne se berce pas d'illusions telles que « Je saurai lui donner ce que je n'ai pas eu ».
Ce texte résonnera longtemps pour moi !
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critiques presse (2)
Telerama
28 septembre 2011
Il ne s'agit pas d'un pamphlet féministe en guerre contre une certaine tendance à la glorification de la maternité. Juste de la confession poignante d'une femme de lettres, vouée à l'écriture, qui dit s'être dispensée de se conformer aux lois de la nature, pour capter toutes les formes d'énergie vitale.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeMonde
09 septembre 2011
Alliance scellée, acte de naissance : sans rien céder sur la procréation, l'écrivain donne corps à la transmission.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Je suis pour elle l'exemple même de l'insuccès: désargentée, livresque, dépourvue de tout sens pratique, infichue de me dégoter un mari, nouant des liaisons peu durables, ayant des compagnons qui s'installent dans le provisoire, des amis insolvables, poursuivant des rêves irréalisables, ne possédant rien que je pourrais assigner à chacun de mes enfants (heureusement, j'ai quand même eu l'intelligence de ne pas en avoir), je suis une pauvrette aux prises avec les cruautés du sort, une perdante dans la course aux places, un bouche-trou voué à la figuration. (...) Et comment aurais-je subvenu à leurs prodigalités, moi qui suis une cigale, gaspillant mon avoir dans les librairies, moi qui tombe toujours amoureuse d'irresponsables sans fortune, moi qui n'ai pas un métier solide, mais qui ne suis qu'un écrivain dont les romans ne font pas un tabac?
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De ses quatre filles, j'étais celle qui correspondait le moins à ses canons esthétiques. Planche à pain, j'avais les cheveux qui n'ondulaient pas, un front trop bombé, des sourcils mal dessinés, des dents pas du tout éclatantes, des lèvres charnues, indices d'une sensualité à réfréner, une myopie m'obligeant à porter des lunettes aux verres aussi épais que des culs de bouteille, la dégaine d'une iroquoise qui a avalé son parapluie, bref, selon Big Mother, je faisais bien d'être une bûcheuse, car je n'étais pas mariable - qui s'intéresserait à moi, promise à un emploi d'institutrice ou de prof de français, insatisfaite et mal rétribuée? Je m'offusquais de ce mépris pour mes enseignants, sans qui le dressage de Big Mother aurait occasionné un ébranlement. Aller en classe, c'était lui échapper pour quelques heures, fouiner dans les bibliothèques, c'était amasser des trésors et y puiser, pas seulement afin de me doter d'une teinture de culture: forte de ces richesses, je me fabriquais une personnalité, je me blindais contre les méchancetés de celle qui, en tous lieux, se plaisait à nous diminuer, mes sœurs et moi.
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Tu me diras que, en dépit des distances mises entre Big Mother et moi, je ne suis jamais parvenue à couper le cordon ombilical. Je suis toujours cette collégienne complexée, raide comme un manche à balai devant elle, tremblant de l’irriter, d’être sa tête de Turc : aucun de mes faits d’armes ne trouvait grâce à ses yeux, elle s’acharnait à me gâcher mes victoires sur mes paralysies en minorant mes traits de courage. C’est seulement aux alentours de la trentaine que j’ai pu vaincre quelque peu ma terreur d’elle. Mes alternatives de surexcitation et d’asthénie avaient leur source dans mes questionnements sur l’empire de Big Mother. J’escompte toujours qu’elle révisera son jugement, condescendra à me féliciter, reconnaîtra s’être méprise sur mon compte. Mais elle ne s’est jamais dédite, même à présent qu’elle est une vieille femme délaissée, faisant pitié, elle me décoche des sarcasmes : je stagne dans ce qui est pour elle la médiocrité, avec un vague statut de faiseuse de bouquins, je n’ai pas su retenir mes amants de passage, même pas S., manchot cachetonnant dans des pièces expérimentales et qui n’aurait pas eu les moyens d’entretenir les enfants qu’il voulait de moi.
Aurais-tu été d’accord avec elle quand, au fil des ans, tu aurais constaté que je n’ai pas la présomption d’une carriériste se hissant au pinacle, l’adresse d’une accapareuse répandue ?
[…] Lui aurais-tu donné raison quand, en grandissant, tu aurais vu en moi une droguée souffrant d’addiction aux archaïsmes, une hyperémotive qu’un rien déchire, une tératologue réclamant chaque jour sa dose de bizarrerie, une égotiste au byzantinisme agaçant, une tourne-pouce se surmenant par à-coups, un auteur obscur, une abonnée aux flops qui s’en remet grâce à son inconscience ?
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Tu ne m'aurais pas pardonné de t'embringuer dans l'aléatoire, de te navrer en m'attelant à des tâches de longue haleine qui me tiendraient éloignée de toi, en abandonnant mon poste alors même que tu compterais sur mon secours, en trichant chaque fois que tu me sonderais sur la profondeur de mon attachement à toi, de ne pas avoir un atome de sagesse, un grain de débrouillardise, d'être moitié adolescente moitié sorcière, mais jamais assez adulte ni maîtresse de moi pour me désenvaser lorsque je serais sur un terrain bourbeux.
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Mon caractère se bonifierait dès lors que je serais mère, je n’aurais plus la cafard, toutes mes imperfections se dissoudraient : j’aurais à cœur d’être irréprochable, arrangeante, toujours affairée à te combler. D’entêtée à fixations, je me changerais en une éclectique ouverte à toutes les nouveautés, j’élargirais mon horizon, je te communiquerais mes ivresses. Quand je rencontrerais un obstacle, je ne détellerais pas, mais cravacherais sans débander. Quand nous n’aurions pas un centime, tu ne serais pas au pain sec. Quand nous ne pourrions pas aller à la mer, tu ne t’embêterais pas. […] Moi, si glaçante d’ordinaire, je dispenserais la chaleur autour de moi, je serais une mater gâteau, et non plus une maniaque de l’ordre aux habitudes célibataires, une architecte des enchantements journaliers. […] il était indubitable, disait S., qu’il y aurait une amélioration de mon sort dès l’instant où je ne me rebifferais plus contre l’idée de fonder un foyer.
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