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EAN : 9782070327454
336 pages
Gallimard (02/02/1993)
3.86/5   51 notes
Résumé :
Essai discursif, à l'opposé de tout système, composé de méditations écrites en toute tranquillité, destinées à remuer plutôt qu'à rassurer, oui, à faire bouger les idées reçues, les choses acquises ou apprises. C'est un traité des émotions appliquées. « Les principes, les systèmes sont des armes pour lutter contre la vie. » « La beauté de la vie, l'énergie de la vie ne sont pas de l'esprit, mais de la matière ». Douloureusement, cliniquement, l'auteur parle de lui p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
"L'extase matérielle" est comme une infinie réflexion en ordre de marche, la réflexion d'un très grand artiste, d'un très grand poète.
Le Clézio nous donne l'impression qu'il expose ses réflexions, ses pensées, au fur et à mesure de leur création, mais ce style en dilettante n'est qu'une fausse apparence, ce livre est au contraire rigoureusement construit, on sent que chaque mot, chaque enchaînement de phrase, chaque découpage, y sont savamment pensés.
Si l'on peut sans conteste classer cette oeuvre dans la catégorie des essais, on peut aussi y côtoyer le récit et la poésie. Aucune envie de convaincre chez Le Clézio, plutôt la volonté d'inscrire sa pensée, sa philosophie, pour se construire lui-même. Et ce manifeste matérialiste, qui n'en garde pas moins tout son mystère, est une véritable histoire, une véritable poésie, concrètes.
Le Clézio est un auteur du regard, sa prose est magistralement visuelle et, de ce fait, agréablement vivante.
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Le Clézio fait partie de ces écrivains de génie qui, très jeunes, ont réfléchi sur l'existence humaine et sa place dans l'univers. Cet essai philosophique, écrit en 1967 - il avait alors 27 ans - nous questionne sur l'Humain. L'introduction se situant avant notre naissance, la conclusion nous acheminant irrémédiablement vers notre mort. du néant au néant. Entre les deux : que sommes-nous venus faire sur terre ? Comment faire pour que notre existence soit autre chose qu'un point imperceptible dans L Univers ? Quelle est la place de l'écrivain ?
Livre parfois assez ardu, entremêlant la métaphysique à la poésie, d'une écriture parfois précieuse, Le Clezio n'échappe pas toujours aux redondances. J'ai passé très vite sur certaines pages, en m'arrêtant longuement en revanche sur d'autres. Mais ce livre me semble suffisamment dense pour que chacun puisse y trouver son intérêt.
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Pour dire d'un homme qu'il est civilisé, on dit souvent " cultivé ". Pourquoi ? Qu'est-ce que cette culture ? Souvent, trop souvent, cela veut dire que cet homme sait le grec ou le latin, qu'il est capable de réciter des vers par coeur, qu'il connaît les noms des peintres hollandais et des musiciens allemands. La culture sert alors à briller dans un monde où la futilité est de mise. Cette culture n'est que l'envers d'une ignorance. Cultivé pour celui-ci, inculte pour celui-là. Etant relative, la culture est un phénomène infini ; elle ne peut jamais être accomplie. Qu'est-il donc, cet homme cultivé que l'on veut nous donner pour modèle ?

Trop souvent aussi on réduit cette notion de culture au seul fait des arts. Pourquoi serait-ce là la culture ? Dans cette vie, tout est important. Plutôt que de dire d'un homme qu'il est cultivé, je voudrais qu'on me dise : c'est un homme...
La culture n'est rien ; c'est l'homme qui est tout. Dans sa vérité contradictoire, dans sa vérité multiforme et changeante. Ceux qui se croient cultivés parce qu'ils connaissent la mythologie grecque, la botanique, ou la poésie portugaise se dupent eux-mêmes. Méconnaissant le domaine infini de la culture, ils ne savent pas ce qu'ils portent de vraiment grand en eux : la vie.
Ces noms bizarres et insolites qu'ils lancent dans leurs conversations m'irritent. Croient-ils m'impressionner vraiment avec leurs citations, leurs références aux philosophes présocratiques ? Leur prétendue richesse n'est que pauvreté qui se masque. La vérité est à un autre prix. Savoir ce qu'un homme comprend de misère, de faiblesse, de banalité, voilà la vraie culture. Avoir lu, avoir appris n'est pas important. L'art, respectable entité bourgeoise, signe de l'homme cultivé, civilisé, de l'homme du monde; de l'" honnête homme " : mensonge, jeu de société, perméabilité, futilité. Etre vivant est une chose sérieuse. je la prends à coeur. Je ne veux pas qu'on déguise, qu'on affabule. Si l'on fait ce voyage, il ne faut pas que ce soit en " touriste " qui passe vite et se dépêche de ne retenir que l'essentiel, ce pauvre essentiel qui permet de briller à peu de frais, en parlant du " Japon " ou du " mythe tauromachique dans l'oeuvre d'Hemingway ". Les détails de la vie sont bien plus enivrants.
Certes, le produit des hommes n'est pas négligeable. Lire Shakespeare, connaître l'oeuvre de Mizogushi est aussi important. Mais que celui qui lit Shakespeare ou qui regarde Mizogushi le fasse de toute son âme, et pas seulement pour sacrifier au snobisme de la culture...
La culture n'est pas une fin. La culture est une nourriture, parmi d'autres, une richesse malléable qui n'existe qu'à travers l'homme. L'homme doit se servir d'elle pour se former, non pour s'oublier. Surtout, il ne doit jamais perdre de vue que, bien plus important que l'art et la philosophie, il y a le monde où il vit. Un monde précis, ingénieux, où chaque seconde qui passe lui apporte quelque chose, le transforme, le fabrique. Où l'angle d'une table a plus de réalité que l'histoire d'une civilisation, où la rue, avec ses mouvements, ses visages familiers, hostiles, ses séries de petits drames rapides et burlesques, a mille fois plus de secret et de pénétrabilité que l'art qui pourrait l'exprimer.
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Quand je n'étais pas né, quand je n'avais pas encore refermé ma vie en boucle et que ce qui allait être ineffaçable n'avait pas encore commencé d'être inscrit : quand je n'appartenais à rien de ce qui existe, que je n'étais pas même conçu, ni concevable, que ce hasard fait de précisions infiniment minuscules n'avait pas entamé son action ; quand je n'étais ni du passé, ni du présent, ni du futur ; quand je n'étais pas ; quand je ne pouvais pas être ; détail qu'on ne pouvait pas apercevoir, graine confondue dans la graine, simple possibilité qu'un rien suffisait à faire dévier de sa route. Moi, ou les autres. Homme, femme, ou cheval, ou sapin, ou staphylocoque doré. Quand je n'étais pas même rien, puisque je n'étais pas la négation de quelque chose, ni même une absence, ni même une imagination...
Les êtres naissaient, puis disparaissaient ; se divisaient sans cesse, comblaient le vide, et étaient goûtés. Les millions d'yeux, les millions de bouches, les millions de nerfs, d'antennes, de mandibules, de tentacules, de pseudopodes, de cils, de suçoirs, d'orifices tactiles étaient ouverts dans le monde entier et laissaient entrer les doux effluves de la matière. Partout ce n'étaient que frémissements, ondes et vibrations. Et pourtant, pour moi, c'était le silence, l'immobilité et la nuit. C'était l'anesthésie...
Les arbres dressés respiraient, se couvraient de feuilles, puis, quand venait l'automne, étaient dépouillés. Les bêtes en rut s'accouplaient. Le soleil montait dans le ciel, redescendait. La chaleur craquelait le sol terne, la pluie faisait pourrir les graines. Les cristaux fondaient, les forêts se pétrifiaient. Les enfants étaient mis bas, les catastrophes glissaient les unes après les autres, et c'était comme les rides du vent sur la surface des bassins. Les poumons s'emplissaient d'air, le sang parcourait les membres, les nerfs vibraient, les intestins digéraient, assimilaient, déféquaient. Les montagnes s'usaient sous l'air et sous la neige, le magma bouillonnait au fond des volcans... Et moi, je n'étais pas né. Je ne participais pas. Je n'avais pas ma part, et je n'étais même pas inventé...
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Il n’y a rien qui justifie un bonheur idéal, comme il n’y a rien qui justifie un amour parfait, absolu, ou un sentiment de foi totale, ou un état de santé perpétuelle. L’absolu n’est pas réalisable : cette mythologie ne résiste pas à la lucidité. La seule vérité est d’être vivant, le seul bonheur est de savoir qu’on est vivant.
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Quand je n’étais pas né, quand je n’avais pas encore refermé ma vie en boucle et que ce qui allait être ineffaçable n’avait pas encore commencé d’être inscrit ; quand je n’appartenais à rien de ce qui existe, que je n’étais pas même conçu, ni concevable, que ce hasard fait de précisions infiniment minuscules n’avait pas même entamé son action ; quand je n’étais ni du passé, ni du présent, ni surtout du futur ; quand je n’étais pas ; quand je ne pouvais pas être ; détail qu’on ne pouvait pas apercevoir, graine confondue dans la graine, simple possibilité qu’un rien suffisait à faire dévier de sa route. Moi, ou les autres. Homme, femme, ou cheval, ou staphylocoque doré. Quand je n’étais pas même rien, puisque je n’étais pas la négation de quelque chose, ni même une absence, ni même une imagination. Quand ma semence errait sans forme et sans avenir, pareille dans l’immense nuit aux autres semences qui n’ont pas abouti. Quand j’étais celui dont on se nourrit, et non pas celui qui se nourrit, celui qui compose, et non pas celui qui est composé. Je n’étais pas mort. Je n’étais pas vivant. Je n’existais que dans le corps des autres, et je ne pouvais que par la puissance des autres. Le destin qui n’étais pas mon destin. Par secousses microscopiques, le long du temps, ce qui était substance oscillait en empruntant les voies diverses. À quel moment le drame s’est-il engagé pour moi ? Dans quel corps d’homme ou de femme, dans quelle plante, dans quel morceau de roche ai-je commencé ma course vers mon visage ?

J.M.G. Le Clézio, L’Extase matérielle, page inaugurale, Gallimard, Paris, 1967.
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Il fallait l’idée, la seule idée venue en même temps que la vie, de ce voyage qui ne s’arrête pas, pour accepter de n’être qu’un soubresaut. Et plus encore, il fallait, puisée dans le marécage sans limites de ce qu’on n’avait pas connu, la joie de cette présence absolue pour tolérer que résonne dans le corps ce coup du cœur, ce premier coup fatal qui, en lançant dans la vie, lançait aussi dans la mort. Dans la salle d’abattoir blanche et rouge, frappe le coup sourd du marteau au clou acéré qui entre très vite dans la nuque du bœuf. Celle qui m’a mis au monde, aussi m’a tué.
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Cette semaine, La Grande Librairie s'installe à Marseille et propose une émission exceptionnelle, en public, à l'occasion des Nuits de la lecture et des 10 ans du Mucem. Au coeur de ce musée dédié aux cultures de la Méditerranée, des écrivains, des librairies et des lecteurs pour une soirée dédiée aux mots, aux mille identités de l'espace méditerranéen, et à cette idée que la littérature est toujours un lieu de rencontres, de partage et de commun.
Augustin Trapenard est donc allé à la rencontre du lauréat du prix Nobel 2008 Jean-Marie Gustave le Clézio. Il est venu présenter son dernier ouvrage, "Identité nomade" (Robert Laffont), explorant son parcours d'écrivain, ses voyages et ses affiliations. L'auteur s'interroge également sur le pouvoir de la littérature dans le monde contemporain. Un récit introspectif captivant sur l'essence de l'écriture. le tout, durant une magnifique balade à Nice, ville qui l'a vu naître.
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Voyage au pays des arbres

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