AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782715235311
120 pages
Le Mercure de France (03/04/2014)
3.6/5   10 notes
Résumé :
Au commencement, les yeux ne voient pas. Ils sont ouverts, entre les rideaux des paupières, mais ils sont noirs. Ils n’ont pas de lumière. Les yeux ne servent pas. Ils ne sont pas faits pour voir. Quand on a appris cela, on n’a plus peur de l’ombre et du vide. Les yeux sont des moteurs pour aller dans l’autre sens, vers le futur, vers les pays inconnus, vers les rêves, les choses de cette nature.

Dans Mydriase, la prose poétique de J.M.G. Le Cléz... >Voir plus
Que lire après Mydriase - Vers les icebergsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il y a comme cela des lectures qui vous mènent au pays de la joie. Des livres qui annoncent.
Des textes qui on ne sait par quel miracle viennent parler à l'humain.
A l'intérieur de l'humain et du dedans de l'humain.
« Au commencement, les yeux ne voient pas ».
Le jour nous aveugle.
C'est dans l'espace intérieur, là où réside la "néscience" que le germe de nos consciences s'enracine.
Visions, voyages intérieurs, images surgissantes des nuits polaires qui apportent le langage du passage. L'anguille tremble, elle chemine, elle pointe vers le Nord.
«  Les yeux ne servent pas. Ils ne sont pas faits pour voir. Quand on a appris cela, on a plus peur de l'ombre et du vide. Les yeux sont des moteurs, pour aller dans l'autre sens, vers le futur, vers les pays inconnus, vers les rêves, les choses de cette nature ».

« Les yeux de la pensée » , pirogue des fleuves de lumière, là où réside le langage de la matière.
Et c'est le récit de ce voyage que Le Clézio nous apporte. Incroyable lucidité.
« Voir c'est être au fond de soi, et au même moment, être autour de l'univers ». Passer  « à travers la porte de ses yeux ».

Voilà, la joie. Voilà également la douleur. Atteindre ce pôle, et revenir. Dire, parler, écrire sur cet extraordinaire voyage. Atteindre « Polaris ». L'éternel. « Les yeux ne se refermeront jamais tout à fait, et l'on sera toujours du côté de ce qui est regardé, plus seulement du côté de ce qui regarde. »

Nous voilà en Poésie. C'est de cela dont il s'agit.
« C'est le propre de la poésie de donner ce sentiment d'être en un lieu, debout sur une terre ».

« Vers les icebergs » chante ce voyage. L'Odyssée du Verbe.
« On écoute les mots. Alors on perçoit les trépidations de la machine qui nous emmène, qui nous emporte à travers l'océan ».
C'est la musique de l'homme, éternel déraciné. Projeté dans un monde qui affole et qui veut rejoindre son île.
Icebergs, montagnes, dunes, vagues, qu'importe l'essence de l'esquif les mots savent les étoiles.

Pour le Clézio, cette voix se trouve dans le poème. Elle est le poème.
C'est ce passage qui ouvre la voix.
« On a une certitude. On a vu quelque chose, on l'a suivie, comme si on était soi même » en train de la faire, comme si on avait trouvé l'ouïe pour écouter la musique du fond de l'eau ».
« Iniji » de Henri Michaux pour Le Clezio. Henri Michaux l'explorateur des visions.

Il faudrait presque vous livrer la totalité de ce livre. En parler relève presque du vandalisme. Comme si en extrayant des éclats de ses passages je profanais devant vous des «cathédrales sans religion de l'hiver éternel » .

Oui, ce livre est une joie, une pure joie.
Celle que vous ressentez lorsqu'un ami a réussi atteindre la terre , qu'ensemble vous cherchiez, et puis l'ami revient, et vous annonce que ce pays est là tout près et que ce pays est beau, d'une beauté qu'aucun mot ne peut le dire .
Mais il vous dit cet ami, que ce passage existe, et il vous prend l'envie de serrer ses mots contre vous comme vous le feriez avec le corps de cet ami, revenu vous annoncer qu'au-delà il existe ce que vous pressentiez.
« Mydriase/vers les icebergs » c'est la voix de toutes nos légendes, de nos chants, de nos regards portés vers le étoiles.

«  La voix est venue, elle a appelé, elle a conduit jusqu'au lieu magique, au sommet du monde. Alors dans les rues, parfois, on croise ceux qui reviennent, et l'on sait qu'on retournera.Le pays glacé et pur, le pays sans frontière où ne dresse de parler la voix du poème, n'est plus étranger ; il est au centre de la vie. Alors, le métal et le verre brillent parfois, les avions volent haut dans le ciel, les bateaux appareillent dans les ports. L'étoile polaire grandit quand on la regarde.
Tout le monde attend la voix qui va revenir. Alors, parfois, les femmes ont des yeux très bleus ».

« Mydriase. Vers les icebergs » : la voix vient toujours un jour.

Astrid Shriqui Garain
Commenter  J’apprécie          112
JMG le Clézio nous gratifie ici d'une courte exploration de la vision, en aveugle devrais-je dire: mydriase désignant une dilatation de la pupille. C'est à la fois une redécouverte de l'obscur puis de la lumière naissante, redécouverte matérielle, sensorielle, palpable comme Le Clézio seul est capable de nous la livrer. Et bien évidemment, le regard s'assimile naturellement à l'alternance jour nuit, aux mouvements de la terre autour du soleil, à la longue nuit polaire. L'auteur fait ainsi le lien avec les deux lectures qu'il nous propose de poèmes d'Henri Michaux.

Après près de trente ans sans le pratiquer, j'ai retrouvé Le Clézio égal à lui-même avec sa force plus que tranquille, une force puisée dans les racines profondes des plus grands arbres, dans la force du vents, des éléments, dans ce langage non faits de mots et de concepts, ce langage dont seule la terre immémoriale est capable.

Si l'ouvrage en lui-même ne se rend pas indispensable comparé aux grands romans de le Clézio, il reste du moins un témoignage de plus de ce souffle incomparable dans la littérature française de la fin du XXe siècle.
Commenter  J’apprécie          163

Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Les yeux ne servent pas. Ils ne sont pas faits pour voir. Quand on a appris cela, on n’a plus peur de l’ombre et du vide. Les yeux sont des moteurs, pour aller dans l’autre sens, vers le futur, vers les pays inconnus, vers les rêves, les choses de cette nature.
On a quitté. On n’est plus sur cette terre. Ou plutôt, on est resté sur place, immobile et froid, tandis que tout disparaissait alentour. Ce n’est pas le regard qui s’est éteint, ce sont eux, les arbres, l’eau, les nuages, qui ont cessé de brandir leurs effigies bouillantes comme des morceaux de métal. Le soleil a ôté toute l’électricité du monde, et les filaments sont morts.
Commenter  J’apprécie          100
Comment savoir ? À quoi pensent les pierres ? Elles ont des mouvements si lents, elles ont des attentes si longues. Leurs quatre ou cinq faces cassées sont tournées vers les orients et ne bougent pas ; n’avancent pas ; ne reculent pas. Ce sont des paroles de pierres aussi ; elles sont lentes et froides, elles font des efforts qui durent plusieurs siècles. Quand les pierres ont voulu quelque chose pendant 4 500 ans, par exemple, il y a une petite fêlure sur le côté droit. Ou bien un peu de sable a glissé sous elles, un peu de poudre grise. Ou bien il y a des signes bizarres dans leur masse, des signes pour que les enfants les reconnaissent. Quelquefois c’est un X blanc. Quelquefois c’est un petit cercle gris clair en forme de couronne. Quelquefois c’est une lettre chinoise qui dit

羌 

ou bien le signe du cœur


 
Quelquefois c’est un dessin incompréhensible qui représente une sorte de fœtus replié sur lui-même. Quelquefois c’est un coquillage fossile, ou bien une petite caverne creusée dans la pierre noire, et dans la caverne il y a de la poudre de mica. Oui, les pensées des pierres sont comme cela.
Commenter  J’apprécie          30
Ici est le pays du langage pour soi seul, de la parole sans limites. L'horizon a fermé son cercle, il n'y a plus d'ouverture. La lumière est fixe et belle. Le froid est puissant. On est arrivés dans la zone du commandement suprême, là où se jugent et s'achèvent les mouvements de la vie. Là où naissent les saisons, les orages, les courants de la mer , l'électricité du ciel. Là où se fabriquent les jours et les nuits, grandes nuits de l'hiver, grandes journées de l'été. Oui, on est arrivés au lieu de la naissance du langage, là où il n'y a plus qu'un seul mot, un mot intense et bref, un mot fixe qui brille comme cette étoile.
Commenter  J’apprécie          60
« La voix est venue, elle a appelé, elle a conduit jusqu'au lieu magique, au sommet du monde. Alors dans les rues, parfois, on croise ceux qui reviennent, et l'on sait qu'on retournera.Le pays glacé et pur, le pays sans frontière où ne dresse de parler la voix du poème, n'est plus étranger ; il est au centre de la vie. Alors, le métal et le verre brillent parfois, les avions volent haut dans le ciel, les bateaux appareillent dans les ports. L'étoile polaire grandit quand on la regarde.
Tout le monde attend la voix qui va revenir. Alors, parfois, les femmes ont des yeux très bleus ».
Commenter  J’apprécie          50
Sur l’eau bleue et profonde, ils sont debout, hauts, et blancs, dans la lumière de l’étoile solitaire. Ils sont enfoncés dans la mer comme des stèles cassées, disposés en demi-cercles autour de l’horizon arctique. C’est eux que l’on a cherchés, espérés, sans le dire. Ils sont surgis d’un coup, arrachés violemment aux glaciers, détachés du Groënland, du Spitzberg, morceaux des banquises que la mer a libérés. Ils viennent du plus au nord, des falaises que l’on ne connaît pas, des îles qui n’ont pas de nom. Ils règnent en silence, ils sont les statues des dieux qui n’écoutent jamais les hommes. Ils sont nés autrefois, dans un terrible craquement, lorsqu’ils se sont lancés en avant et qu’ils ont plongé dans l’eau noire.
Alors peut-être qu’ils portent encore les noms des lieux qu’ils ont quittés, les pays sauvages et calmes aux noms magiques,
 
Angmagsalik
Nanortalik
Cap Désolation
et, plus au nord encore,
Cap Morris Jesup,
Thulé
Upernivik
Kangatsiak
Umanassok
Niakungunok
Aputajuistok
et, plus au nord encore, au sommet du monde, dans la mer dessalée, pareil à un fleuve solide qui ne coule pas, Lomonosov Ridge, là où le thermomètre descend le plus bas, là où le ciel est semblable à de l’éther.
Commenter  J’apprécie          00

Lire un extrait
Videos de J.M.G. Le Clézio (54) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de J.M.G. Le Clézio
Cette semaine, La Grande Librairie s'installe à Marseille et propose une émission exceptionnelle, en public, à l'occasion des Nuits de la lecture et des 10 ans du Mucem. Au coeur de ce musée dédié aux cultures de la Méditerranée, des écrivains, des librairies et des lecteurs pour une soirée dédiée aux mots, aux mille identités de l'espace méditerranéen, et à cette idée que la littérature est toujours un lieu de rencontres, de partage et de commun.
Augustin Trapenard est donc allé à la rencontre du lauréat du prix Nobel 2008 Jean-Marie Gustave le Clézio. Il est venu présenter son dernier ouvrage, "Identité nomade" (Robert Laffont), explorant son parcours d'écrivain, ses voyages et ses affiliations. L'auteur s'interroge également sur le pouvoir de la littérature dans le monde contemporain. Un récit introspectif captivant sur l'essence de l'écriture. le tout, durant une magnifique balade à Nice, ville qui l'a vu naître.
+ Lire la suite
autres livres classés : henri michauxVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (22) Voir plus



Quiz Voir plus

Voyage au pays des arbres

Quel est le personnage principal ?

Jules
Pierre
Mathis

3 questions
8 lecteurs ont répondu
Thème : Voyage au pays des arbres de J.M.G. Le ClézioCréer un quiz sur ce livre

{* *}