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EAN : 9782020990165
300 pages
Seuil (01/10/2009)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Élaboré avec le Réseau éducation sans frontières (RESF), Douce France est un livre engagé, rédigé par des spécialistes De façon méthodique et pluridisciplinaire, il explore la politique migratoire menée par la France. Approches historiques, sociologiques, psychanalytiques et juridiques se complètent ici pour dresser le tableau inquiétant d'une politique indigne.
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Le réseau éducation sans frontières (RESF) a cinq ans. « Notre indignation est intacte, notre détermination inchangée, notre souci de toujours poser le problème politique global constant. On continue ! » Puissent les textes publiés dans cet ouvrage, éclairer sur la « Douce France », son indigne ministère de l'identité nationale et ses politiques xénophobes de traques, de rafles et d'expulsions.

Comme le rappelle Olivier le Cour Grandmaison dans son introduction, il convient d'assumer « la justesse des vocables usités pour qualifier et penser, de façon aussi précise que possible, ce dont nous sommes témoins. En effet, mal nommer les réalités quelles qu'elles soient, c'est ajouter l'approximation et la confusion à leur complexité, et affaiblir nos capacités à en rendre compte. » Il s'agit donc bien ici de xénophobie d'État, de racialisation des positions défendues par la droite institutionnelle.

Des quatre textes de la première partie « Traquer, interner, expulser », je m'attarde plus subjectivement sur les deux premiers.

Marc Bernardot analyse les « Rafles et internement des étrangers : les nouvelles guerres de captures ». L'auteur décortique les procédures d'internement, en prenant des repères tant dans l'histoire coloniale que dans l'histoire métropolitaine. Il souligne aussi que « l'internement se distingue fondamentalement de la détention par son caractère non judiciaire collectif, préventif ou rétroactif, et sans durée préétablie ».

Les rafles d'étrangers sont des pratiques anciennes, mais ce type d'intervention policière pose problème « dans un cadre démocratique par son caractère préventif et collectif ». Pour l'auteur il s'agit « d'insécuriser, voire d'empêcher toute installation collective qui rendrait visibles les sans. »

Marc Bernardot met en relief la gestion de l'étranger « au centre d'une nouvelle configuration politique ». Il y a d'un coté une « radicalisation concrète des frontières » et de l'autre, comme deux faces d'une même carte « une promotion discursive de la diversité ».

Dans le même temps la « nouvelle souveraineté postcoloniale » indique une mutation de l'état-nation, participant à la guerre aux migrants et « constituant une réserve de travailleurs sans droits ». L'auteur conclut que le repli de l'État sur ces missions régaliennes fondamentales confirme « la simultanéité entre processus de pacification de l'espace public et brutalisation potentielle de certaines catégories de populations civiles. »

Je souligne particulièrement le texte d'Alain Brossat « »L'État, c'est lui ». le préfet, homme orchestre de la persécution des sans papiers »

A juste titre, l'auteur parle d'infamies en citant des propos de préfets. Mais dénoncer se saurait suffire, il convient de « politiser le sentiment de l'injustice éprouvée ». Il n' y a ni abus, ni dérives, ni bavures « puisqu'elles sont au contraire routinières, programmées et couvertes par l'autorité politique ». L'auteur poursuit son analyse des actions en « volonté de l'État », sous « couvert de l'État » et particulièrement du rôle et des actions des préfets. Je partage son analyse des machines administratives, de la banalité du mal, ou de l'autre face des régimes démocratiques. Il faut savoir quelque fois donner plus de poids aux mots, de les arroser d'histoire. Je reproduits deux passages illustrant les propos de l'auteur.

« Ce constat est essentiel, car il montre sur un mode rétrospectif que si les régimes totalitaires sont bien, en un sens, l'autre, le tout autre des régimes démocratiques, relevant d'une autre matrice de pouvoir et d'un autre programme en matière de domination et de relations entre l'État et la société, ils n'en réalisent pas moins, d'un autre coté, dans des conditions singulières, des potentialités qui sont celles de la modernité, notamment celles de l'État moderne, des formes propres à nos sociétés d'intrication de la violence à la loi, de l'abus de pourvoir au gouvernement légitime, etc. » et « La machine administrative – machinerie humaine mise au service de programmes de discrimination, de ségrégation, d'exclusion, d'accroissement des inégalités – tend à y reproduire, sur un mode non exterminateur mais néanmoins destructeur et brutal, les formes et les figures de la barbarie civilisée dont l'émergence a scandé les grandes catastrophes européennes du XXe siècle. »

Il n'y a ici ni abus de sens, ni assimilation abusive de formes, mais bien mise en perspective des différences irréductibles et des continuités des machineries étatiques.

Et pour celles et ceux qui pensent qu'être né-e du bon coté des « frontières » est une garantie suffisante, l'histoire montre qu'accepter un peu de ces banales infamies, non seulement dégrade l'individu-e mais participe de l'aggravation générale des situations. L'autre est aussi et toujours un autre soi.

Cette partie comporte aussi un texte d'Armando Cote « Les victimes de tortures et de violences politiques » et d'une analyse de Jérome Valluy « L'empire du rejet : xénophobie de gouvernement et politiques antimigratoires entre Europe et Afrique ».

La deuxième partie du livre « Les droits et les libertés mis à mal » comporte des analyses sur les impacts de la politiques sur (contre précisément) les couples mixtes (Nicolas Ferran), la singulière justice appliquée aux étrangers (Serge Portelli), les poursuites contre les tiers (Seloua Luste Boulbina) ou la gestion de l'inquiétude en Europe avec l'exemple de la circulaire retour (Claire Rodier).

Je souligne le rappel : « La pénalisation du statut des étrangers a été un choix délibéré opéré en 1981 lorsque l'infraction de séjour irrégulière est devenue, non plus la simple contravention, ce qu'elle était depuis 1945, mais un délit » Cette loi fut signé de François Mitterrand et d'illustres ministres de la gauche….

Sans oublier le texte de Serge Slama : La »race des porteurs de cocardes » », son analyse de l'immigration familiale, du ministère de l'immigration, de l'intégration et de l'identité nationale, des politiques d'assignations identitaires, de l'obsession de origines des migrants, ou de la double racialisation des couples mixtes.

Le rappel de la citation (Georges Brassens) de fin de cet article, me semble tout à fait illustratif des inclinaisons cocardières « le crottin fait par (nos) chevaux même en bois rend jaloux tout le monde ».

Entre les chapitres, de courts témoignages. Nous ne pouvons ni ne pourrons dire nous ne savions pas ! A l'instar de David Rousset cité par le préfacier « En certaines circonstances, la vérité impose que l'on se dresse contre sa classe, contre son parti, contre son État » Ou pour le dire comme Gunther Anders cité par Alain Brossat « Nous allons périr sous un déluge d'innocence ».
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ce constat est essentiel, car il montre sur un mode rétrospectif que si les régimes totalitaires sont bien, en un sens, l’autre, le tout autre des régimes démocratiques, relevant d’une autre matrice de pouvoir et d’un autre programme en matière de domination et de relations entre l’État et la société, ils n’en réalisent pas moins, d’un autre coté, dans des conditions singulières, des potentialités qui sont celles de la modernité, notamment celles de l’État moderne, des formes propres à nos sociétés d’intrication de la violence à la loi, de l’abus de pourvoir au gouvernement légitime, etc
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La machine administrative – machinerie humaine mise au service de programmes de discrimination, de ségrégation, d’exclusion, d’accroissement des inégalités – tend à y reproduire, sur un mode non exterminateur mais néanmoins destructeur et brutal, les formes et les figures de la barbarie civilisée dont l’émergence a scandé les grandes catastrophes européennes du XXe siècle
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En effet, mal nommer les réalités quelles qu’elles soient, c’est ajouter l’approximation et la confusion à leur complexité, et affaiblir nos capacités à en rendre compte
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l’internement se distingue fondamentalement de la détention par son caractère non judiciaire collectif, préventif ou rétroactif, et sans durée préétablie
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