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Citations sur Saint François d'Assise (63)

Le vocabulaire des catégories sociales
On supposera connus (1), dans leurs grandes lignes, les problèmes historiographiques que posent, d'une part, l'authenticité de certains écrits de saint François et, de l'autre, l'objectivité de certains témoignages des premiers biographes de saint François. On y fera simplement allusion plus loin, dans la mesure où cette critique traditionnelle des textes affecte notre recherche. Car ici encore, nous devons travailler à deux niveaux : celui du rapport du vocabulaire de nos textes avec ce que nous savons par ailleurs des réalités qu'il désigne, celui de la relation de ce vocabulaire au monde mental de ses utilisateurs.
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(1). Les pages suivantes, qui ne sont qu'une esquisse du sujet bien limité défini dans le titre ci-dessus, ont aussi pour but, par-delà leur point d'application, de montrer le caractère dramatique de la recherche historique et du métier d'historien aujourd'hui. Toute enquête, si restreinte qu'elle soit, ne peut être conduite, encore moins menée à bien, qu'en mettant en cause la globalité du passé où s'intègre son objet et la totalité de l'outillage que le présent offre à l'historien. Rien n'illustre mieux cette double nécessité que l'étude des mots. À chacun d'entre eux est attaché tout l'univers où il retentit et, pour en faire un objet de science, l'historien doit le confronter à son propre langage qui tient à tout son univers actuel. Quand François d'Assise parle des pauvres, on ne le comprend que par référence à toute la société de son temps dans toute son épaisseur ; mais nous ne saisissons celle-ci qu'à travers une autre référence, qui est notre culture, et, dans ce cas, tout ce qu'elle nous fournit au dossier « pauvres », par-delà les différences de modèles proposés par les diverses idéologies historiques d'aujourd'hui, nous montre le rôle double et contradictoire du présent dans la compréhension du passé : révélateur et oblitérateur. Pour nous en tenir à l'exemple le plus éclatant, le concile de Vatican II éclaire et fausse à la fois les perspectives de la pauvreté dans l'histoire de la Chrétienté. La constatation de ces complexités imbriquées ne revient pas à dire que « tout est dans tout et réciproquement », négation de toute science. Elle incite à une analyse à plusieurs niveaux et à un va-et-vient méthodique constant entre les structures du passé et celles du présent, et chaque fois dans la double perspective des réalités « objectives » et des réalités « mentales ». Ceci implique un traitement de totalités que les méthodes du structuralisme et le recours aux machines électroniques semblent seuls permettre. Mais les possibilités concrètes d'études de ce genre sont encore très limitées. D'où le malaise de l'historien en face d'un travail encore artisanal échappant à l'ordinateur comme celui qui est ici offert.
p. 103 - 104
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Aussi veut-il faire de ses frères non l'ordre qu'on lui imposera, mais une fraternité, une confrérie où cohabitent clercs et laïcs. Il acceptera donc volontiers l'institution du Tiers Ordre. Ces nobles qui ont façonné une culture, la culture chevaleresque, ces marchands qui commencent à dominer les villes, ces humbles qui montrent, par leur travail ou leur révolte, leur rôle dans la société, il s'adresse à eux autant qu'aux clercs. Dans le final de la Règle de 1221, il les nommait avec les clercs « tous les enfants et petits enfants, pauvres et riches, rois et princes, travailleurs et agriculteurs, serfs et maîtres, à toutes les vierges, continentes et mariées, aux laïcs, hommes et femmes, à tous les petits enfants, adolescents, jeunes et vieux, sains et malades, à tous les humbles et grands et à tous les peuples, familles, tribus et langues, à toutes les nations et à tous les hommes partout sur la terre... ».
p. 92
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À la recherche du vrai saint François
Donc si saint François a été moderne, c'est parce que son siècle l'était. Et ce n'est diminuer ni son originalité ni son importance que de constater, comme l'a fait admirablement Luigi Salvatorelli, qu'il “n'a pas surgi comme un arbre magique au milieu d'un désert”, mais qu'il est le produit d'un lieu et d'un moment, “l'Italie communale à son apogée”. Dans ce contexte, trois phénomènes sont décisifs pour l'orientation de François : la lutte des classes, la montée des laïcs, les progrès de l'économie monétaire.
Ce qui le frappa très tôt, ce fut l'âpreté et la fréquence des luttes sociales et politiques auxquelles il dut lui-même prendre part avant sa conversion. Les luttes entre partisans du pape et partisans de l'Empereur, entre cités, entre familles ne font qu'amplifier et exaspérer les oppositions entre groupes sociaux. François qui, fils de marchand, est entre les couches populaires et la noblesse, appartenant au peuple par la naissance, mais proche de l'aristocratie par la fortune, la culture et le genre de vie, est particulièrement sensible à ces clivages. Il veut toujours être humble à l'égard de ses supérieurs, mais aussi de ses égaux et de ses inférieurs. Ainsi reçoit-il la mise en garde d'un paysan en train de travailler dans son champ qu'il traverse monté sur un âne et qui l'exhorte à ne pas décevoir la confiance que beaucoup mettent en lui et à être aussi bon qu'on le dit. François descend de son âne, baise les pieds du paysan et le remercie pour sa leçon.
p. 90
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Saint François d'Assise
C'est alors qu'un des frères présents vit soudain son âme, comme une étoile, monter droit au ciel. Il avait quarante-cinq ou quarante-six ans. Tout va très vite ensuite. La ruée sur le corps pour voir les stigmates et toucher la sainte relique. Les funérailles — simples encore — le 4 octobre, avec l'arrêt à San Damiano où sainte Claire couvre de larmes et de baisers le corps de son céleste ami et l'ensevelissement provisoire à San Giorgio. Puis, le 17 juillet 1228, moins de deux ans après la mort de François, la canonisation prononcée par la papauté qui, pourtant, n'a pas l'habitude de se presser, mais qui a hâte de couper court aux controverses sur ce saint encore inquiétant : il est vrai que le pape est alors le cardinal Ugolino, devenu Grégoire IX, et qui rend à son protégé un hommage où se mêlent la vénération et le dessein politique. Puis, le 25 mai 1230, c'est l'injure de l'inhumation dans la crypte de la basilique antifranciscaine que frère Élie fait élever dans l'ostentation. La dernière trahison sera l'insupportable basilique de Santa Maria degli Angeli avec laquelle le catholicisme posttridentin coiffera et étouffera, à partir de 1569, l'humble et authentique Porziuncola.
p. 78
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À l'abandon de l'argent se joint cet abandon de la famille qui ne s'explique pas seulement par le texte évangélique et par les déboires de François avec les siens, mais qui correspond aussi au contexte social et mental dans lequel il vit, en ce début du XIIIe siècle où les structures traditionnelles de la famille sont bouleversées et où il y a une sorte de vide familial entre la famille large du lignage noble ou de la communauté taisible* (par consentement tacite) paysanne et la famille étroite ne groupant qu'ascendants et descendants directs qui ne s'est pas encore constituée.
Mais face à ces sollicitations conjoncturelles, qu'est-ce que la réponse de François a de moderne ?
La culture et la sensibilité chevaleresques qu'il a acquises avant sa conversion, il les transporte avec lui dans son nouvel idéal religieux : la Pauvreté, c'est sa Dame, Dame Pauvreté, les Saintes Vertus sont autant d'héroïnes courtoises, le saint est un chevalier de Dieu doublé d'un troubadour, d'un jongleur.
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* (Une « communauté taisible » (encore appelée « parsonnerie » ou « communauté familiale ») est un mode d’exploitation agricole collective autrefois très répandu dans le centre de la France.)
p. 93
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Dans ce monde qui devient celui de l'exclusion - marquée par la législation des conciles, les décrets du droit canon -, et de l'exclusion des juifs, des lépreux, des hérétiques, des homosexuels, où la scolastique exalte la nature abstraite et n'en ignore que mieux, sauf exceptions, l'univers concret, il proclame, sans le moindre relent de panthéisme, la présence divine dans toutes les créatures.
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La prédication, ordonnée à tous les frères dans la première Règle, est strictement réglementée dans la seconde. Elle ne peut avoir lieu que dans les diocèses où les évêques l'autoriseront. Elle doit être subordonnée à un examen et à une licence accordée par le ministre général. Elle doit se limiter à des prêches courts et ne traitant que de sujets moraux et édifiants — non de théologie, de dogme et de sujets relevant de la juridiction ecclésiastique, « pour l'utilité et l'édification du peuple, en lui parlant des vices et des vertus, du châtiment et de la gloire, dans de brefs sermons »
p. 82
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François d'Assise nait dans une période de grand essor de l'Occident médiéval et dans une région fortement marquée par cet essor.
Pour l'historien d'aujourd'hui, la première manifestation de cette croissance est d'orde démographique et économique. Depuis les environs de l'an mil, inégalement selon les régions, mais de façon régulière et parfois explosive - comme dans l'Italie du Nord et du Centre -, le nombre des hommes augmente, double sans doute. Ces hommes, il faut les nourrir, matériellement et spirituellement.
Le progrès est donc d'abord un progrès rural dans un monde où la terre est le fondement de tout. Progrès surtout quantitatif, extensif : un grand mouvement de défrichements ouvre de nouveaux espaces cultivés, des clairières naissent, ou s'élargissent dans le manteau forestier de la chrétienté. La solitude doit être cherchée plus loin. Progrès qualitatifs aussi, mais qui ne touchent guère les régions escarpées du berceau de François : la charrue à roue et à versoir dissymétrique remplace dans les plaines l'araire à l'efficacité superficielle, le nouveau système d'attelage permet de remplacer le boeuf par le plus puissant cheval, de nouvelles cultures sont introduites dans l'assolement devenu triennal, les progrès des prairies artificielles permettent le développement de l'élevage. Tout cela effleure la montagneuse Ombrie.
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« L’apostolat de François […] s’adresse à tous. Ce souci missionnaire, François l’ancre dans un besoin profond d’embrasser, globalement et énumérativement la société toute entière. » (p. 141)
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Dans le domaine de l'ascétisme alimentaire, François, qui n'en trouve pas trace dans l'Évangile, défendait une position modérée. On se rappelle l'anecdote de Giordano di Giano : François mange de la viande avec Pietro Cattani. Arrive un frère avec les nouvelles constitutions de l'Ordre qui interdisent de manger de la viande. Réaction de saint François : « Mangeons, comme l'enseigne l'Évangile, ce qu'on met devant nous »
p. 206
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