Un ouvrage paru en 2000 sous la plume d'un historien incontestable du Moyen-âge qui, sans être historien d'art, a construit une bibliothèque d'images au fil de quarante ans de travail et qui nous la présente de façon ordonnée et commentée. Tableaux, sculptures, mosaïques, tapisseries, enluminures, fresques, édifices et objets religieux : la variété de l'iconographie et le soin porté à la réunir est, à mon avis, un régal pour les yeux et l'esprit. le livre est déjà très beau en lui-même avec de splendides reproductions et de belles marges blanches qui laissent respirer les images et le texte, dans une belle typographie. On peut le lire en dilettante, admirer les oeuvres, picorer des commentaires, ou bien avoir une lecture plus studieuse qui sera fort instructive sur les moeurs et la vision du monde des hommes du Moyen-Âge, nos semblables si lointains. En effet,
Jacques le Goff ne se lance pas dans des interprétations de critique d'art mais raconte ce qu'il a appris en se servant des images comme supports. le premier chapitre intitulé "Le temps et l'espace" offre un panorama spectaculaire d'oeuvres de l'Islande à la Catalogne, qui dessinent l'espace géographique de ces temps mais aussi les lieux symboliques dans la vision du monde des humains. le deuxième chapitre est consacré à la relation entre l'homme et Dieu, forcément prépondérante. Après ce chapitre conséquent, le troisième, beaucoup plus court, nous présente les animaux, qu'ils soient quotidiens ou symboliques, un bestiaire extraordinaire.
Le quatrième chapitre "Corps, gestes, objets" nous transporte dans le quotidien de ce temps-là, à travers des oeuvres encore une fois éblouissantes de finesse et d'expressivité. le dernier chapitre, enfin, "Vers l'épanouissement", insiste sur l'aspect heureux et joyeux plus méconnu du Moyen-âge. L'auteur l'indique dans sa préface : "J'ai toujours cherché à replacer ces images dans le cadre de la construction historique d'un humanisme médiéval. " Ainsi il a volontairement laissé en retrait les iconographies guerrières déjà abondantes dans nombre d'ouvrages consacré au Moyen-Âge, réputé obscur et violent. Je ne suis en effet peut-être pas la seule à ne pas souhaiter avoir vécu en ces temps-là mais grâce à ce sublime livre (qui donne aussi envie d'aller voir les oeuvres réelles tout autour de l'Europe), je peux en contempler le plus beau, le plus original, les fruits du travail d'artistes souvent anonymes, de travailleurs et artisans exceptionnels et le témoignage d'un quotidien, d'un imaginaire et de croyances qui nous parlent encore et nous déroutent, pour notre plus grand plaisir.