AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782354081355
545 pages
Mnémos (02/04/2012)
3.87/5   26 notes
Résumé :
Dans un futur lointain, après de multiples désastres, la Californie est devenue une île. A l'abri dans une vallée, le peuple Kesh cultive la vigne et la sagesse, danse l'harmonie du monde, fait la guerre au Peuple du Cochon et rit des mauvaises blagues du Coyote.

Avec ce livre subtil et profond, Ursula Le Guin nous donne la vision d'une société humaine à la fois étrangère et mystérieusement proche. Elle invente une archéologie du futur pour nous convi... >Voir plus
Que lire après La vallée de l'éternel retourVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il y a parmi nous certaines personnes dont l'imaginaire est si développé qu'il s'échappe à peine la bouche ouverte, juste lorsque la main sur le manche de la guitare effleure les cordes et tissent une mélodie. Parmi ces faiseurs il en est pour nous combler, lecteurs, il est des écrivains dont le talent d'invention est comme partie intégrante des pages qu'ils noircissent. Ursula le Guin est cet écrivain, et à ma (petite) connaissance, il y en a peu pour lui rendre la mesure. Je ne parle pas ici de simples faiseurs d'histoires, de breloques agitées en préambule à n'importe quel récit de fantasy ou de science-fiction. J'évoque ici ces vrais faiseurs de mondes, ces personnes dont l'imaginaire est si riche qu'il ne saurait être contenu autre part que dans une tautologie qui lui est propre, autrement dit un récit qui ne répondrait qu'à lui même.
A cela un monde d'inventions est nécessaire et il est plusieurs façons de l'envisager. Tolkien - puisqu'il faut bien en passer par lui lorsqu'on évoque l'entreprise d'écrire et d'inventer de la fantasy - avait passé sa vie d'écrivain dans la terre du Milieu. Il lui a façonné des contes, des mythes et des légendes, une histoire, un pretexte à une grande quête (laquelle est généralement moteur à l'élaboration du récit d'Heroic-Fantasy) et c'est sans jamais sortir de ce monde qu'il a livré sa carrière entière d'écrivain.
Ursula le Guin agit un peu de la même façon, mais ceux qui ont déjà eu le bonheur de parcourir les mondes de Terremer savent combien son imagination capte toutes sortes d'éléments extérieurs aux préoccupations finalement assez peu "terriennes" de Tolkien. Lorsque Ursula le Guin imagine La vallée de l'éternel retour, elle agit à la façon d'une historienne qui découvrirait une civilisation enfouie. Cette historienne devrait immédiatement passer la main à une anthropologue, à un médecin, à un astrologue, un conteur, mais aussi un géologue et à tous ces métiers qui grattent et cherchent sans relache le sens caché des choses. Voilà la Vallée de l'éternel retour, un tout cohérent mais qui ne va pas trouver son unité dans le récit - puisque de récit propre, il n'y a finalement que l'histoire de Roche Qui Raconte, récit entrecoupé par mille autres choses - et que si l'unité se dégage tout de même en fin de lecture, c'est bien entendu surtout parce que Le Guin a su, par sa finesse et l'extrême délicatesse avec lesquelles elle sait construire ses livres rendre au lecteur une oeuvre unique, pleine d'un monde totalement fictif mais contenant ses gens en propre, son peuple, ses maisons, ses us et coutumes, ses langues et incompréhensions. le grand écrivain qu'elle figure tend à toujours creuser ce sillon qui simule la relation entre les hommes, dans leur sexualité mais aussi dans leur vie quotidienne, leurs coutumes et leur travail. En fait en abordant un monde fictif elle parle surtout du notre, de nos vies et nous renseigne sur ce qu'il est vraiment essentiel de goûter lorsqu'on est homme, mais sans moralité exacerbée, juste le bon sens d'appréhender les éléments de la bonne façon.
La Vallée de l'éternel retour ne conviendra pas à tous les lecteurs, il n'est pas construit comme le simple récit logique d'une quête et d'un graal à obtenir mais au contraire s'interroge sur les conditions d'existence d'un peuple entier, coupé du monde, sur la naissance d'une mythologie et bien d'autres choses encore.
Commenter  J’apprécie          221
Ce que je trouve fascinant, c'est non seulement la capacité d'Ursula K. le Guin d'imaginer ainsi tout un monde – et de le faire d'une façon si virtuose. Mais c'est aussi la beauté de ce monde, et la façon dont il résonne avec des idées toujours plus actuelles (le livre a été publié en anglais en 1985) : le recul des technologies, la volonté de se recentrer sur l'humain et la Terre, une vie plus en lien avec la nature. Une vie où la nature a non seulement une place, mais où elle est part entière de la vie des Kesh.

La vallée de l'éternel retour est un livre surprenant, dense, intelligent et enchanteur. Avec cet ouvrage d'anticipation, composé de textes épars, Ursula K. le Guin nous donne à lire la vie, les traditions et les croyances du peuple Kesh. Les Kesh n'existent pas – ou ils n'existent pas encore. L'autrice les imagine vivant dans une Californie du Nord future. Sous sa plume, ils deviennent bien réels et font de ce livre une petite merveille hybride, entre poésie et anthropologie.

Je m'emballe peut-être, mais c'est pour moi le livre d'anticipation ultime (si ça veut dire quelque chose). le livre que j'attendais de lire, qui correspond à tout ce qui m'intéresse en ce moment. C'est long, et parce que ce n'est pas un roman, certain·es seront peut-être perturbé·es par la forme. Mais une fois trouvé le rythme de lecture qui m'était propre, c'est devenu l'un des plus beaux livres qu'il m'ait été donné de lire. C'est beau, c'est ingénieux et subtil, c'est poignant parfois.
Commenter  J’apprécie          62

Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
UN TRAITÉ DES PRATIQUES
provenant de la bibliothèque d'instruction de la heyimas adobe rouge de Sinshan

Le plus extrinsèque : des pratiques rudes, froides, faibles amènent un corps mort. Les pratiques de la chasse et de guerre exigent patience, vigilance, attention aux détails, maîtrise, esprit de compétition, expérience, une imagination sans éclat, un esprit sec. Abattre les animaux et tuer les plantes pour se nourrir sont des pratiques qui exigent patience, vigilance, attention aux détails, présence d'esprit et grand soin. Le tueur court un grand danger. Si l'image du don de l'autre est perdue, l'esprit du tueur est perdu ; si l'image de la souffrance est perdue, le tueur est perdu. L'image de la souffrance de l'autre est le centre du sentiment d'humanité. Quand, par négligence ou par bêtise, la mise à mort est pratiquée avec cruauté, ceci dépasse dépasse l'extérieur et ne peut jamais en aucune façon être amené à l'intérieur. [...]
Le plus intrinsèque : des pratiques chaudes, fortes, brillantes, raffinées amènent les choses vivantes et la diversité, la complexité, le pouvoir et la beauté des choses. Une imagination brillante, un esprit clair, chaleur, bonne volonté, magnanimité, grâce et facilité sont nécessaires dans les pratiques du jardinage, de l'agriculture, pour partager la nourriture, s'occuper des animaux, soigner, entourer de soins, guérir et réconforter, les arts visant à faire régner l'ordre et la propreté là ou les gens vivent et travaillent, tous les exercices agréables, les arts visant à fabriquer des objets beaux et utiles, et tous les arts et pratiques de la musique, du langage, de l'écriture et de la lecture silencieuse ou à haute voix.
Commenter  J’apprécie          30
L'AUTEUR AU MATIN DANS LA MAISON D'EN GAUT DE LA COLLINE A SINSHAN de Femme Ourson

Ceux qui veulent se battre, qu'ils fument du tabac,
Ceux qui veulent s'exalter, qu'ils boivent de l'eau-de-vie,
Ceux qui veulent s'isoler, qu'ils fument du cannabis,
Ceux qu'ils veulent deviser, qu'ils boivent du vin,
Je ne veux rien de tout ça en ce moment.
Tôt le matin je respire l'air et bois de l'eau,
car je veux la clarté et le silence
et une mince ligne de mots sur la page blanche
tracée autour de ma pensée dans la clarté et le silence.
Commenter  J’apprécie          30
Il ne perçoit pas le temps comme une direction, encore moins un progrès, mais un paysage dans lequel on peut aller dans n'importe quel sens, ou nulle part. Il spatialise le temps. Ce n'est pas une flèche, ni une rivière, mais une maison, la maison dans laquelle il vit. On peut y passer de pièce en pièce, et revenir. Pour en sortir, il suffit d'ouvrir la porte.
Commenter  J’apprécie          60
Les habitants de la vallée ne concevaient pas que ces actes dont ils voyaient et ressentaient tant de preuves dans leur monde - la désolation permanente de vastes régions à cause de largage de substances radioactives ou toxiques, la détérioration génétique permanente dont ils souffraient le plus directement sous forme de stérilité, mortinatalité et maladies congénitales - n'eussent pas été voulus. A leurs yeux, la gent humaine n'agissait pas au hasard. Les accidents arrivaient aux gens, mais ce que les gens faisaient, ils en étaient responsables. Donc ces choses que la gent humaine avait fait au monde n'avaient pu être que des actes malfaisants voulus et conscients, servant les desseins de l'incompréhension, de la peur et de la cupidité. Les gens qui avait agi ainsi avaient mal agi en connaissance de cause. Ils avaient eu la tête de travers.
Commenter  J’apprécie          10
Un an avant le jour d'aujourd'hui où j'écris ces lignes, après que des membres de la loge du Madrone m'eurent demandé de rédiger cette histoire de ma vie, j'ai été voir Don, l'écrivain, la fille d'Ire, et lui ai demandé si elle pouvait m'apprendre à écrire une histoire, car je ne savais comment m'en sortir. parmi une foule de conseils, Don m'a suggéré qu'en écrivant mon histoire j'essaie d'être telle que j'étais au temps que j'évoque. Ceci s'est avéré bien plus facile que je ne le croyais, jusqu'à ce point, là où mon père est entré dans la maison.
J'ai du mal à me souvenir combien j'étais ignorante. Et pourtant le conseil de Don est judicieux. Car à présent que je sais qui était mon père, pourquoi il était là et comment il était venu, qui étaient les Condor, et ce qu'ils faisaient, maintenant que je suis instruite de ces questions, c'est mon ancienne ignorance, en sois sans valeur, qui s'avère précieuse, utile et efficace. Nous devons apprendre ce que nous pouvons, mais veiller à ce que notre connaissance ne ferme pas le cercle, éliminant le vide, au point de nous faire oublier que ce que nous ne savons pas reste sans fin, sans limite ni fond, et que cette connaissance ne doit pas méconnaître l'ignorance qui va de pair avec elle. Ce que l'on voit d'un seul œil manque de perspective.
Le chagrin, dans la vie de mes parents, c'est qu'ils ne voyaient que d'un œil.
Commenter  J’apprécie          100

Videos de Ursula K. Le Guin (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ursula K. Le Guin
De "La Main Gauche de la Nuit", au "Nom du monde est forêt" en passant par "Les Dépossédés", l'autrice américaine de science-fiction Ursula le Guin, disparue en 2018, a tissé une toile narrative complexe d'une grande beauté littéraire et d'une actualité thématique brûlante.
Réflexion sur le genre et féminisme, écologie, inégalités sociales, ce sont autant de préoccupations qui se dessinent subtilement dans l'oeuvre monde de cette touche-à-tout
En compagnie de ses invités, Catherine Dufour, écrivaine de science-fiction et Jérôme Vincent, directeur éditorial des éditions ActuSF, Antoine Beauchamp vous propose de découvrir cette immense autrice qui fut un temps pressentie pour le prix Nobel de littérature.
Photo de la vignette : Dan Tuffs/Getty Images
#sciencefiction #scifi #littérature __________ Retrouvez d'autres grands entretiens scientifiques par ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrr_Kd-8Hzj20Jo6qwhHOKI7
Écoutez l'ensemble des émissions de la science, CQFD https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-science-cqfd
Suivez La science, CQFD sur Twitter https://twitter.com/ScienceCQFD
Suivez France Culture sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture Twitch : https://www.twitch.tv/francecultur
+ Lire la suite
autres livres classés : science-fictionVoir plus
Les plus populaires : Imaginaire Voir plus


Lecteurs (94) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4799 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}