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Pierre-Paul Durastanti (Traducteur)Henri Luc Planchat (Traducteur)
EAN : 9782221258545
360 pages
Robert Laffont (25/01/2024)
4.06/5   102 notes
Résumé :
Le Dit d’Aka se situe dans le vaste cycle de Hain, où figurent également les trois précédents romans d’Ursula K. Le Guin. La civilisation Hainish, techniquement évoluée et bienveillante, qui a maîtrisé le voyage interstellaire, est entrée en contact avec la Terre. Forte de ses propres erreurs, elle est porteuse d’une promesse prudente de paix, de progrès et intervient le moins possible sur les mondes qu’elle essaie d’intégrer à l’Œcumène, vaste confédération de peu... >Voir plus
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-Le dit d'Aka traite de la persécution et de la persécution et de la résistance ...
-Le monde est forêt aborde la même thématique et il pose l'hypothèse que la force brute n'a pas toujours le dernier mot ...

Le dit d'Aka est un roman de qualité , irréprochable et enthousiasmant .
Il est intelligemment construit , les personnages sont solidement bâtis et le contenu est très riche culturellement et humainement .

Les enjeux se situent entre l'Oekumen , un gouvernement répressif sur un monde lointain , une culture menacée qui résiste , ainsi que des flash-back jouissifs de la situation dangereuse de la terre à un moment donné de son histoire .
Le personnage principal est représentatif de ce cycle .
Il possède la sagesse acquise laborieusement autour d'une acculturation raisonnée et il y a une mélancolie dépaysante autour des résultantes temporelles du voyage spatial au long cour , avec ses décalages temporels et l'isolement de l'envoyé qui en résulte.

Avec une matière pareille nous avons un roman vraiment envoûtant grâce à ses subtilités et à sa profondeur .
La planète Aka est plus une réalité qu'un symbole ,c'est un vrai dépaysement.
Elle a quelque chose de taoïste et de bouddhique , mais c‘est très habilement dilué et la culture évoquée dans ce texte est une vraie culture de fiction , fonctionnelle et originale, tout à fait dépaysante.
L'auteur instrumentalise magistralement la répression politique d'une l'identité culturelle , l'autoritarisme politique et la résistance , avec une touche de diplomatie d'entre les mondes , avec des enjeux stratégiques .

L'auteur est un poids lourd en sciences humaines et ce roman en est la preuve s'il en fallait !
Le dit d'Aka était un inédit en France .

Le monde est foret , est lui aussi excellent bien que assez court .
Ce roman évoque le drame qui frappe quelquefois les peuples dit « premiers «

C'est le texte ou la force brute et la violence frontale et acharnée jouent le plus grand rôle dans l'oeuvre de cet auteur .
Elle ne fait pas gratuitement cet usage du mépris et de la violence , car il y a un message au-delà d'une dénonciation de la violence aveugle légitimée par la seule force supposée supérieure .

Une planète forestière donc, des colons menaçants et des extra-terrestres colonisés qui se décideront à résister à leur manière.
Indépendamment du fond , le récit qui est assez court est plein de rebondissements , mais cette planète est très singulière et l'imagination de l'auteur nous plonge parmi des extraterrestres étranges et soignés.

Le nom du monde est foret est un très bon roman sur le colonialisme et sur une guérilla très particulière , car elle est la résultante d'une espèce complètement différente de l'humanité .
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POUR UN LIVRE DE LA SAGESSE

Et si la science, et sa fille la technologie, poussées à leurs extrêmes limites, devenant tout autant facteur de transformations quotidiennes et pratiques tout autant que plus largement sociales et politiques sans réflexion ni recul pouvaient se transformer en monstre totalitaire, malfaisant - tout en prétendant est le seul et unique bien -, en cauchemar fanatique et, pour asseoir son pouvoir sans partage, totalement déculturant, sous prétexte d'immobilisme et de sous-développement ? C'est, pour une très large part, la thèse sous-jacente de ce bon, très bon roman d'Ursula K. le Guin, ultime et, pour l'heure, dernier opus du bel et pénétrant Cycle de Hain, au titre énigmatique : le Dit d'Aka (The Thelling, en américain).

On y suit l'histoire d'une jeune femme du nom de Sutty, jeune chercheuse terrienne d'origine indienne mais dont la famille a dû fuir au Canada les fanatiques de la nouvelle religion Uniste. Spécialiste en linguistique et l'histoire, elle s'est consacrée à l'étude d'une civilisation récemment contactée, celle de la planète d'Aka. Malheureusement, une défaillance lors de la transmission par ansible de données recueillies par de précédent observateurs de l'Ekumen a provoqué l'échec de cet envoi, et c'est donc quasiment vierge de toute connaissance plus précise que Sutty prend le long chemin vers cette planète méconnue. Un voyage de 70 années.
Malheureusement pour elle et ses compagnons de route, une révolution a eu lieu sur Aka. Une révolution liée précisément à cette première mission. En effet, les nouveaux dirigeants d'Aka, fascinés par leur rencontre avec l'Ekumen et sa prodigieuse avance technologique, se sont empressés d'anéantir leur culture millénaire, brûlant les livres, interdisant toute manifestation des anciennes "croyances", stoppant autant qu'il est possible la propagation orale et écrite des "dits", allant jusqu'à massacrer, dans les conditions les plus lamentables, les plus réfractaires à cette avancée voulue inéluctable et fanatique d'un scientisme porté au niveau d'une espèce de religion athée et matérialiste.

Cette nouvelle trouve un écho terrible chez la jeune femme qui a connu, en un jeu de parfait miroir, une situation équivalente quelque temps avant son départ de la Terre où les extrémistes Unistes, tenant d'une religion excluant toute autre culture, tradition, croyance que celle de la seule Bible, détruisaient alors massivement bibliothèques, supports écrits, hommes et femmes de culture. Ainsi, la réaction religieuse la plus farouche rejoint-elle le scientisme le plus outrancier lorsqu'il s'agit d'imposer une seule pensée totalisante par le biais de la destruction définitive de toutes les cultures potentiellement dangereuses car contradictoires avec elles.

Au beau milieu de la déprime et du profond sentiment d'inutilité vécus par Sutty, rendus plus tragique encore par l'homophobie de la planète où elle a atterri - autre point commun avec l'avenir promis par les unistes -, et tandis que lui revient en mémoire les moments sublimes d'amour vécus avec sa jeune et pétulante compagne, tragiquement morte dans un attentat provoqué par les fanatiques, une ouverture inespérée se fait jour : elle va pouvoir sortir, enfin, de Dovza-ville, la capitale étouffante de la planète Aka où elle se sent sans cesse épiée, contrôlée, surveillée, et découvrir enfin autre chose puisqu'on lui permet d'explorer la région montagneuse de la petite ville d'Okzat-Ozkat où, en dépit de la surveillance du Moniteur (un haut-fonctionnaire d'une haine proche de la folie envers les anciennes croyances), Sutty pourra faire la découverte patiente et profonde d'une civilisation fascinante, bien éloignée de l'uniformité stérile de la Corporation instaurée partout ailleurs, plus chamarrée, d'une grande richesse intellectuelle et remarquablement tolérante ; les « superstitions » proscrites par la Corporation demeurent, quand bien même cachées et même en partie parfaitement secrètes. Sutty pourra ainsi s'instruire auprès des Maz, à la fois prêtres, enseignants et conteurs ; elle pourra connaître le Dit d'Aka, et peut-être le préserver de la destruction que lui promet une société déraisonnable à force de passion pour la « Raison déifiée» en «Théisme National» où toute parole est sous le contrôle du "Ministère mondial de l'Information" et ressassé en boucle via la propagande décérébrante du"Ministère central de la Poésie et des Arts"…

Si les fameux "Maz" de ce roman sont clairement inspirés par les "pimas" de la minorité chinoise Akha des forêt montagneuses proches de la frontière Thaïlandaise, eux-mêmes persécutés et menacés par le rejet de leurs traditions et dont la culture se transmet par l'oralité, leur écriture ayant été perdue, en une chaîne ininterrompue entre maîtres et disciples, Ursula K. le Guin, fille de deux grand ethnologues américains spécialistes des cultures amérindiennes et dont l'ouvrage de sa mère, Théodora Kroeber-Quin, intitulé Ishi, testament du dernier Indien sauvage de l'Amérique du Nord (1961), décrivant l'acculturation agressive de la tribu Yahi, puis son inéluctable destruction, après sa rencontre avec l'homme blanc, inspira pour parti les mouvements contestataires des "natives americans" dans les années 60-70, donc, si ces deux références sont d'importance dans ce roman, là où se situe le génie de cette autrice d'une Science-Fiction plus cérébrale que fantasque -ce qui, assurément ne manquera pas de décevoir ou de désarçonner les amateurs de pur "space opera - c'est d'apporter une vaste réflexion sur notre propre monde tel qu'il est ou tel qu'il va, sur les phénomènes acculturation, de disparition de connaissances ancestrales et uniques, d'oubli de langues (sur les 6 000 langages encore présents aujourd'hui, l'UNESCO estime que la moitié sont dans un grand danger de disparition prochaine étant donné qu'une langue originale disparaît tous les quinze jours, faute de locuteur. Qu'à ce rythme, 90% des langues présentes au début du XXIème siècle auront disparue à la fin de cette période). Notons aussi, et ce n'est très certainement pas un hasard, que le médiateur, le sauveteur des connaissances secrètes des "maz" est une femme (tandis que les maz sont, invariablement, des couples aussi bien hétérosexuels qu'homosexuels). D'abord, c'est assez significatif dans la mesure où, là comme ailleurs, les femmes ne joue malheureusement et trop souvent que les seconds rôles, les faire-valoir. Qu'ensuite, on peut considérer qu'elle est fécondée par la culture qu'elle découvre et dont les ultimes représentants espèrent, d'une certaine manière, qu'elle pourra ainsi enfanter une manière de renaissance de cette civilisation en danger.

Ce n'est donc en aucun cas d'un phénomène marginal dont nous parle Ursula K. le Guin. L'uniformisation du monde est bel et bien en marche. La plupart du temps, par ignorance, bêtise, désintérêt, goût du lucre. Parfois, comme c'est le cas, par exemple, pour ces minorités de Chine - on songe aussi assez immédiatement à la culture et à l'histoire millénaire tibétaine avec laquelle on ne peut s'empêcher de trouver de multiples points communs forts d'avec l'ethnographie imaginaire des populations montagnardes d'Aka - où la déculturation, le déracinement, les destructions de monuments et de documents, l'invasion volontaire d'une population autochtone minoritaire à l'échelon national par la majorité Han est voulue, préméditée, encouragée, planifiée.

Mais tout le génie de l'américaine est de savoir construire un roman auquel on croit, d'abord parce que, servit par une plume toujours élégante et précise tout en sachant être d'une grande poésie lorsque c'est utile à son propos, elle sait nous embarquer dans des histoires à la fois complexes par leurs thématiques et finalement très accessibles par leur déroulement, toujours d'une immense humanité, même lorsque le pire parait inéluctable. Car, autre sujet d'étonnement dans ces oeuvres dont le dit d'Aka demeure, pour l'heure, l'ultime épisode, le pessimisme n'y est jamais définitif, et les raisons de douter sont autant de tremplins à des solutions aussi atypiques que riches de tous les possibles, à commencer par ceux résidant dans un espoir raisonnable mais sûr que l'humanité n'est jamais au bout de trouver les bonnes solutions, les justes ressources pour émettre des idées lui permettant d'avancer vers un réel mieux, de corriger ses erreurs - bien que cela ne se fasse pas forcément sans dégâts intolérables à ceux qui les ont vécus -. Hommage à la tolérance - où l'histoire d'amour entre deux femmes prend presque la mesure de symbole tant elle est tragique mais belle. Remarquons, au passage, que cette thématique de l'homosexualité n'est pas accidentelle chez la romancière puisque déjà présente, entre autre, et de manière tout aussi puissante et sublimée, dans son célèbre roman La main gauche de la nuit -, hommage à ce qui fait l'essence même de notre humanité, à savoir la reconnaissance et l'acceptation de l'altérité en une sorte de déclinaison du fameux "je est un autre" d'Arthur Rimbaud. Hommage aussi, très certainement, à quelques uns de ses prédécesseurs. On pense à Georges Orwell et à sa novlangue, tant le pouvoir central akéen ressemble à celui décrit dans 1984 -et même si l'on retrouve aussi beaucoup de la Chine des pires moments, tel le fameux "Grand bond en avant" ou encore sa "Révolution culturelle"- . Hommage à Ray Bradbury, enfin, et à son Fahrenheit 451, (même si elle a l'intelligence de ne pas en suivre la ligne générale), tant les destructions de livres et de bibliothèques sont omniprésentes entre les pages de ce roman relativement bref mais l'un des meilleurs du cycle. En tout cas, du niveau du roman déjà cité et de son fameux "Les dépossédés". Hommage, enfin, à toutes les sagesses et, -rêve impossible ? - à la possibilité d'un moment humain de sagesse, de poésie et de tolérance universelles...

Un grand, un très grand roman, donc, pour tous ceux estimant que la bonne science-fiction ne doit pas invariablement conter des batailles intergalactiques invraisemblablement épiques ni des sauts rocambolesques autant qu'époustouflants dans l'espace et le temps. Ainsi, la SF peut-elle devenir le lieu du parfait dépaysement tout autant que celui d'une certaine exposition à la réalité du monde que notre quotidien fini par nous cacher à nous-même. En un mot comme en cent, cette femme est un génie que la littérature "mainstream" ferait bien de reconnaître pour ce qu'elle est plutôt que de continuer à bouder ce genre par habitude de domination du monde des lettres aussi désuète que prétentieuse. Mais nous n'irons pas plus avant dans ce débat qui est l'un des thèmes abordé par Gérard Klein dans la postface absolument brillante à la suite du second petit roman présenté dans cet opus, "Le nom du monde est forêt".
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Première lecture de celle qui est considérée comme l'une des plus importantes auteures de science-fiction et pas la dernière (ne serait-ce que parce que je dois encore lire le Nom de la Forêt, deuxième roman de ce recueil).
Difficile de qualifier exactement le Dit d'Aka dans le genre de la science-fiction: ce n'est ni une dystopie, ni une utopie ou une uchronie; j'appellerais ça plutôt un "essai anthropologique fictif sur les civilisations galactiques de l'Ekumen".

L'Ekumen est cette ensemble de galaxies créées par les Hainiens, les premiers à avoir réussi à faire des voyages intergalactiques. Leur volonté était de rapprocher les planètes et leurs civilisations dans une volonté d'ouverture et d'échanges.
La toute dernière civilisation découverte, Aka, n'a pas évolué depuis des millénaires. En réaction de sa "colonisation", elle s'est vue par une partie de son peuple représentée par la Corporation, bannir toute cette culture ancienne pour intégrer celles des civilisations plus "avancées".
Sutty, terrienne indou-canadienne, est envoyée à Aka pour tenter de sauver les derniers textes écrits du Dit avant que cette ancienne culture ne disparaisse à tout jamais.
Sutty a elle-même vécu l'oppression des fondamentalistes sur Terre dans son enfance et est à même de comprendre les dangers que représente cette élimination de masse et ces programmes de "rééducation" que subissent ceux qui oralisent clandestinement le Dit.
La lecture n'est pas toujours aisée car ce roman fait partie du Cycle de l'Ekumen, et j'ai mis du temps à rassembler toutes les données de ce monde; Heureusement, la postface de Gérard Klein m'a éclairé sur ce point-là. de même, ça reste une lecture lente et exigeante mais que j'ai beaucoup apprécié au final pour le point de vue, complexe, adopté. Pour l'instant, je préfère attendre de lire d'autres romans du cycle ou ses oeuvres plus importantes pour appréhender au mieux la philosophie d'Ursula le Guin, dont l'écriture est d'ailleurs fine et subtile.
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Concentrez-vous pour saisir le Dit d'Aka : il ne se laisse pas facilement capturer et s'enfuit sitôt qu'on imagine l'avoir saisi. Cela fait peut-être trois mois que j'ai refermé le livre et je ne me souviens plus des grandes lignes de l'histoire. Cela se passe dans un univers où la hiérarchie des mondes a remplacé la hiérarchie des nations. Sutty fait partie de ce que l'on appellerait le monde développé. Elle est envoyée sur la planète Aka, qu'on appellerait le monde sous-développé (ou en voie de développement), comme une ethnologue qui serait chargée d'étudier ses habitants et de recueillir leurs récits. Fait exprès ou coïncidence ? Sutty porte en elle le regard de l'exil, peut-être le mieux à même de déceler l'âme d'un peuple menacé, car elle vient de la planète Terre, bouleversée récemment par une violente réaction fondamentaliste et antiscientifique. Ursula le Guin avance à la manière d'une anthropologue et connaît toutes les mesures de précaution observationnelle désignées entre autres par Lévi-Strauss. Si la tentation de la description anthropologique est grande, Sutty se rappelle toutefois in extremis que cette approche n'est qu'un discours issu de son monde, et qui introduit dans l'espace observé une historicité destructrice en ce qu'elle n'est pas celle d'Aka.


Il faudra tout abandonner pour découvrir que le Dit d'Aka ne ressemble à aucune mythologie ni à aucune religion connue. C'est une parole dynamique, ancrée dans le présent, qui intègre donc la venue de Sutty dans la toute-puissance de sa présence.


Mais finalement, on ne connaîtra pas vraiment la nature de ce qui se produit. Ursula le Guin a peut-être voulu écrire le processus du changement –à l'intérieur de Sutty ou sur Aka ?- mais il ne reste qu'une impression trouble et peu convaincante. Beaucoup de flou subsiste à l'issue de cette lecture. Peut-on vraiment comprendre l'étranger (l'inconnu) sans aucune référence de comparaison ?
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Le Dit d'Aka est le dernier roman de le Guin du Cycle de l'Ekumen. Comme la plupart des autres, on y suit une Observatrice (une espèce d'anthropologue/diplomate) qui tentent d'étudier et de comprendre le fonctionnement social d'une planète.

Dans celui-ci, on y suit Sutty, Cette dernière vient de la Terre où elle a grandit dans une théocratie qui s'est écroulé assez tôt pour qu'elle puisse devenir Observatrice.

Elle est envoyée pour étudier Aka, une planète dirigée par un gouvernement corporatiste qui souhaite rejoindre l'Ekumen, et est la première Observatrice à obtenir l'autorisation de sortir de la Capitale pour étudier les populations.

Le roman a été écrit pendant l'apogée du mouvement altermondialiste et cela paraît dans les thématiques.

Ce que Sutty comprends de l'histoire de la planète, c'est que quand l'Ekumen est arrivé sur Aka, les élites de la sociétés étaient plutôt réticent à s'ouvrir au reste de la galaxie.

Puis, voyant les progrès et les profits que les relations avec l'Ekumen pouvaient amener, les élites économiques et intellectuelles ont pris le pouvoir pour instaurer le gouvernement corporatiste. Pour que personne ne s'oppose à l'avancement de la science, les élites traditionnelles sont "rééduquée". Mais les moeurs même sont trop conservatrices. Les livres sont interdits. Les gens ne peuvent plus que se fier que sur leurs traditions orales pour savoir d'où ils viennent dans ce monde où les Producteurs-Consommateurs ont remplacés les citoyens.

Sutty, qui a fuit sur Terre une théocratie autoritaire, se demande donc si elle doit aider les vieilles élites conservatrices marginalisées qui tentent de sauver quelques brides de leur culture.

*

C'est probablement le roman de le Guin (une de mes autrices préférées) qui m'a la moins plu jusqu'à maintenant. (Tout en restant par ailleurs excellent).

Deux raisons.

1- C'est son histoire qui ressemble la plus à une pure dystopie. Peut-être est-ce qu'on en a juste trop eux depuis, mais ce n'est pas trop mon truc. Elle construit habituellement des sociétés assez complexes pour éviter que l'on dise simplement "il y a des gentils et des méchants, des oppressés et des oppresseurs".
2- Ce roman est très didactique. C'est le Guin, on s'attend à du worldbuiding. Mais elle habituellement assez facile pour faire des descriptions dynamiques ou pour que l'univers s'explique par lui-même au fil de l'intrigue. Sauf qu'ici, ce n'est pas le cas. Sur un roman de 250 pages, il doit y avoir 50 pages ou l'histoire se met sur pause pour que la narration nous explique directement les mécanismes sociaux mis en cause.

Je me préparais même à mettre une note plus basse jusqu'à ce que j'arrive à la finale qui, sans rien vendre, est très intéressante/satisfaisante.

*

Pour ma critique du Nom du Monde est Forêt :
https://www.babelio.com/livres/Le-Guin-Cycle-de-lEkumen--Le-nom-du-monde-est-foret/93029
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Il se toucha les hanches, les flancs, se tapota la tête en imitant avec ses doigts la danse des feuilles dans le vent, et eut un mince sourire.
- Le corps est le corps du monde. Le corps du monde est mon corps. Ainsi donc, l'un fait deux.
Son doigt pointa l'endroit ou le tronc se divisait.
- Et les deux portent chacun trois branches, lesquelles se rejoignent, ce qui fait cinq.
Son doigt effleura les cinq lobes du feuillage.
- Et les cinq portent la multitude, feuilles et fleurs qui périssent et reviennent, reviennent et périssent. Les êtres, les créatures, les étoiles. L'existence qui peut être dite. Mais nous ne voyons pas les racines. Nous ne pouvons pas les dire.
- Les racines sont dans le sol ?
- La montagne est racine.
Il adopta une belle posture formelle, de ses mains dos à dos, le bout des ongles pour former un sommet, puis allant toucher sa poitrine au niveau du cœur.
- La montagne est racine, répéta-t-elle. Ce sont là des mystères.
Il se tenait coi.
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(Une bibliothèque clandestine, préservée dans des grottes et les montagnes des atteintes des barbares).
A deux ou trois reprises, elle alluma des lampes accrochées aux murs afin d'éclairer les cavernes de l'existence, les pièces sphériques pleines de mots, où le Dit reposait, caché, dans le silence. Sous la roche, sous la neige.
Des livres, par milliers, à la reliure de cuir, de tissu, de bois ou de papier, liasses dans des coffrets peints, sculptés, marquetés, fragments anciens enluminés, parchemins dans des tubes, des boîtes, ou attachés par des rubans, livres sur vélin, sur parchemin, sur papier chiffon, sur mauvais papier, manuscrits, imprimés, livres par terre, dans des boîtes, dans des caisses, sur des rayonnages bancals en bois récupéré sur les caisses. Dans une salle, ils s'alignaient sur deux étagères, creusées dans la paroi sur toute la circonférence, à hauteur de taille et d'yeux. Un labeur de longue haleine, dit Ikak, accompli par les maz (savants) qui vivaient ici quand il s'agissait d'un petit umyazu (école) dont la bibliothèque tenait dans cette pièce. Ils avaient le temps et les moyens de travailler ainsi. A présent, on se contentait de poser des bâches en plastique pour protéger les livres de la saleté et de la roche nue, de les empiler ou de les ranger le mieux possible, de les trier tant bien que mal et, surtout, de les tenir cachés, en sûreté. De les protéger, de les conserver et, quand on en avait le temps, de les consulter.
Mais une vie n'aurait pas suffi à lire ne serait-ce qu'un fragment de ce qu'il y avait ici, ce labyrinthe de mots, cette histoire immense, éclatée, interrompue, d'un peuple et d'un monde à travers siècles et millénaires.
Odiédine s'assit dans une de ces grottes silencieuses, mal éclairées, où des rangées de livres partaient de l'entrée, tels de sombres sillons d'herbe coupée, et disparaissaient dans l'obscurité. Il s'assit à même le sol entre ces deux rangées, prit un petit livre à la couverture en tissu usée, et le posa sur ses genoux. Des larmes roulaient sur ses joues.
p. 140
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- Je vous prie de m'excuser pour la façon dont je vous ai traité, dit-elle après un long silence. Je n'ai pas aimé vos manière sur le bateau, ni à Okzat Ozkat. J'en suis venue à vous haïr quand je vous ai cru coupable de la destruction de l'herbier de Maz Sotyu Ang, de l'oeuvre de sa vie, et de sa vie. Détesté d"avoir traqué mes amis. Et de m'avoir traquée, moi. Je hais vos convictions fanatiques. Mais je vais essayer de ne plus vous haïr, vous.
- Pourquoi ?
Il avait repris la voix glaciale qu'elle lui connaissait.
Elle cita un passage bien connu du dit :
- "La haine blesse qui la ressent."
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C'était là une donnée simple, mais particulièrement réfractaire au mode de pensée terrien. Pas d'étrangers. Pas d'autres, au sens du mot "autres" qu'il prend sur Terre: l'implacable séparation en tribus, les frontières arbitraires et infranchissables, les haines ethniques entretenues pendant des siècles, des millénaires. "Les gens", ici, ça ne voulait pas dire "mon peuple" mais "le peuple", tout le monde, l'humanité entière. Un "barbare" n'était pas un étranger incompréhensible, mais une personne sans instruction. Sur Aka, tout conflit avait un caractère familial. Chaque guerre était une guerre civile.
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Et s’il reste un pan d’histoire sur Aka, vous êtes le membre de mon équipe le plus apte à le découvrir.
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Vidéo de Ursula K. Le Guin
De "La Main Gauche de la Nuit", au "Nom du monde est forêt" en passant par "Les Dépossédés", l'autrice américaine de science-fiction Ursula le Guin, disparue en 2018, a tissé une toile narrative complexe d'une grande beauté littéraire et d'une actualité thématique brûlante.
Réflexion sur le genre et féminisme, écologie, inégalités sociales, ce sont autant de préoccupations qui se dessinent subtilement dans l'oeuvre monde de cette touche-à-tout
En compagnie de ses invités, Catherine Dufour, écrivaine de science-fiction et Jérôme Vincent, directeur éditorial des éditions ActuSF, Antoine Beauchamp vous propose de découvrir cette immense autrice qui fut un temps pressentie pour le prix Nobel de littérature.
Photo de la vignette : Dan Tuffs/Getty Images
#sciencefiction #scifi #littérature __________ Retrouvez d'autres grands entretiens scientifiques par ici https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrr_Kd-8Hzj20Jo6qwhHOKI7
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