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Pascal Pia (Éditeur scientifique)Maurice Guyot (Éditeur scientifique)Pierre Perret (Préfacier, etc.)
EAN : 9782715221130
960 pages
Le Mercure de France (03/09/1999)
4.33/5   38 notes
Résumé :

Paul Léautaud, né en 1872, n'a eu de cesse, sa vie durant, d'observer ses contemporains et d'analyser la société dans laquelle il vivait. " Partout malicieux, indiscret, hardi... ", il se plut à fréquenter les milieux intellectuels parisiens, tandis qu'il vivait de façon très solitaire, entouré seulement de ses animaux. Se voulant profondément classique, il critiqua nombre de ses contemporains. " C'est le ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Entendons-nous d'abord sur l'adjectif "littéraire" que Léautaud a choisi pour son journal : toute sa vie, passée au Mercure de France, il a côtoyé et fréquenté des littérateurs aujourd'hui bien oubliés ; il a écrit des critiques dramatiques, puisqu'en ces années-là le théâtre garde la place prééminente qu'il avait à l'époque des frères Goncourt. Mais Léautaud ne lit pas beaucoup, ne s'intéresse nullement aux événements et nouveautés esthétiques et littéraires, ne connaît de Proust que deux pages, de Céline rien, et ne comprend même rien aux oeuvres et à la pensée de son ami de jeunesse Paul Valéry. Des Surréalistes, nulles nouvelles. Ses idées littéraires sur le style sont vieillottes et naïves : la "spontanéité", le "naturel" sont plutôt des qualités morales et sociales qu'artistiques. Il déteste le mot "art" au nom de ses illusions sur la "nature" en littérature. Il a horreur de la culture et du savoir, au point de déconseiller l'usage du dictionnaire aux écrivains. Léautaud est un esprit étroit, peu cultivé, qui se vante de son ignorance, du haut de laquelle il distribue bons et mauvais points.

Cela dit, on ne lit pas jusqu'au bout les 1200 pages de ce volume (sur les dix-neuf tomes du Journal en édition complète), sans se prendre d'un certain attachement pour l'homme. Pour son époque, il pense mal : hélas, ses mauvaises pensées n'étaient subversives qu'en 1920 (antimilitarisme, antipatriotisme, anticatholicisme, etc), car elles sont devenues aujourd'hui des opinions obligatoires. Sa subversion est notre doctrine officielle. Cependant l'homme Léautaud a eu ces mauvaises pensées en son temps, par indépendance ombrageuse, par goût de la liberté, refus de tous les conformismes du temps. Il paie cet anticonformisme daté d'une grande pauvreté matérielle, et jusqu'à la fin de sa vie, refuse prix et prébendes pour ne devoir rien à personne. Nous sommes loin des rebelles subventionnés contemporains, des "Limousine Liberals" des USA, de nos bobos. Au détour des pages, d'ailleurs, le lecteur s'enchantera de trouver des passages qui ont gardé leur fraîcheur de pensée libre, encore capables de choquer les sensibles âmes blanches d'aujourd'hui.

Enfin, comme beaucoup de misanthropes, Léautaud aime passionnément les animaux, qui tiennent une place immense dans sa vie, plus que dans son journal. Il est un vrai Parisien, un piéton de Paris. Cette ville, aujourd'hui plus morte que Pompéi hantée des touristes, revit sous sa plume, ainsi que la banlieue des pavillons, où commence (hélas) à beugler la TSF. Cet ancien temps vivant dans le Journal est un des plus grands charmes de l'ouvrage.

Il faut donc se défier du titre, qui n'est littéraire que dans un certain sens fort étroit (le milieu littéraire). Léautaud d'ailleurs, au fil des pages, nous appelle à la défiance, seul moyen de rester libre et de ne pas trop se laisser abêtir.
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Un plaisir de lecture permanent d'un personnage hors du commun qui, malgré tous ses défauts, finit par devenir attachant et sympathique. Il était imperméable et indifférent à toute critique comme à tout éloge.

Je ne peux faire mieux ici que de rapporter le seul éloge qui l'a véritablement touché, éloge d'un écrivain inconnu dont il n'avait pas retenu le nom et qu'il rapporte dans son journal à la date du 18 novembre 1946 :

« … il importait de célébrer les richesses innombrables d'une oeuvre unique, d'une plume tonique et frémissante, qui n'a pas écrit une seule ligne pour plaire, d'un intrépide écrivain qui n'est jamais que soi, d'un esprit farouchement libre, et d'un style si clair, si sûr, si franc - et français. »
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Le choix des textes est plutôt bon, à ce qu'il me semble, bien que le concept même de l'anthologie me frustre toujours énormément ; et la préface de Pierre Perret est d'une insignifiance et d'une tartuferie sidérantes.

Le style de Léautaud, c'est justement l'absence de style, ou plutôt une façon de s'exprimer la plus franche du monde, la moins contournée. Il exprime librement ses idées, et ses idées sont toujours réjouissantes. le personnage est un cynique naturel, cynique sans affectation, parce que son regard sur le monde est sans illusion, parce qu'il ne croit à rien qu'à son plaisir. La lecture de ce journal est l'occasion de jouir avec lui de son mordant, de ses bons mots, des portraits cocasses mais justes qu'il fait de ses contemporains. Son oeil aiguisé débusque tout de suite le ridicule d'une personne ou d'une situation.
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A lire absolument....croustillant et acerbe à souhaits
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A lire absolument....croustillant et acerbe à souhaits
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Lundi 13 juillet 1931.
Il y aurait un petit chapitre à écrire contre la musique, comme l'art le plus primitif, le plus sauvage, celui qui s'adresse le plus, pour ne pas dire uniquement, à nos sens, à notre instinct. L'origine de la musique est certainement l'homme primitif, tapant en cadence deux morceaux de bois l'un contre l'autre et gigotant en cadence avec ces frappements. Un enfant au bord de la mer, qui entend le bruit du roulement des vagues et cherche à l'imiter avec sa bouche : hou-ou, hou-ou... fait de la musique. C'est à la musique que le plus grand nombre, les parties les plus basses de la société sont le plus sensibles. Il n'importe pas de savoir quelle musique. C'est de la musique, ce point suffit. Voyez partout le pullulement des phonographes ou des gramophones. A tous ces gens, l'idée ne serait pas venue d'avoir des livres, de se former une bibliothèque. La musique devenue possible à domicile, ils se sont jetés dessus et chaque soir se repaissent de ce vacarme sonore. Preuve que la musique s'adresse aux parties les plus primitives de notre être : je vais quelquefois dîner à Robinson, dans une guinguette. Un affreux gramophone doublé d'un haut-parleur jette sur les dîneurs les flots d'une musique basse et scandée, et je sens naître, sourdre en moi je ne sais quelle envie de me lever et de m'élancer à gigoter comme le dernier sauvage de la plus lointaine peuplade aux sons du tam-tam de la tribu. Non, ce n'est pas l'intelligence, l'esprit, la faculté de méditation, les parties nobles de notre être qu'atteint et que satisfait la musique, et ce n'est qu'un mot qu'elle est le premier des arts. De son plus bas degré à son plus haut elle n'est qu'un vacarme aux scandements duquel nous serions prêts à aller de sauts en sauts, sous une impulsion toute physique.
p. 669
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Jeudi 18 juillet 1935.
Mlle Dormoy a été voir, au cinéma, "Crime et châtiment". Trouve cela très beau. M'a développé tout le sujet du livre. Je n'y trouve rien d'étonnant. Sans doute, il doit y avoir les développements. Je lui ai dit, ce soir-là : "Cela ne vaut certainement pas Le Neveu de Rameau, qui est un livre autrement hardi." Je le lui ai prêté. Elle l'a lu. Trouve cela très fort. Ne s'en doutait pas. Elle me dit aujourd'hui qu'elle s'est mise à lire "L'Idiot". Je l'ai blâmée de cette lecture. Un écrivain comme Dostoïevski a gâté des gens comme Gide, comme Duhamel. C'est de la littérature de malade, d'épileptique, de taré. C'est une hygiène intellectuelle de s'en tenir éloigné, de ne pas vouloir la connaître. C'est de la littérature de cabanon, bien faite pour les Russes, ces cerveaux malades, faibles, résignés, fatalistes, fuyants. Cette littérature est à fuir, pour un esprit clair, hardi, libre. Non seulement à fuir, mais à détester.
p. 772
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Mercredi 29 avril 1936.
Hirsch s'adressant à moi particulièrement : "Allez-vous quelquefois vous promener dans les faubourgs, Léautaud ? Avez-vous vu les enfants qu'on y voit ? Des enfants qui ont déjà l'air de petits vieux. Des enfants qui vivent en tas dans des logements sans espace, sans air. C'est affreux à penser."
J'ai répliqué à Hirsch : "Voilà encore qui m'est parfaitement indifférent. Ces gens chargés d'enfants n'avaient qu'à ne pas les faire. Je lis quelquefois dans un journal que tel individu ne trouve pas à se loger parce qu'il a cinq ou six enfants et qu'on ne veut pas de lui. Qu'est-ce que vous voulez que cela me fasse ? Il n'avait qu'à ne pas les faire. Il a coupé dans les bobards qu'on débite aux gens pour qu'ils fassent des enfants. Tant pis pour lui. Est-ce que j'ai fait des enfants, moi, est-ce que je me suis marié, sachant que je n'étais pas en situation de faire vivre une femme ? Il y avait surtout, il est vrai, mon goût absolu d'indépendance. Je me refuse, en tous cas, à nourrir les enfants de gens qui ont eu la bêtise de les faire."
p. 800
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Samedi 3 juin 1933 :  Nous allons certainement vers des choses effroyables : dix ans, vingt ans, trente ans, mais inéluctables, un bouleversement, un changement, une transformation sociale considérable, au prix de quels heurts, de quels massacres, de quelles explosions et assouvissements de haines ! La France fait pitié par ses enfantillages, les amusements niais auxquels elle se livre, plus que niais : d’un ordre si bas, tous ces gens avec le bastringue à domicile (c’est ainsi que PL appelle la radio) ces mascarades de résurrection de tel ou tel fait historique ou autre comme on en voit maintenant partout, dans tout le pays, les sports, le cinéma, qui est à joindre à la T.S.F. comme moyen qu’on dirait prémédité d’abaissement public, cette dégringolade, cette vulgarisation, cet exhibitionnisme dans les affaires de politique et de gouvernement, ces ministres et diplomates à chaque instant photographiés avec le sourire comme des vedettes, ces primes à la prostitution que sont ces histoires de reines de beauté, cette moitié de la création qui prétend vivre et avoir des rentes aux frais de l’autre moitié, ceux qui devraient obéir se mettant à commander, ce socialisme = égalisation, nivellement et enrégimentaient, qui avance de plus en plus, d’un autre côté cette police formidable prête à tout assommer , et au dehors toutes ces nations hypocrites, cherchant chacune à faire ses affaires au détriment d’une autre. Il fera bon être loin, - ou mort. Loin et à l’abri serait préférable, car l’intérêt ne manquera pas, comme il ne manque pas déjà.
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Toute révolution prétend travailler pour le bien universel et veut propager sa doctrine dans le monde entier. En 1792, toute l'Europe était contre la Révolution française. Aujourd'hui, toute l'Europe est contre la Révolution russe. Il n'y a pas à s'échauffer. Il faut seulement se méfier des gens qui veulent le bonheur de l'humanité, d'où qu'ils soient. Les juges de l'Inquisition eux aussi, voulaient faire le bonheur de leurs victimes.
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