Oh qu'elle est belle et triste, cette petite histoire ! Une femme aime un homme et en est aimée, mais ses parents profitent d'un moment où le jeune homme est parti au marché pour ramener l'argent de la dot pour la marier à un autre, plus riche, et dont la dot leur assurera de meilleurs vieux jours. La jeune femme est malheureuse, maltraitée dans sa nouvelle famille. Elle finira, pour un jour, à revoir son amour, son aimé, tentera de s'enfuir, suppliant sa mère de rendre la dot et de la reprendre mais...
En quelques pages, c'est tout un monde poétique d'un autre temps qui s'offre à nos regards. Celui des Hmongs, un peuple vietnamien montagnard dont la connaissance et la culture traditionnellement orale disparaissent en même temps que leur habitat. L'histoire de cet amour contrarié est convenue mais traitée comme un petit bijou fragile et si léger, dans l'écrin magnifique des dessins de Lebadang. Un récit comme un poème, qui reprend les paragraphes en en changeant seulement les deux dernières phrases pour lui donner un autre sens, une autre portée. Magnifique, magique, sublime !
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Je gravis la montagne,
haute, plus haute se fait la montagne,
je cueille une feuille mignonne,
la porte aux lèvres,
la feuille aux lèvres,
elle ne chante pas la feuille,
j'appelle le compagnon de mon amour, il ne m'entend pas,
le compagnon de mon amour,
je souffle sur la feuille,
la feuille ne chante pas, la feuille aux lèvres,
j'appelle l'homme que je chéris,
l'homme que je chéris ne répond pas,
la feuille chante, la feuille craque,
j'appelle l'homme que j'aime
mais ainsi mentira ton aimée:
"J'appelle le nom de ma mère,
le nom de mon père, en souvenir du temps
où j'étais au royaume sacré",
j'ai cueilli une tendre feuille,
l'ai portée à mes lèvres,
la feuille tendre et mignonne
s'est rompue et brisée,
et tel est mon mensonge:
"J'appelle le nom de mon père,
le nom de ma mère,
en souvenir d'avant,
quand j'étais au sentier sacré."
L'homme veut appeler , nul appel ne monte ,
veut siffler , ni sifflement ne retentit ,
cueille la tendre feuille mignonne ,
la porte à ses lèvres ,
appelle le nom de l'aimée , sans relâche ,
appelle le nom de l'aimée , sans répit .
Triste est notre sort dans ce monde ,
Il sera beau dans le monde céleste .
Cruel est notre sort sur cette terre ,
Il sera beau sur l'autre terre .
Mon cœur , s'il est liane de manioc ,
Ou lien de bambou , sera tranché d'un coup :
qu'il devienne papillon , s'envole de toutes
parts et protège de la pluie .
Quand je demeurai en
la maison de mère et père,
me fis un chevalet,
où mère et père enroulèrent,
pour sécher au soleil,
les fils de soie couleur d'or.
Quand je demeurais en
la maison de mère et père,
durant sept ans de jeune fille,
me fis un chevalet,
où mère et père enroulèrent,
pour sécher au soleil,
les fils de soie déjà blanchis.
Quand je demeurais en
la maison de mère et père,
tissais durant sept ans de jeune fille,
une longue attente de toi - mon aimé!