Dans son recueil de nouvelles intitulé Fruits, Carl Leblanc nous invite à prendre un répit de la grisaille du quotidien pour goûter les joies du hasard, que Balzac considérait comme le plus grand romancier du monde.
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Je crois que les coïncidences sont de beaux visages. Personne n’est obligé de les trouver divinement beaux, mais le beau visage d’une femme qui se tourne vers vous est toujours, toujours, un événement. Il faut bien l’avouer, cette magie enchante. Pour ceux qui comme moi ne «croient» pas à l’abolition du hasard ou plus simplement ceux qui croient que le hasard est une donnée réelle de l’existence, répétons-le, c’est son apparente abolition qui nous réjouit, comme l’absence d’un instituteur sévère pouvait autrefois «enchanter» les écoliers malfaisants que nous étions.
Il n’y a rien de plus hygiénique que d’éprouver la banalité de ce que l’on croyait exceptionnel. C’est une expérience que l’on souhaiterait à plusieurs artistes qui nous ennuient au lieu de nous troubler, à ces trop nombreux rêveurs perdus en politique qui nous confortent complaisamment dans l’illusion au lieu de nous traiter «à la Churchill», en citoyens majeurs et vaccinés, ou, plus gravement, à ces amoureux professionnels qui bouleversent la vie de leurs proches, pensant venu le temps de l’éternité dans l’univers soudainement en expansion de leurs sentiments.
La difficulté de modéliser sera toujours la difficulté de maîtriser l’humain. L’humilité imposée alors à la raison n’est pas tant une glorification de l’irrationnel que le rappel de la complexité inhérente à la vie humaine. Son échec est une chance pour nous tous, le reflet de la richesse du monde et de ses probabilités infinies. Sommés d’être modestes, nous pouvons alors mieux reconnaître la parenté entre l’imprévisible et la liberté. Et nous en réjouir. Le hasard est cette bulle récalcitrante qui empêche la pellicule d’être lisse. Dans cette bulle, il y a l’oxygène.
Les coïncidences sont tantôt un défi pour le rationaliste, tantôt du charbon pour le spirituel ou encore un signe pour le superstitieux. Elles peuvent être aussi un matériau pour le récitant, car les plaisirs de l’improbable, s’ils peuvent être goûtés, n’ont pas à être sondés. Les fruits du hasard, on peut se contenter de les cueillir et les croquer.
L’amour était quelque chose d’admirable au cinéma, pas ailleurs. Je revoyais les expressions de Romano, je n’occultais pas les stigmates de sa faiblesse et de sa lâcheté, car il n’avait pas su aller jusqu’au bout. L’amour qui avait surgi en lui était fort, trop fort, comme cet item luxueux que tous ne peuvent se payer. C’était, en quelque sorte, un habit volé.