Une merveille à découvrir d'urgence et à dévorer en deux ou trois fois quand même. Une des plus belles parodies de genre jamais lue en cent cinquante pages.
Je me permets de citer la notice de Wikipedia, car je l'ai écrite pour remédier à l'insuffisance de l'existante, qui se permettait même d'ignorer le personnage le plus magnifique du roman, la protéiforme Coloquinte.
« Ainsi, mon petit monsieur, vous avez pu croire que moi, Charles Rondot, commerçant honorable, et connu comme tel dans le quartier des Batignolles, j'accorderais la main de ma fille à un homme qui n'a pas de père ? »
Balthazar est fiancé sous conditions avec Yolande, la fille de Rondot, .
Après de multiples péripéties pour rechercher son père, une fortune et une situation, c'est à la tête de cinq pères que l'orphelin Balthazar se trouvera, tous tués par le récit, et de cinq mères, dont deux encore vivantes. D'abord pauvre, il hérite de fortunes colossales.
Quand il ne pérégrine pas, Balthazar vit dans un tonneau aménagé à Montmartre. Pour s'occuper de son ménage, vit dans le même champ, dans un simple hamac, une très jeune fille aux tresses blondes serrées, Coloquinte, qu'il a investie de la fonction de secrétaire-dactylographe, symbolisée par une énorme serviette de cuir qui lui déforme la taille et d'où elle sort, à volonté, le pique-nique, les documents, et les billets de mille francs.
Balthazar prend peu à peu conscience du brûlant amour que lui porte Coloquinte, qui veille sur lui et le sauve à plusieurs reprises, et dont les tresses serrées font peu à peu place à de belles boucles dorées, mais qui reste jusqu'au bout, ou presque, résignée au mariage de Balthazar avec Yolande Rondot. C'est à la fin d'un vrai suspense amoureux que les yeux de Balthazar se dessillent et Coloquinte peut accrocher son hamac tout contre le tonneau de Balthazar.
Dans un court prologue,
Maurice Leblanc dévoile d'emblée une intention parodique, dont l'évidence affleure à mainte reprise dans ce bref roman de genre. Il fait par exemple dire à Balthazar : « On se croit élu par le destin pour être le héros d'aventures extraordinaires, et l'on est quoi ? le lamentable fantoche d'un roman policier, confectionné avec les trucs les plus usés, par un bâcleur de feuilletons. »
Balthazar "enseigne" une "philosophie" selon laquelle il n'y a jamais dans toute vie que de l'ordinaire et de l'aisément explicable, philosophie qu'il transporte dans tous les épisodes de son aventure et dont Coloquinte est la meilleure élève, une sorte de Candide vouée à en souligner l'absurdité face à ce moderne Pangloss (mutatis mutandis).
Par touches successives, ce récit fort habile conduit le lecteur à découvrir sous le tendron au physique ingrat un idéal féminin, certes quelque peu traditionnel, mais si vivant que le "happy end", formulé de manière très elliptique, est aussi une réussite du genre roman d'amour.