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Citations sur L'homme à la recherche de son humanité (7)

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Les désirs que suscitent les instincts, le bien-être physiologique et psychique qu’ils apportent quand ils sont satisfaits sont principalement du domaine de l’habitude et de l’inertie qui donnent à la vie et à la matière leur stabilité. Au contraire, les appels que font naître l'amour et la paternité, la dilatation et la pénétration spirituelles qu’ils suscitent, entraînent l'homme au-delà de ce qu’il a jusqu’à présent connu. Il en va de même des inspirations qui permettent à l'homme d’être proprement créateur et de l'activité particulière qui alors le possède. Elles aussi provoquent en lui un dynamisme qui n’est pas seulement nécessité par sa conservation. Tandis que les désirs visent à entretenir la vie, ces appels et ces inspirations, tout en y contribuant aussi, la développent au-delà de ses possibilités, de ses besoins actuels, et même au-delà de ses horizons habituels.
(p. 152)
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Bien avant que, par son approfondissement personnel, l'adulte ait trouvé les ressources de conscience et de volonté qui lui permettent de porter sa mort de façon habituelle, l’amour et la paternité lui donnent l'occasion de la découvrir avec réalisme.
Tout ce qui arrive à ceux que l'homme aime comme lui-même : naissance, mariage, épreuve, mort, prend pour lui, spontanément, une importance considérable, l'émeut et lui ouvre les yeux sur sa propre condition mieux que ne saurait le faire au début, sa seule réflexion.
Devant le berceau de son nouveau-né, le père, par une prise de conscience intense du début d’une vie qui lui est si proche, peut être conduit à penser à la mort. En cette heure marquée par un commencement absolu, l’homme suffisamment conscient dépasse une connaissance purement objective de l'événement. Il le singularise. Il se l'approprie. Il l'insère dans la trame de sa vie intime. Il se hausse à des vues qui le portent à considérer la mort d’une toute autre manière qu’en temps ordinaire. Naissance et mort s’appellent. Ne sont-elles pas les deux situations limites et au-delà desquelles toute pensée n’est qu'imagination vaine ?
(p. 67)
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Sa manière d’entrevoir l'amour et la paternité ne lui est nullement acquise de façon définitive. Elle évolue avec lui, se perfectionne ou dégénère avec lui. De même, elle paraît nécessairement banale ou utopique, et de toute manière abstraite, à quiconque n’est pas en état de la découvrir par et pour lui-même.
La vision de l’amour et de la paternité que l’homme atteint ainsi n’est pas la conséquence de ce qui se dit et se fait dans la société, même si par certains aspects elle en porte nécessairement le reflet.
Elle est proprement une création spirituelle, même si l’hérédité, l’imitation ou quelque initiation l’ont aidée à se faire jour. Dans son ordre elle a les caractères qui correspondent à ceux de la création artistique.
(p. 91)
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L'amour humain ne peut pas se tenir à son niveau hors du recueillement, car seul le recueillement permet à chacun d’être présent à soi-même. C'est uniquement à travers cette présence à soi que, malgré la distance infranchissable séparant ces deux êtres solitaires, la présence de l’autre est perçue. A la fois appel et réponse, l’amour est discret par nature plus encore que par pudeur. Le silence est son climat, silence plein qui ne change pas tellement quand il se mue en paroles car c'est lui qui nourrit les paroles et leur donne leur valeur et leur portée. Comment l'amour ne se dégraderait-il pas dans l'agitation des réactions affectives, des résolutions, des regrets et des scrupules ? Il doit absolument transcender les tensions de tous ordres et n'être fidèle qu’à lui- même pour s’établir dans sa vivante immobilité.
(p. 38)
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L'INTELLIGENCE de SA MORT
L'activité du souvenir transcende la mémoire.
« Se souvenir est beaucoup plus actif et synthétique que se rappeler. Dans l’un et l’autre cas, la mémoire intervient. Elle fonctionne avec ses mécanismes propres et reçoit l’aide de tout ce qui les favorise pour tirer de l’oubli ce qu’elle a enregistré dans ses archives. Elle ne fournit cependant que la matière sur laquelle œuvre l'activité spirituelle du souvenir.
Le souvenir en effet n’est pas seulement le rappel aussi exact que possible par la pensée et le sentiment d’une situation antérieure. Il est un alliage où se fondent à la fois ce qu’on a vécu jadis, ce qu’on a vécu depuis, et ce qu’on est maintenant. Il n’est donc pas objectif comme la relation impersonnelle d’un fait historique quoiqu’il ne renie en rien ce que la mémoire lui fournit. Aussi le souvenir d’un événement du passé évolue-t-il avec celui qui se souvient sans que soient nullement mises en cause l’exactitude de la mémoire et la sincérité. Il s’approfondit ou au contraire se dissipe avec l’homme.
Il est des souvenirs dont l'homme n’est plus capable parce qu’il n’en est plus digne. Quand l’être est impuissant à conserver certains événements de son passé parce qu’il ne peut plus leur donner une qualité humaine compatible avec ce qu’il est devenu, sa mémoire ira jusqu’à les refouler instinctivement au-delà de son horizon ; son souvenir les déformera pour les rendre plus conformes à son état présent. Inversement, des faits ou des états passés, longtemps frappés d’interdit ou seulement négligés, parfois même jamais remarqués, enfouis dans leur contexte d'origine, apparaissent quand l’homme se trouve dans une situation spirituelle lui permettant de vraiment les saisir dans leur profondeur à leur véritable niveau, et de les faire siens.
Mieux un être a pris possession de son humanité, moins sa mémoire se montre rétive. Aérienne, et comme libérée de secrètes entraves, elle s’ouvre sans réserve à l'activité du souvenir. Ses matériaux s’appellent les uns les autres, se donnant mutuellement appui pour revenir à la lumière, non pas tellement par le mécanisme de l'association des idées que grâce à la cohérence interne qui les unit.
Plus un homme est spirituellement vivant, plus par l'activité du souvenir il imprime sa marque aux données de la mémoire. Il transfigure les matériaux livrés par elle. Il les modèle et les prolonge. Il modifie leur ordonnance, leur présentation, voire y ajoute ou en retranche sans cependant les falsifier en rien. Il les enracine plus profondément dans la trame de sa vie, voit mieux leurs causes et leur portée, leur relation avec ce qui est arrivé avant et avec ce qui est survenu depuis. Il rend ainsi plus manifeste que ne le ferait un strict compte-rendu, leur signification jadis ignorée ou méconnue, mais qui attendait pour s’imposer l’apport de ce qui viendrait après.
Par cette action, le souvenir donne à l'homme une intelligence plus complète de son passé. Celui-ci n’est plus seulement une collection de faits se succédant de manière accidentelle ou déterminés les uns par les autres de façon rigoureuse, mais sans référence aucune avec l’être qui en fut le carrefour et aussi le siège actif. L’homme fait ainsi la synthèse de toutes les impulsions qu'il a reçues et coordonnées, consciemment ou non, par sa vitalité spirituelle. Maintenant, leur multiplicité se compose sans déperdition en un seul mouvement stable orienté vers son but même et comme guidé par lui.
L’homme se reconnaît non seulement conséquence mais d’une certaine façon indirecte origine, sans être cependant la cause, de tout ce qui lui est arrivé. Il marque du sceau de son être l'ensemble des fait : enregistrés par la mémoire. Du domaine de sa vie, il les fait passer dans celui de son existence, où les événements s'agencent entre eux, se complètent et s'expliquent, se revêtent en filigrane presque d’une intention en fonction de celui qu’il est. Ainsi il se les approprié et les rend siens d’une façon nouvelle.
Par cette recherche à laquelle contribue son être total, l'homme arrache ces événements au passé, il les ressuscite, il les relie et les amalgame d'autant plus complètement à son présent qu’aidé par une vie fidèle et lucide, il a mieux l'intelligence sans refus inconscients de son histoire intime, la reconnaît pour ce qu’elle est et en accepte les conséquences sans restriction. Dans la mesure où il n’a pas dévié de sa ligne fondamentale, il atteint une compréhension plus profonde de son présent à travers ce qui en fut la préparation proche ou lointaine. Son présent se trouve illuminé et vivifié par cette fructification de son passé.
L’activité spirituelle qui donne naissance à ce renouvellement du passé est d’autant plus originale qu’elle doit moins à l'imagination ou au raisonnement. Elle sourd de l’homme un peu au-dessous de la zone où la conscience et la volonté opèrent dans la clarté. Elle jaillit de lui comme une inspiration qui le visite suivant son mode et à son heure. Elle est invention ; invention d’autant plus nécessaire que la substance à manifester est plus riche et par suite plus enveloppée, qu’elle intéresse plus directement l'essentiel. Malgré qu’il n’en ait pas eu directement l’initiative, l'homme est responsable de ce que cette invention lui apporte. Par elle, il est jugé sur ce qu’il est et manifesté dans ce qu’il est.
En particulier, l'homme comprend mieux l'origine, l’importance et la portée de ses fautes lorsqu’i1 les replace ainsi dans l'ensemble de sa vie. Elles lui paraissent les détours, presque inévitables pour lui, du chemin qu’il avait à suivre pour devenir ce qu’il devait être. Elles se montrent conséquences de ce qu’il était plus encore que de ce qu’il voulait. Sous ce jour, elles deviennent finalement des occasions indispensables pour lui, quoique objectivement non nécessaires, de croissance spirituelle. Elles reçoivent ainsi en partie du moins, et parfois totalement, une singulière justification, véritable absolution. Les plus lourdes (ce sont aussi les moins évitables) lui paraissent les plus irremplaçables pour sa maturation humaine, car elles prennent origine et l'atteignent en des profondeurs qu’autrement il n'aurait su ni sonder, ni reconnaître comme siennes.
Ainsi, au-delà des événements et des états qu’il a vécus, par la médiation de souvenirs qui, tirant leur puissance de rénovation de son fonds, recréent en quelque manière son passé et lui donnent valeur par une sorte de rédemption, l’homme découvre peu à peu la ligne fondamentale de ses jours. Leur sens, leur raison d’être lui apparaissent, en ses heures claires, de façon si assurée et si plénière qu’il ne pourrait y renoncer sans se renoncer lui-même.
Plus il y adhère et y correspond, plus il pressent en lui du stable et du définitif. Son existence, à travers les phases successives de sa vie, qui apparaissent puis disparaissent, prend consistance. Sous la trame du temps, elle laisse entrevoir sa durée. Tout immergé qu’il est dans le mouvant et le transitoire, l'homme approche de son être autant que cela lui est possible.

L'activité du souvenir et la prévision globale de l'avenir.
L'activité spirituelle de l’homme dans le souvenir n’aboutit pas seulement pour lui à une meilleure intelligence de son passé et à une manière plus juste de comprendre son présent. Elle peut lui donner une idée globale de ce qu’il sera conduit ultérieurement à vivre. Par elle, il en vient à faire non seulement œuvre de compréhension, de synthèse, de rénovation de son histoire, mais il atteint à une vision pour ainsi dire prophétique de son avenir.
Cette sorte de prescience n'est pas un souvenir proprement dit. Avec l’humour qui convient on pourrait en rêver l’origine dans quelque réminiscence d’une vie antérieure, ou y voir le le signe d'une prédestination... Cependant, ce pressentiment est issu du souvenir, il évolue avec lui et lui reste intimement lié. Il se montre justifié et utile dans la mesure ou la vue que l'homme prend de lui-même par le souvenir est exacte.
Comme l'intelligence que l'homme acquiert de son passé est finalement plus vraie que les connaissances objectives qu’il en a conservées, cette prescience dépasse la simple prévision de l'avenir tel que le présent le permet avec une probabilité raisonnable. Inspiré par la secrète et infrangible unité de l'essentiel de son passé d'homme, quand il se recueille en lui-même et se tient face à l'avenir, est conduit à extrapoler son histoire. Par le sens approfondi de la continuité et du dynamisme vital qui agit en 1ui et par lui à l'intérieur même de sa liberté, il accède à une vue d'ensemble de son avenir. A partir de son évolution intime, des goûts et des exigences qui s’annoncent de loin dans le développement de sa vie spirituelle, il lui est donné d’entrevoir ce qui est susceptible de lui arriver ; il s’y attend et est invite à s'y préparer comme si déjà il le voyait poindre à l'horizon.
Sans d’ailleurs s’attacher de façon spéciale à la représentation qu’il est porté ainsi à donner de ce qui vient, l’homme reçoit aux heures de lumière, avec l'assurance intime de l'exactitude de sa voie, celle de la justesse de ses vues. Cette prescience n’est nullement engendrée par la curiosité ni par l'anxiété devant l’inconnu. Elle est d’autant plus exacte que l’homme n'a pas pesé sur elle par ses réactions même les plus raisonnables, ni ne lui a rien ajouté par ses déductions même les plus vraisemblables.
Elle jaillit de lui plus encore qu’il ne la tire de soi. Il l'accueille avec quelque passivité plus encore qu’il ne la recherche activement. Il la tient à distance sans d’ailleurs la fuir. Cette illumination exige une acceptation qui souvent n’exclut pas l'angoisse, tellement elle va au-delà de l'instinct, tout en s’appuyant sur lui. A ces conditions, elle le visite de sa grâce propre.
L'activité spirituelle qui permet cette prémonition est différente de l'imagination fabulatrice. »
p. 77 à 81 - « L'HOMME A LA RECHERCHE DE SON HUMANITÉ »
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En prenant possession de l'homme, la mission permet à Dieu de construire le monde au-delà des possibilités qu'assure le simple déploiement des lois naturelles. Sur le front de ce qui est et à la frontière de ce qui devient, elle donne à Dieu l'instrument dont a besoin le mouvement qui le porte à créer. (p.199)
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Introduction
C'est une sorte de témoignage qui, s'il est très redevable des efforts spirituels du passé, ne se réclame directement d'aucune autorité, d'aucune tradition. Tout individuelle que soit cette manière de voir et de vivre, l'auteur pense qu'elle est enracinée suffisamment profond en lui pour que nombre d'hommes s'y reconnaissent s'ils ont assez vécu, du moins à l'heure où ils sont vraiment à eux-mêmes dans la lucidité et une authenticité suffisante.
L'universel n'est perçu qu'à travers le particulier.
(p. 8)
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