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EAN : 9782701159836
608 pages
Editions Belin (17/03/2016)
4.14/5   29 notes
Résumé :
Durant environ 40 millénaires (nous ne sommes dans notre histoire connue par des sources écrites qu'au 2e millénaire !), nos ancêtres ont vécu, fabriqué des merveilles, enterré leurs morts, construit des villes et des nécropoles, défriché toute l'Europe occidentale. L'Europe, dans sa version large – de l'Atlantique à l'Oural et même un peu au-delà — a innové, inventé l'agriculture et la métallurgie : c'est la Révolution néolithique, dont nous vivons encore.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique


Préhistoires d'Europe est le premier titre d'une nouvelle collection apparue au printemps : monde anciens, qui comprendra dix titres en quinze volumes.
Mon premier sentiment en l'ouvrant est une impression de qualité : beau papier, riche iconographie, des encadrés.
L'ouvrage est divisé en douze chapitres correspondant à la fois à une période et à un thème.
Et complété par un supplément sur le travail de l'archéologue et l'histoire de cette science ainsi que ces difficultés. “ Il est difficile de séparer les connaissances, de l'histoire des recherches, tant celle-ci est complexe et nourrie d'à prioris qui modèlent les esprits.”

De - 40 000 ans à - 52, Anne Lehöerff parle non seulement de la préhistoire au sens strict mais aussi de la protohistoire, puisqu'en Europe l'utilisation de l'écriture est bien postérieure à son apparition en Mésopotamie et en Égypte il y a 6 000 ans.

Sur quarante millénaires, l'histoire des Hommes nous est contée dans ces divers aspects : la recherche de nourriture, qui devient ensuite production. Celle des lieux de vie, maisons dont on retrouve les traces grâce aux poteau de construction, cités lacustres heureusement conservées dans les Alpes, puis fermes et premières cités. Celles des créations techniques la céramique, pour cuire et conserver, puis les objets utilitaires en métal : bronze, fer. Les rituels funéraires, avec des tombes souvent collectives. Les objets que nous considérons comme artistiques tant les peintures rupestres que les parures, colliers, broches, les statues dont nous ignorons le but si nous en admirons la façon, dont l'élégante dame de Brassempouy.

La néolithisation est une étape essentielle de la préhistoire. L'apparition de l'agriculture à changé beaucoup de choses. Mais ce serait une erreur d'imaginer une histoire linéaire forcément synonyme de progrès. Les hommes ont fait des choix, tel celui de l'agriculture mais ont ils mieux vécu ? Au lieu de s'adapter au milieu nos lointains ancêtres ont voulu adapter le milieu à leur besoins en domestiquant plantes et animaux en fonction de l'existant. En Europe ce seront le blé, l'orge et quelques légumineuses, le mouton, la chèvre, le porc puis le boeuf. Ils ne pourront toutefois s'affranchir des aléas climatiques.

Si l'ouvrage apporte des réponses il ne peut expliquer tout. Même si des nombreux artéfacts sont retrouvés, il reste à les interpréter, or la mentalité des Hommes de la préhistoire nous est profondément étrangère. Pourquoi faisaient ils des dépôts ? Quelle était l'utilité des mégalithes ? Quel était le sens des peintures rupestres ? Autant de questions qui ont parfois trouvé des réponses en fonctions de l'idéologie des découvreurs.
On peut cependant déduire un certain nombre de connaissances à partir d'éléments infimes. L'homme est il dès l'origine violent ? N'en déplaise à Rousseau, la réponse est oui. Des ossements de femmes et d'enfants portent la trace de blessures par flèches. Certaines peintures rupestres le confirment, de même que l'existence à l'âge des métaux d'armes offensives et défensives.
Ce qui n'empêche nullement la coopération entre peuples éloignés. La répartition géographique d'objets montrent l'existence d'échanges, et la construction des mégalithes demande des techniques de construction complexes et suppose de grand rassemblement d'individus.
Se déplacer se fait d'abord à pied puis parfois en chariots et demande une certaine connaissance de l'espace. Les voyages par mer existent également, une certaine similitude entre les cultures par exemple de Bretagne et de Grande Bretagne en atteste.
On ne peut malgré la distance temporelle et l'impossibilité de connaître leurs motivations s'empêcher d'être troublée par une ressemblance entre les hommes du néolithique et nous. Outre le sens du sacré, l'existence déjà d'individus soucieux de leur prestige est incontestable à la vue de tombes individuelles très riches.

Le livre conclut sur notre figure nationale Vercingétorix.

Merci à Masse crique et aux éditions Belin pour le plaisir que j'ai pris à lire cet excellent et très bel ouvrage sur un sujet qui me passionne depuis l'enfance.
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Superbe et volumineux ouvrage de 600 pages (papier couché glacé) ! de très nombreuses et très belles photos et illustrations, croquis, cartes explicites et bien faites très intéressantes ...
Néanmoins, ce très beau livre représente une lecture soutenue et “de longue haleine”, pour notre part du moins, la seconde partie en particulier où Anne Lehoérff développe ce qui a amené “les tueries humaines organisées” appelées « guerres », manifestations assez récentes chez l'humain, vers le second millénaire av. J.-C.

Les différentes parties traitées du livre :
— Une première partie ; socle de notre histoire humaine européenne, comprenant le « paléolithique » : “Ancien” +/-1.000 000 d'années ; Moyen ou “Moustérien” +/-300 000 ans ; et « Supérieur » (récent) ou “Aurignacien” et “Solutréen/Magdalénien” +/- 45 000 ans.
Il y est décrit des “Ancêtres” beaucoup plus proche de notre humanité contemporaine que nous aurions été amenés à le supposer. le sens de leur propre “humanité” était ni plus ni moins le même que le nôtre aujourd'hui, dans la subtilité du sentiment, quand bien même les conditions de vies étaient très différentes et très rudes dans un environnement à l'état brut.
— Une seconde partie ; « Mésolithique/pré-Néolithique » +/-12 000 ans ; les trois périodes du « Néolithique » +/- 6 500 ans.
« La néolithisation introduit un rapport nouveau entre l'homme et son environnement. » (p. 110)
L'humain, qui jusqu'à ces époques vivait dans un forme d'osmose avec le “monde naturel” qui l'entourait n'interférait pas vraiment sur le déroulement de ses lieux de vie ; il n'opérait qu'un impact négligeable sur son environnement.
L'avènement de “l'agriculture” (sylviculture comprise), ayant au fil des siècles supprimé toute forme d'espace “naturel” en Europe occidentale, transformant en profondeur les paysages, dans le cadre d'une relation complexe, donnant également naissance à des espèces nouvelles, créant artificiellement par sa main, au terme de son travail de domestication sur les plantes et les animaux sauvages, cet “avènement” donc, a formulé un rapport à la nature inédit ! L'Humain devenait par induction et pour partie responsable de son environnement. Ce nouveau rapport allait tout bouleverser, “pour le meilleur et pour le pire”, selon la formule consacrée ! Si bien que cet Homme, “in fine” s'est lui-même “domestiqué” dans le processus de néolithisation... ! (p. 140)
D'où le questionnement de Marshall Sahlins (p. 117-18-19) :
« la naissance du monde agricole était-il un signe de progrès ou d'avilissement de l'homme ? »
Quoi qu'il en soit vers -5000/-2500 l'affirmation identitaire se développe à travers le social, la culture et la territorialité, et ce dans un temps et dans un espace.
— Une troisième partie concernant « l'Âge du Bronze » +/- 3 000 ans (1) ; l'apparition des « tueries organisées » appelées “guerres” et leurs développement dans l'économie des sociétés ...
— Et une quatrième et dernière partie, celle de « l'Âge du Fer » +/- 800 ans jusqu'à la “bataille d'Alésia” - 52. Celle-ci voit se confirmer l'option de “civilisation de guerres” dans la domination et d'appropriation, entrecoupée de périodes plus clémentes … dites de « paix » , les deux ayant leurs « victimes » … !
Anne Lehoérff y rétablit une certaine réalité quand aux « Celtes » (pages 465 – 67) et prétendus “Gaulois” (appellation péjorative de l'envahisseur militaire romain en référence au “gallinacé” [voir p. 498 ]*)
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* (du genre des “Sioux” [“petits serpents”, appellation donnée par leurs rivaux Chippewa] des « Lakotas », repris là aussi par l'envahisseur militaire des colons Américains les “Patriots” ... ou encore ; les « saami », le terme “lapon” de la racine « lapp » signifiant “porteur de haillons” en suédois.
(1) voir El Argar qui est un site archéologique de la culture dite « d'El Argar » (âge du bronze de 2300/2200 à 1400 environ avant notre ère), situé près de Antas (province d'Almería, Espagne).
À ce jour cette “civilisation” européenne est considérée comme ayant été la première à porter le témoignage d'une structuration d'un état politique ayant développé spécifiquement des armes en bronze et exclusivement pour asseoir son pouvoir et ses privilèges sur la population par un corps d'armée exerçant la violence contre le peuple pour nourrir son développement économique … Cela se termina par une révolte incendiaire générale, et cette expérience du néolithique disparue totalement …
Ceci est à méditer … !
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Ce cadeau Babelio-Belin tombe à pic pour enrichir une année qui a porté nos pas vers Canalettes (moustérien), la Caverne du Pont d'Arc (aurignacien) ou encore la grotte du Pas de Joulié (néolithique).

"La plus longue partie de l'évolution de l'homo sapiens s'est déroulée dans des formes de pensée qui nous sont devenues étrangères alors qu'elles restent sous-jacentes à une part importante de nos comportements." (19)

Et de fait, il offre des pistes pour déchiffrer, relier ces indices de cultures anciennes dont le mode d’emploi ne s’est pas transmis jusqu’à nous à notre courant de conscience actuel.

Le secret, pour espérer appréhender l'histoire de l'homme, semble être de se libérer d'une vision linéaire et forcément évolutive. Concevoir que les vies de Néandertal ou d'Homo Sapiens étaient déjà riches de culture et satisfaisantes en elles-mêmes oblige à remodeler nos perceptions.

"Né en 1930, aux Etats-Unis, Marshall Sahlins est l'une des figure emblématiques de l'anthropologie contemporaine. […] il occupe le devant de la scène de l'anthropologie économique et culturelle dès la publication de son ouvrage « Âge de pierre, âge d'abondance » […]. L'auteur s'attaque à une idée reçue, celle du monde impitoyable des chasseurs-cueilleurs, systématiquement envisagés comme des êtres soumis à un approvisionnement aléatoire et laborieux de leurs denrées alimentaires. Par une étude anthropologique sur des sociétés contemporaines […], il met en avant, par différents calculs, que le temps passé par un chasseur-cueilleur à acquérir sa nourriture était bien inférieur à celui que le paysan devait consacrer à la réussite de ses cultures et de son élevage." (118)

Au paléolithique, il est plutôt question de groupes disparates, vivant chacun selon une dynamique propre, même s’ils s’inscrivent dans une certaine globalité, que d’un modèle unique auquel auraient appartenu tous les êtres du type homo d’une même période. Il est frappant de constater qu’ensuite, dès le début de la sédentarisation, vers – 6 000, les populations européennes se répartissent en une multiplicité de cultures régionales. On devine, à travers l’investissement de l’espace, la naissance des rites, des identités, des croyances. L'auteur nous invite à repenser les mégalithes dans cette perspective comme des réalisations destinées aussi à servir et rassembler différentes communautés d'individus. Repères spatiaux ostentatoires dans un nouveau monde de territoires sans cartes où l'homme de la première Europe n'a jamais cessé d'être en mouvement.

"Durant des millénaires, la pointe occidentale du continent eurasien est une immensité de terres et de glaces sur des milliers de kilomètres carrés. La première histoire humaine de l'Europe est celle de migrations sur ces sols rendus inhospitaliers par la rigueur du climat. […] au rythme de la marche, l'Homme a occupé ces vastes espaces, s'établissant peu à peu, sans que ce soit nécessairement définitif. Se déplacer fait donc partie des fondements de l'histoire européenne." (226)

Mouvance des hommes, mouvance des ères culturelles, qui pendant longtemps n’ont pas correspondu aux frontières actuelles, mouvance des recherches scientifiques, Anne Lehoërff nous invite à cultiver un champs de connaissances et d’ignorances lucides qui permet de décrypter nos paysages actuels, assouplit les crispations identitaires et élargit notre vision de l’activité humaine sur un vaste horizon.

Pour l'heure, l'automne arrivant, temps des cueillettes sauvages et décoctions de sorcière campagnarde, je ne peux m'empêcher de faire un clin d'oeil à Ötzi qui, il y a 5 300 ans, avait dans ses paniers, une prunelle. Je vais quant à moi mettre les miennes à mariner en saumure…

[Lu dans le cadre de ces fabuleuses masses critiques]


Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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Troisième tome de cette série de grande qualité publiée chez Belin que je lis. Forcement, on devient exigeant... L'ouvrage est fidèle au reste de la collection dans sa présentation globale. C'est un très bel ouvrage, bien documenté notamment sur le côté iconographique. Là aussi, dans le droit fil des autres ouvrages, l'auteur s'efforce de rompre avec quelques clichés qui ont la vie dure mais qui sont pourtant plus connus que ce qui est avancé pour d'autres époques : non, les mégalithes n'ont rien à voir avec les druides et la civilisation celtique. L'âge du bronze n'a pas été synonyme de la fin du travail lithique, les deux matériaux ayant été travaillés aux mêmes époques parfois sur les mêmes aires géographiques. Néanderthal et homo sapiens se sont côtoyés et ont peut être diné ensemble....
Pour autant, je dois dire que certains points m'ont déçu. Tout d'abord la première partie du livre qui expose et décrit quelques oeuvres de ces temps lointains. Les oeuvres choisies sont parfois éloignées de plusieurs dizaines de siècle et l'on se demande quel est le fil conducteur choisi. Les comparer ne serte à rien. Second point : le livre est beaucoup plus descriptif qu'analytique. Il est vrai que le matériel archéologique se prête plus à la description, mais j'aurais quand même apprécié un recul analytique plus précis.Je regrette que le préhistoire et la civilisation celtique aient été traitées dans le même tome. Il y avait suffisamment d'éléments concernant cette dernière pour un faire un tome à part entière et du coup pour entrer plus dans les détails. Là, ça m'a paru trop résumé. le dossier en fin d'ouvrage comporte pas mal de redites et demandent quand même une approche assez scientifique sur les méthodes utilisées pour dater les objets notamment.
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En premier lieu, je m'excuse car je n'ai pas lu l'intégralité du livre suite à divers problème perso. Il faut aussi dire que c'est un très gros bébé.
Mais cet ouvrage m'avait déjà tapé dans l'oeil (aïe) en librairie et je pense honnetement que c'est un très bon livre.

Pour commencer, c'est vraiment un bel objet. Les pages sont agréables à tourner. Ensuite, l'ouvrage est richement illustrés, aussi bien d'objets, de sites que de divers graphiques qui nous permettent de comprendre les propos de l'autrice.

Pour le contenu, c'est plus compliqué car je ne suis même pas arrviée à la Néolithisation. Cependant, l'autrice ne se limite pas à un simple catalogue du genre : le solutréen date de tant à tant et se caractérise gnagnagna. C'est une approche plus globale, surtout qu'elle touche à l'Europe. Et je trouve cette approche plus ludique pour des néophites.
L'autrice ne prend pas forcément partie et n'hésite à dire si des hypothèses s'affrontent et si certains sujets se discutent en encore.
Cependant, le livre est assez pointu. J'ai peur que les néophytes se retrouver noyer sous une tonnes d'informations.

Voilà ce que je peux en dire pour le moment. L'avis est positif et j'espère avoir le temps de le finir pour vous offrir une chronique plus pointu (et pourquoi pas parler des petites coquilles qui se sont glissé dans le livre, hélas).
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Citations et extraits (52) Voir plus Ajouter une citation
LES NOTIONS D'ESPACE ET DE DISTANCE
Se représenter l'espace
Les divisions spatiales et territoriales actuelles sont des créations récentes, de quelques siècles tout au plus pour les frontières des États : une fraction de seconde à l'échelle de l'histoire du continent. Paradoxalement, l'Europe et ses milliers de kilomètres est un espace qui rend mieux compte d'une histoire inscrite dans la longue durée. Les milieux naturels ont été marqués par des changements majeurs depuis les premières implantations humaines, ou même depuis celle de notre ancêtre direct Homo sapiens: froid, glaciations et réchauffements successifs, création des mers actuelles, changement des traits de côtes, etc. sont autant de facteurs qui ont modelé son cadre de vie. Durant des millénaires, la pointe occidentale du continent eurasien est une immensité de terres et de glaces sur des milliers de kilomètres carrés. La première histoire humaine de l'Europe est celle de migrations sur ces sols rendus inhospitaliers par la rigueur du climat. Rien, pourtant, n'a arrêté son implantation. Au rythme de la marche, l'Homme a occupé ces vastes espaces, s'établissant peu à peu, sans que ce soit nécessairement définitif. Se déplacer fait donc bien partie des fondements de l'histoire européenne.
Lors de la fonte des glaciers et de la remontée des eaux, les mers se créent, selon des rythmes différents, de la Méditerranée à la Baltique. Le bloc compact se divise en terres séparées, isolées par des mers. Des promontoires et des îles se dessinent. Certaines régions comportent bientôt plus d'eau que de terres. Les espaces de l'Europe connaissent une mutation profonde. Le réchauffement, combiné à des facteurs culturels et sociaux, conduit les hommes vers un autre temps de leur histoire : la Néolithisation. Dans ces paysages nouveaux, l'homme s'approprie des sols qu'il se met à cultiver. Son rapport à l'espace et aux milieux change, mais sans que l'Europe ne s'immobilise. La néolithisation elle-même est le résultat de mouvements : des hommes, des plantes, des animaux. Elle est le fruit d'une propagation d'idées et de pratiques. Des individus se sont déplacés, on le sait avec certitude aujourd'hui, mais cela n'explique pas tout. Les terres européennes n'étaient pas vides. Il y a eu voyages et rencontres. L'Europe agricole a mis près d'un millénaire à se constituer, selon des rythmes parfois rapides, parfois beaucoup plus lents, une arythmie aujourd'hui clairement établie. Agriculteur attaché à son sol, l'homme n'est jamais devenu statique pour autant. Les terres ne se sont pas figées dans une sorte d'état “néolithisé” où les déplacements auraient cessé. Qu'importent les distances, les montagnes, les mers ou les fleuves à franchir ! Les sociétés sont mobiles.
p. 226
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Au terme des longs siècles de la Protohistoire, le cadre de vie d'aujourd'hui se fixe au cours de la période laténienne. C'est la naissance de la campagne que nous connaissons. Les derniers défrichements interviennent à la fin du Ier millénaire. Les paysages, déjà très transformés par l'homme au cours du Néolithique et de l'Âge du bronze, n'ont désormais plus rien de "naturel". L'empreinte humaine est partout, qu'il s'agisse de son intervention dans les espaces cultivés, les pâturages et même les espaces forestiers qu'il investit largement. Les campagnes sont donc des espaces très anthropopisés et fortement aménagés. Ce visage de l'Europe fut longtemps ignoré, masqué par une image erronée, héritée des sources textuelles antiques mal interprétées, et privées de données archéologiques qui auraient pu les infirmer. (481)
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Les céréales abondamment cultivées constituent une part majeure des végétaux consommés. Orge et amidonnier sont cuisinés sous forme de galettes cuites ou en bouillies. Les céréales, tels que l'épeautre et le froment, panifiables (avec gluten), peuvent servir à la confection de pains. Les légumineuses, préparées seules, dans des soupes ou des ragoûts, associées à des céréales, sont variées, mais très inégalement consommées selon les régions : lentille, pois, féverole, vesce, ers, gesse. Les légumes racines comme la carotte sont présents; le lin, le pavot et la caméline sont cultivés pour leurs graines oléagineuses. Les plantes aromatiques ne sont pas oubliées, avec la moutarde noire, le fenouil, la coriandre. Dans le midi, les olives sont également sur la table. Les fruits ne sont pas oubliés, sauvages pour une part, et très tributaires des milieux : noisettes, pommes, mûres, prunes, figues, raisin, prunelles, etc.
La consommation de protéines animales est complétée par des laitages (dont les fromages), des œufs. Parmi les produits sauvages les plus consommés, avec de fortes variations selon les régions et les milieux, figurent le poisson, les fruits de mer, les gastéropodes. Les traces sur les os démontrent l'existence de pratiques de boucherie assez standardisées et suffisamment complexes pour supposer que la découpe devait être, au moins en partie, effectuée par des bouchers spécialisés, peut-être dans des ateliers pour certains morceaux. Produire en masse, transporter des pièces de viande d'un lieu à un autre suppose des moyens de conservation adaptés. Les ateliers de saunerie pérennes se multiplient à partir du IIIe siècle. Le sel conserve les viandes et la salaison confère une saveur particulière aux préparations. Visiblement, au vu des restes osseux, le jambon cru, salé, faisait déjà partie des menus de fête.
Au cours d'un repas, non seulement on mange, mais on boit! Les préparations de liquides à partir de végétaux fermentés, et donc de boissons alcoolisées, sont aussi anciennes que l'agriculture elle-même. Deux d'entre elles retiennent l'attention : d'abord, les céréales fermentées qui donnent naissance aux breuvages de type bière. La production locale devait concerner une large partie de l'Europe moyenne et septentrionale. La production de vin est en revanche restreinte. Les populations de l'Europe laténienne ont été des consommateurs mais marginalement des producteurs.
[…]
Toutefois, au regard des tonnes de fragments d'amphores mises au jour jusque dans les Îles britanniques ou en Bretagne, des solutions techniques pour le transport du vin ont effectivement été trouvées et les Celtes n'ont pas bu que de l'eau ou du lait !
p. 495
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À partir du Néolithique, les données factuelles deviennent à la fois plus conséquentes et les raisons de guerre sans doute plus variées. La néolithisation entraîne en Europe la mise en culture de territoires où l'homme s'installe et produit des stocks. Cette réalité a conduit à des migrations d'individus et à des implantations nouvelles dans des régions déjà occupées par des populations mésolithiques; il n'est pas certain que la rencontre entre les populations locales et les nouveaux arrivants ait toujours été pacifique. Les colons ont occupé des terres, bousculé les équilibres entre l'homme et le milieu en introduisant de nouveaux modes de vie et de subsistance. Sur le long terme, avec le développement de l'agriculture, d'une manière ou d'une autre, il y a eu appropriation des terres (le cultivateur, ou un autre membre du groupe) et création d'une forme de richesse. Naît ainsi une nouvelle et double motivation potentielle de guerre : occuper une bonne terre agricole et récupérer le fruit du travail d'autrui.
Les seules sources archéologiques ne sont pas en mesure de livrer ni la liste des conflits, ni leurs dates. Toutefois, leur augmentation et leur diversification permettent de percevoir la réalité des combats, à partir de -6000 environ en Europe, ainsi qu'un changement dans la conception de la guerre au sein de ces sociétés.
Pendant de nombreuses années, le paysan du Néolithique ancien a été envisagé sous un jour paisible et solidaire de ses voisins dans la mise en culture des terres. En 1950, la fouille de la grotte de Tiefenellern (Bavière), où se trouvaient les restes épars d'une quarantaine d'individus parmi les divers rejets, avait étonné mais était restée interprétée comme un cas marginal. Au début des années 1980, une découverte dans le Bade-Wurtemberg bouscula l'image de cet agriculteur sans histoire. Dans une fosse à Talheim, furent découverts les corps d'un véritable massacre remontant à -5000 environ. Les ossements fortement entremêlés de dix-huit adultes et de seize enfants portaient les traces d'une violence soulignant l'acharnement des assaillants qui les avaient mis à mort. Une étude fine des traces de coups démontrait que les victimes avaient été attaquées dans le dos, sans doute en tentant de s'enfuir, et parfois exécutées alors qu'elles étaient à terre. Les analyses ADN attestaient des liens de parenté entre les enfants et les adultes. L'absence de très jeunes enfants (les nouveau-nés jusqu'à quatre ans) reste inexpliquée. Une tuerie ne fait pas une guerre, mais elle met à mal l'image du pacifique paysan du Néolithique.
p. 312
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Chaque “époque” s'inscrit dans un mouvement double de ruptures et de continuités, arythmiques, d'ampleur et de nature variable. Ces divisions du temps reposent sur une réalité historique et matérielle, que l'archéologie repère, qui constituent des conventions commodes pour ordonner l'histoire des hommes en phases successives. « L'Âge du fer européen » s'y conforme : le terme remonte, on l'a vu, au XIXe siècle, sous la plume de Thomsen, et lui a survécu jusqu'à aujourd'hui, partagé par le Suédois Hans Hildebrand (1842-1913) en 1874, en deux âges du fer de durée à peu près équivalente, le premier (-900/-800 à -500 environ) et le second (-500/-52 pour la Gaule).
Cet “Âge” repose sur une réalité technique, l'introduction du fer aux côtés des autres métaux. À lui seul, ce métal ne saurait cependant révolutionner l'ensemble de la vie des sociétés. Les changements du premier millénaire avant notre ère recouvrent un ensemble de réalités en différents territoires d'Europe, autant méridionales que septentrionales, qui laissent deviner des phénomènes et des productions nouveaux, sur le substrat d'un monde agricole, pierre angulaire du système, que l'archéologie tente d'approcher désormais au plus près.
p. 381
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Vidéo de Anne Lehoërff
Table ronde proposée par le Conseil Scientifique Avec Emmanuel LAURENTIN, Anne LEHOERFF, Grégor MARCHAND, Catherine PERLÈS De la Manche aux rivages du Canada, de la Grèce à la péninsule arabique, l'archéologie de ces trente dernières années a renouvelé les connaissances sur les rapports à la mer des populations préhistoriques. Routes commerciales ou de conquête, transferts de savoir-faire, populations migrantes: les fouilles les plus récentes montrent l'ampleur des itinéraires et leur complexité. Pour que le peuplement de la terre ait eu lieu, il faut que les hommes et les femmes aient navigué, seuls, en groupes, avec leurs troupeaux et leurs céréales, leurs outils et leurs connaissances à la découverte de nouveaux espaces.
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