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Critique de latina


« A la guerre, on veut des morts franches, héroïques et définitives, c’est pour cette raison que les blessés, on les supporte, mais qu’au fond, on ne les aime pas ».

Eh non, on ne les aime pas ! C’est pas le lieutenant d’Aulnay-Pradelle qui vous contredira cette phrase ! Car le lieutenant Pradelle est un homme ignoble, un homme comme on n’en fait plus, croyez-moi, ou bien essayez de me croire. En précipitant Albert en haut d’un trou profond et boueux de ces tranchées du Nord, dans le but de le tuer, il a envoyé sa vie dans un gouffre sans fin, il en a fait un blessé du cœur. « A la manière de ces hommes qui étaient restés courbés pendant 4 ans sous la mitraille et qui, au sens propre du terme, ne s’en relèveraient plus et marcheraient ainsi leur existence entière avec ce poids invisible sur les épaules, Albert sentait que quelque chose ne reviendrait jamais : la sérénité ».
Et non seulement Pradelle n’aime pas Albert, mais il va détester aussi celui qui l’a sauvé d’une mort d’asphyxié : Edouard, car celui-ci n’en réchappera qu’à grand-peine, à coup de gueule cassée et de jambe claudicante.
Ces 2 grands blessés vont devoir traverser l’après-guerre et son cortège de promesses gouvernementales non tenues, de grandes compromissions, de saletés, de jalousies, d’incompréhensions. Oui, pour eux, ... c’est cela la Victoire. Jusqu’au stratagème incroyable imaginé par l’un des deux...

Avec une dérision époustouflante, Pierre Lemaître décrit une France d’apocalypse, des vies cassées, des « héros arrogants et laids ».
Avec une familiarité débonnaire, il nous prend à partie, nous les lecteurs, pour nous obliger à regarder ce qui est non regardable.
Avec une tendresse émouvante, il relate la prise en charge quasi maternelle d’un pauvre soldat atrocement mutilé dans son corps et donc dans son âme, par son compagnon de misère auquel il s’est trouvé enchaîné dans un mouvement de bonté instinctive.
Avec une maestria incroyable, il nous montre le choc de destins familiaux et militaires.
Avec un sens du suspens et du retournement de situations hors du commun, il nous raconte une histoire passionnante où le dévouement côtoie la méchanceté pure, où le cynisme des uns est confronté au sens du devoir des autres.

Pierre Lemaître a du génie, c’est indéniable ! Je m’en suis régalée, j’ai adoré, vibré, je me suis révoltée, ça je peux vous l’affirmer, et...j’ai ri, oui, j’ai ri !
Alors citez-moi un écrivain qui puisse susciter autant d’émotions contradictoires sur un sujet aussi tragique...Je n’en connais pas beaucoup. C’est pour cela que je lui attribue mon prix Goncourt.
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