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Critique de Eric75


Ce petit recueil de chroniques à coloration scientifique est à classer clairement dans le sous-genre « histoire des sciences » plutôt que dans celui de la « vulgarisation scientifique ». On ne trouvera ici aucune explication de fond sur les controverses, ou sur l'importance et le caractère révolutionnaire des découvertes. Laurent Lemire, qui n'est après tout qu'un simple journaliste, se contente d'exposer brièvement la biographie plus ou moins romancée de 20 savants, avec le récit plus ou moins anecdotique de l'émergence de leurs idées, dont le chemin de croix avant de se trouver une place au soleil fut parfois long et difficile.

Le titre peut s'avérer trompeur. Connus ou méconnus, les savants en question n'ont pas tous souffert d'une absence de reconnaissance, leurs découvertes étant d'ailleurs parfois parfaitement admises à leur époque, dans les cercles initiés. Les scientifiques fuient généralement les feux de la rampe et certains découvreurs préfèrent même reculer et s'abriter confortablement derrière les dogmes communément admis. La discrétion, l'humilité ou le sens des convenances peuvent être à l'origine de la mise à l'écart de leurs théories, jugés trop audacieuses. Ailleurs, il peut s'agir de la durée normale de maturation, entre la théorisation d'une idée et la mise en oeuvre de ses retombées pratiques, il convient d'être patient. Les raisons du « trop tôt » peuvent donc correspondre à des réalités diverses. Petit tour d'horizon.

Pour Laurent Lemire, ils auraient eu raison trop tôt, ces savants iconoclastes, qui se sont heurtés aux dogmes de leur époque – politiques, religieux, institutionnels… – mais qui préfèrent faire profil bas et rester dans l'ombre pour ne choquer personne. Nicolas Copernic et sa théorie de l'héliocentrisme est une parfaite illustration de cette catégorie, Francesco Redi et son refus de la génération spontanée également.

Ils auraient eu raison trop tôt, ces savant célèbres dont les découvertes principales ont éclipsé les autres inventions, passées inaperçues. Entrent dans cette catégorie Léonard de Vinci et ses études anatomiques oubliées, Poincaré et ses prémices de la relativité (coiffé sur le poteau par Albert Einstein qui a su interpréter le premier les conséquences de la théorie), Svante August Arrhenius, chimiste reconnu qui imagina l'effet de serre.

Ils auraient eu raison trop tôt, ces savants théoriciens qui ont dû attendre longtemps la preuve expérimentale de leur idée, bloquée durant des années au stade de la conjecture non vérifiée. C'est le cas de Maupertuis et son principe de moindre action, redécouvert avec la physique quantique, de Georges Lemaître et son Big-bang, de Peter Higgs et son boson (qui lui vaudra un prix Nobel en 2013).

Ils auraient eu raison trop tôt, ces savants farfelus qui ont tout tenté par principe, et qui sont quelques fois tombés sur un truc sérieux. le côté artiste et loufoque de ces savants a nui gravement à leur crédibilité, comme ont pu le constater Franz Nopcsa, l'excentrique baron passionné de dinosaures, Charles Wilson, l'inventeur d'un piège à nuages (la chambre à brouillard, premier détecteur de particules qui lui vaudra le prix Nobel de physique en 1927), Fritz Zwicky, irascible découvreur de supernovae, et Thomas Gold, l'infatigable touche-à-tout partisan de la théorie de l'état stationnaire et du pétrole abiotique (et qui n'avait donc pas toujours raison, pour le coup).

Ils auraient eu raison trop tôt, ces savants isolés, ermites ou fous, qui ne disposaient d'aucun relai de communication, leurs expérimentations étant menées au mauvais moment et au mauvais endroit. Vladimir Vernadski et sa biosphère n'auraient pas dû être russes. Alfred Wegener et sa dérive des continents n'auraient pas dû être allemands. André Bloch chercheur en mathématiques n'aurait pas dû… se trouver dans un asile de fous !

Ils auraient eu raison trop tôt, ces savants militants qui se sont battus pour leurs idées, non reconnues par leurs pairs, et que la postérité a redécouvert beaucoup plus tard, dans le regret des années perdues et des occasions manquées. Ces derniers cas justifient à eux seuls le titre de l'essai et correspondent à André Vésale et sa technique de dissection de cadavres, à Ignace Semmelweis et son principe d'asepsie, à Gregor Mendel et sa théorie de la génétique, à Ernest Duchesne et sa conception de l'antibiothérapie, ainsi qu'à Rachel Carson, la première lanceuse d'alerte écologiste.

Les chapitres de cet essai étant assez courts, le lecteur curieux sera amené, pour en savoir plus, à devoir consulter d'autres ouvrages parlant des découvertes qui ont pu retenir son attention. Disons qu'il ne s'agit ici que d'une mise en bouche destinée à nous faire rencontrer (parfois pour la première fois) ces savants. Je pense que l'auteur n'avait d'ailleurs pas d'autres ambitions concernant cette publication. Pour le lecteur qui aime ce genre de rencontre, façon « speed dating », ce n'est déjà pas si mal.
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