Fugue bleue

"Pour préparer l'hiver à l'intérieur de moi,j'ai résolu d'apprendre,à mes moments perdus les préludes et les fugues du 'clavier bien tempéré'" confie Frédéric le Guern, un vétérinaire quadragénaire solitaire et hostile au mariage, dépressif depuis la lecture d'un entrefilet dans le journal de la presqu'île évoquant la noyade par suicide d'une cliente juste croisée lors des soins de ses chats.
A la manière de Glenn Gould qui "chantonne Bach" la directrice d'école disparue était une novatrice. "Idées utopiques sur l'enseignement", idéalisme, cette célibataire sans enfants, suite à quelques maladresses a suscité méfiance,malveillances,calomnie et rejet. Et lui,ce timide perclus de regrets qui la connaissait sans plus,tombe amoureux rétrospectivement de cette morte qu'il aurait pu aimer. C'est dans la Fugue bleue captée dans la musique du musicien mort, les turquoises de la mer lors de marches à pied interminables et les mots retranscrits sur un carnet que ce vétérinaire triste trouvera l'apaisement. La prose poétique de Anne-José Lemonnier s'envole limpide comme une musique enchantée qui défie la mort.
La presqu'île devient "ma sainte,mon ange gardien,agenouillée sur un tapis de turquoises", les murs sont "ancrés d'enfance",la souffrance a "des griffes"...les images poétiques foisonnent mais l'on se balade plus sur de jolis mots que dans une véritable souffrance.
L'homme amoureux d'une morte ne pleure-t-il pas sur sa propre vie gâchée?
L'obsession et ses motivations restent floues et nous entrainent dans des brumes bretonnes solitaires et inconnues.