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EAN : 9781090724083
Monsieur Toussaint Louverture (30/11/-1)
3.84/5   171 notes
Résumé :
Publié à l’aube du vingt et unième siècle, Mailman, road movie existentiel et méchamment drôle, marque la naissance d’une nouvelle révélation de la littérature américaine.

Avec ce roman tendu comme un arc, J. Robert Lennon nous entraîne – de New York à la Floride en passant par le Kazakhstan – dans l’univers d’Albert Lippincott, dit Mailman. Facteur dévoué et maniaque d’une petite ville américaine, Mailman a ses petits secrets: l’habitude compulsive ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
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Quel drôle de type que cet Albert dit Mailman, facteur d’une petit ville américaine qui ne peut sortir du lit qu’après avoir mâchonné des grains de riz complet cru tout en gardant les yeux fermés. Une vie ritualisée. Une monotonie rassurante établie entre la maison, ses tournées de distribution du courrier et le café de Graham, dressant des remparts invisibles contre les sentiments d’irritation et d’angoisse qui assiègent régulièrement son esprit.
Car Mailman est ce personnage de cinquante-sept ans qui s’impose à nous avec ses démons d’enfants, un homme submergé par ses émotions et son imagination qui vit reclus dans une solitude qui est à la fois son refuge et sa prison, un être abîmé jusque dans ses viscères, "quelque chose pourrit en [lui]" et "risque de bientôt contaminer toute [sa] personne".
Mais il vient forcément un jour où Albert ne parvient plus à se maintenir en équilibre sur la ligne de crête qu’il a érigé, la certitude de la chute se faisant plus forte le jour où il ne distribue pas une lettre à temps. Tel un paumé magnifique, il part, prenant précipitamment une route que lui-seul pouvait décider d’emprunter, celle de la rédemption ou de la déperdition. On espère le voir accéder à une sérénité, ou simplement prendre conscience qu’il a été un fugitif à sa propre existence, un homme absent à ses amours, à sa santé, un homme absent à lui-même…


Dans ce roman éclatant et ténébreux, J. Robert Lennon façonne lentement l’histoire, laissant le temps à ce personnage retranché dans sa vie intérieure de se dessiner un périple. Il tâtonne, se perd, on observe les errances d’un homme intelligent et lucide, mais prisonnier de ses souvenirs sous l’effet d’un double mouvement dans le récit. Celui de la plume habile de l’auteur qui comprime et dilate le temps laissant les fêlures du passé s’entrechoquer et entrer en résonance les unes avec les autres.
Avec un style ferme et serein et une belle sincérité, l’auteur américain nous remet ainsi l’intimité secrète et fragile de cet homme que l’on qualifierait vraisemblablement de maniaco-dépressif. Mis à nu, ce n’est pas beau à voir mais Albert apparaît tel qu’il est : un homme vulnérable.
Roman efficace et profond, mélancolique et moqueur, le dénouement est toutefois quel que peu poussif.
Très belle lecture.
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« Mailmaaaaaaaaan, Bring me no more bluuuuuuuuues » chantait John Lennon.

Le Mailman de John Robert Lennon ( Le Robert est important sinon on ne s'y retrouve plus) apporte le blues mais il l'a lui aussi, le blues, et pas qu'un peu.
Albert Lippincott, alias Mailman, est un facteur pas bien heureux dans sa vie. Une vie qu'il a monotone et qu'il estime avoir complètement ratée. Alors pour se distraire, il lit le courrier qu'il doit distribuer, en fait des photocopies, les classe et les collectionne, façon de combler sa vie ennuyeuse avec celle des autres.
Sauf qu'un jour, il retient une lettre un peu trop longtemps et apprends que son destinataire s'est suicidé. Mailman est-il responsable ? Où sa curiosité va-t-elle le mener ?

Dans un premier temps, elle le mènera à faire un retour sur sa vie, sur son expérience en tant que bénévole dans une bourgade paumée du fin fonds du Kazakhstan, sur son travail, ses études, sur son mariage, son enfance, sa relation avec ses parents et sa soeur mais aussi avec ses chats. L'occasion pour John Robert Lennon de faire des va-et-vient entre le passé et le présent mais sans jamais perdre le lecteur, le tout sur un ton fluide et avec humour s'il vous plaît.

J'ai beaucoup apprécié les péripéties de notre drôle de facteur. Mailman est très particulier dans son genre et on s'attache facilement à lui. le tour de force de John Robert Lennon est de nous faire entrer dans l'intimité et la tête de Mailman, de voir à travers ses yeux le regard désabusé qu'il porte sur les personnes et la société qui l'entourent. Un regard désabusé mais acéré et fortement critique voire parfois exagéré.

« Mailman resta planté là avec son carnet de contraventions ; le PV qu'il venait de rédiger voletait sur le trottoir. Nom de dieu de bordel de merde ! où étaient passés la gratitude, le bonheur d'être né dans le pays le plus riche du monde, l'émerveillement devant les incroyables ressources du système éducatif américain ? le sale petit ingrat ! Et le terme était parfaitement choisi : pour des gamins comme celui-ci, ni les parents ni la hiérarchie n'importaient, ils n'avaient pas la moindre conscience que des gens avant eux avaient dû lutter, travailler, souffrir, se battre et même mourir pour qu'ils puissent glander dans leur chambre, à picoler des bières et à jouer à Super Mario toute la sainte journée ! Les petits enfoirés ! le genre à aller se plaindre au doyen parce que leur esclavagiste de prof nazi leur a mis à peine la moyenne ! A organiser un piquet de grève devant le bureau du président pour protester contre le règlement concernant la consommation de boissons alcoolisées sur le campus ! »

Il ne se gêne d'ailleurs pas pour exprimer bien haut ses opinions, ce qui lui vaudra quelques déboires et situations cocasses qui ne sont pas pour nous déplaire à nous, lecteurs. Mailman n'est pas toujours fier de ce qu'il est ni de ce qu'il fait et c'est ce qui le rend si attendrissant à mes yeux.

Pourtant il m'aura manqué ce petit quelque chose pour en faire un coup de coeur, le truc surprenant, la petite gifle au détour d'une page, comme pour Karoo, roman avec lequel je ne peux m'empêcher de faire un rapprochement.

Bref, Mailman, c'est tout simplement le récit de la vie d'un pauvre type banal qui n'a pas su saisir ses chances et qui le réalise trop tard. La fin, que j'ai trouvée magnifique, sonne comme un écho à sa vie, Mailman devient :

« Mr Sandman, Bring me a dream … »


Lien : http://0z.fr/7hO54
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Albert Lippincott est habité par son métier de facteur au point de ne vivre que pour le bonheur de distribuer le courrier, pas seulement de le distribuer d'ailleurs !

Bien souvent, sa passion le pousse à dérober quelques lettres par-ci, par-là, à les photocopier pour les lire et les relire avant de soigneusement les classer.

« Ce frisson d'ouvrir une lettre sans la détruire, d'en extraire le contenu sans offenser personne, de voir sans être vu. Il savoure tout autant la conquête que la victoire »

Mais, notre homme est consciencieux et, une lettre DOIT être distribuée, aucun problème, il sait décacheter une enveloppe et la recoller sans dommage et lorsque celle-ci ne résiste pas au traitement, qu'à cela ne tienne, les services postaux ont prévus ces « accidents de manipulation » et les excuses qui vont avec !

Sous des airs faussement comiques, ce roman est l'histoire d'une solitude, Albert est divorcé, sans enfant, sans amis.
Il faut dire qu'il n'a pas grand-chose pour lui ce pauvre garçon, un caractère de cochon, parano, dépressif, incapable d'aimer.
Sa façon à lui de s'échapper à une vie monotone est de se réfugier dans celle des autres.

J. Robert Lennon décortique ses moindres faits, gestes ou pensées au point de nous immerger dans la tête de ce personnage hors-norme.

J'ai apprécié cette étude psychologique minutieuse même si j'ai parfois éprouvé un léger agacement par une foultitude de détails souvent inutiles.

« Mailman » est un roman qui demande une certaine patience, il faut accepter une mise en place d'environ 250 pages avant d'y trouver un réel intérêt.
L'écriture fluide et précise de J.Robert Lennon en rend cependant la lecture de facile et agréable.



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Albert Lippincott, dit Mailman, est facteur à Nestor, petite bourgade de l'état de New York. Mais Mailman n'est pas un facteur comme les autres. C'est un facteur qui aime lire le courrier avant de le distribuer. Il photocopie les missives après les avoir ouvertes à la vapeur. Une sale manie qui va bien sûr entraîner sa perte. Il faut dire que Mailman est un excentrique doublé d'un maniaque. Il a séjourné quelques temps à l'hôpital psychiatrique, où il a rencontré une infirmière qui est devenue sa femme avant de divorcer et de refaire sa vie avec un médecin. Il entretient une relation particulièrement ambiguë avec sa grande soeur, il déteste les chats, qui le lui rendent bien, il s'est lancé un temps dans l'humanitaire au Kazakhstan (le fiasco total) et il sent depuis peu une grosseur sous son bras qui l'inquiète au plus haut point. Bref, Mailman est un drôle de loustic un peu paumé, un homme qui semble ne rien comprendre au monde et aux gens.

« Il se dit qu'il n'a ni passé ni avenir, qu'il n'y a plus de kilomètres parcourus ni de kilomètres à parcourir, qu'il n'attend plus rien, qu'il n'a plus honte de rien. » Et pourtant, il aurait de quoi avoir honte, Mailman, parce que des casseroles, il s'en trimballe un sacré paquet : la fois où sa mère lui a définitivement fait passer le goût de la masturbation, la fois où il s'est fait choper devant un site porno sur un ordi de la bibliothèque municipale, la fois où il s'est retrouvé devant une classe au Kazakhstan, et tant d'autres encore… Ce personnage pourrait être tout droit sorti d'un roman de John Kennedy Toole, même si je l'ai trouvé moins charismatique que le Ignatius Reilly de la conjuration des imbéciles. Il possède néanmoins ce coté misanthrope, ce coté gaffeur maladroit, cette dimension tragi-comique, cette image de looser permanent qui caractérise le héros de Toole. Son combat est perdu d'avance. D'ailleurs, contre qui, contre quoi se bat-il ? Uniquement contre lui-même sans doute, c'est pour cela qu'il n'a aucune chance de gagner.

Un roman drôle, très drôle même, mais pas que. Un roman tragique et au final terriblement pessimiste, mais pas que. Un roman où l'Amérique semble habitée par une population au mieux névrosée, au pire totalement cintrée. Bref, j'ai adoré. A part la fin qui, je dois l'avouer, ne m'a pas plu du tout. Et puis ce pavé aurait mérité quelques coupes franches (je parie que cela ne vous étonne pas venant de moi), certaines anecdotes n'ayant pas grand intérêt. Mais bon, ça reste la littérature US décomplexée que j'aime tant.

Encore une bonne pioche pour les éditions « Monsieur Toussaint Louverture », dont le catalogue regorge déjà de nombre de pépites. En plus, ce qui ne gâche rien, l'objet livre est vraiment magnifique. Un régal de manipuler un ouvrage façonné avec autant de soin.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Bienvenue à Nestor, « petite bourgade » de l'État de New York : ses 25 000 habitants, ses rives du lac Onteo, sa poste et son facteur, Mailman, 57 ans, célibataire à la vie atypique et incompréhensible pour le commun des mortels.

Sa passion : détourner les lettres qu'il distribue, pour entrevoir des bouts de vie de ces gens qu'il ne fait que croiser le plus souvent. Avant de les refermer artistiquement puis de les redistribuer, ni vu, ni connu. Enfin la plupart du temps…

Mais un jour, avant qu'il n'ait eu le temps de remettre une lettre, son destinataire est retrouvé mort, apparemment suicidé. Et la vie de Mailman va basculer : « Une simple lettre ridicule, truffée de faites d'orthographe, peut-elle soulager une vie de dépression et de folie ? »

Mailman va alors prendre la route pour fuir Nestor et une vie qui n'a plus de sens, si tant est qu'elle en ait eu un jour. Une fuite révélatrice, à défaut d'être salvatrice : « le problème, c'est lui, Mailman (…) il se demande pourquoi il n'a jamais tiré de leçons de cette révélation. »

Mailman de J. Robert Lennon, traduit par Marie Chabin est un drôle de livre, complexe, dense, dont je ressors avec l'impression d'être un peu passé à côté faute d'intérêt total pour cet antihéros névrosé, aux rapports ambigus avec les femmes à commencer par sa soeur.

C'est pourtant bien écrit, avec une approche un brin cynique qui n'est normalement pas pour me déplaire et qui vire au conte initiatique à la fin, mais cette distance avec le personnage central m'a parfois fait trouver le temps un peu long.

Reste, une fois de plus, un très joli travail éditorial réalisé par Monsieur Toussaint Louverture.
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critiques presse (3)
Telerama
19 mars 2014
Le tour de force de ce livre est de donner tant d'éclat à cette transparence inéluctable.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaLibreBelgique
19 février 2014
Avec J. Robert Lennon, on goûte à une comédie noire comme on en lit peu. D’une destinée chaotique, inaccomplie, il tire l’essence dramatique sans renoncer à l’humour.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Culturebox
14 février 2014
Ce gros roman décrit l’errance d’un facteur perclus d’obsessions, aussi névrosé qu’attachant. Un bijou.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Et Dieu, à ce qu’on raconte, créa la Terre. Au commencement, pas vraiment de quoi crier au génie : une nébuleuse de vapeur grise, avec quelques vagues traînées de boue sur une surface informe. Une toile vierge. Dieu l’examina, décida que cela ferait l’affaire et se lança dans les détails. Il lui fallait tenir la terre d’une main – de Ses énormes doigts moites – pendant que l’autre barbouillait le tout, ajoutant ça et là, de petites touches de couleur, et tandis qu’elle travaillait aux finitions – à l’Amazone et à l’Himalaya, aux immenses forets et aux océans, aux grandes plaines et aux steppes, aux basses terres et aux sommets enneigés -, la première main, de son côté, s’enfonçait dans la matière pour la façonner, soulevant et modelant des collines boueuses dans la roche tendre, creusant de sombres et humides tranchées. Lorsque le Créateur en eut assez d’oeuvrer alors, Il jetta un dernier coup d’oeil sur ce monde vierge, inspecta tout ce que Sa colossale paluche avait accompli et songea qu’il serait bon d’y ajouter un peu d’eau. Ainsi naquirent les lacs Finger.

Mais si ces lacs sont effectivement les lacs du Créateur (ne nous soucions pas, pour le moment, de ce que pourrait impliquer l’idée d’un Dieu à sept doigts), alors, celui-ci le lac Onteo, le plus long et le plus profond, ne peut être que la marque du majeur, message inconscient des habitants de la Terre à l’intention de toute autre forme de vie intelligente : le plus grand doigt d’honneur de l’univers connu. Ou alors est-ce là un message que Dieu nous adresse, signal qu’il s’en est allé vers de plus vertes vallées. Peut-être aussi n’était ce qu’une ébauche exécutée à la va-vite et balancée avec le même empressement dans l’arrière cour de la galaxie, comme une plante d’appartement abandonnée là pour y crever. Peut-être le monde n’était-il pas censé prendre racine et se développer de manière aussi répugnante. Et lorsque le printemps viendra, peut-être que le Créateur s’en apercevra et qu’Il ricanera doucement avant de mettre un terme à cette misérable existence.

http://lecoutecoeur.wordpress.com/2014/03/06/le-plus-grand-doigt-dhonneur-de-lunivers-connu-mailman/
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En pleine journée, hier, quelqu'un a arraché le coffre où est stocké l'argent des pénalités de retard. Bien fait pour eux. Jamais il n'a fréquenté de bibliothèque avec une politique de retour aussi tatillonne, ils vous interdisent d'emprunter le moindre livre jusqu'à ce que vous ayez réglé toutes vos pénalités, même si vous n'avez jamais eu de problème auparavant, même si vous ne devez que cinquante cents. Et le jour où vous vous pointez au bureau d'accueil pour régler enfin votre dû, il n'y a personne pour s'occuper de vous et vous êtes obligé de poireauter, ou bien la personne derrière le comptoir vous balance: 'Je ne peux pas m'en occuper maintenant, l'ordinateur est en panne' ou bien 'Je vais vous demander de revenir demain, nous avons déjà comptabilisé les amendes de la journée et il nous est impossible d'en encaisser d'autres.' Sans doute est-ce ce qui s'est passé, quelqu'un a dû venir régler son amende, il n'y avait personne au comptoir et quand il en a eu marre d'attendre, il s'est dirigé vers le coffre pour y glisser l'argent et a pensé soudain: Non, je vais l'embarquer, ce coffre, je le mérite autant qu'un autre. Eh bien, chapeau bas, mec!
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Il n’avait jamais voulu avoir de chat ni même imaginé qu’il en aurait jusqu’au jour où Lenore en avait ramené un ; elle l’avait récupéré au labo de biologie médicale où on devait l’euthanasier. Un chaton. Ça faisait un bail que Lenore l’avait largué pour partir vivre avec son toubib, mais le bon docteur était allergique, le chat avait le poil long et Lenore avait gentiment demandé à Mailman s’il acceptait de s’en occuper quelque temps, dire que ces salauds voulaient l’assassiner, elle passerait régulièrement pour s’assurer que tout allait bien en attendant de lui trouver un foyer définitif. Au fait, elle l’avait baptisé McChesney. […] Le truc –qui était en réalité une femelle, mais que Mailman préférait considérer comme une simple chose, une sorte de bibelot ambulant, un gadget qui passe son temps à chier-, prenait, prenait, prenait sans jamais rien donner en retour, cette bestiole était totalement dépourvue de loyauté, de morale ou de sens des responsabilités. La seule qualité qu’on pouvait lui accorder, c’était son hygiène irréprochable : elle faisait très souvent sa toilette, de manière presque compulsive, surtout l’été, la période où elle aimait chasser les écureuils sur la pelouse pour les ramener dans la maison et les torturer en cachette jusqu’à ce qu’ils rendent leur dernier soupir. Il avait gardé ce chat une douzaine d’années, vivant seul avec lui dans cette maison qu’il partageait autrefois avec Lenore, jusqu’à l’automne dernier, où il avait fini par en avoir assez.
On aurait raisonnablement pu penser qu’un chat d’un âge aussi avancé commencerait à se calmer, qu’il ne s’enfuirait plus comme un dératé chaque fois que Mailman entrerait dans la pièce et qu’il cesserait de renifler sa nourriture pendant dix minutes avant de consentir à avaler une croquette. Mais non. Au lieu de ça, comme n’importe quel être humain, le chat s’enferra dans ses mauvaises habitudes et en pris même d’autres, tout aussi mauvaises, qui, bien que totalement nouvelles, s’accordaient parfaitement avec sa personnalité, comme par exemple de refuser sa litière, préférant demander à sortir afin de se soulager dans le jardin du voisin (qui n’a rien de plus propre, soit dit en passant), rituel auquel il se prêtait tant et tant de fois au cours de la nuit que Mailman ne se donnait même plus la peine de retourner se coucher une fois entamé le cycle d’ouverture et de fermeture de la porte d’entrée. Au plus fort de ce petit manège, il ne grappillait pas plus (comme la nuit dernière !) de trois heures de sommeil par nuit, autant dire qu’il la passait blanche. Ses rêves raisonnaient de miaulements monstrueusement déformés, et lorsqu’il parvenait à se traîner comme un zombi jusqu’à la porte, c’était pour se rendre compte qu’il ne s’agissait que d’une fausse alerte.
[…] La situation lui étant devenue insupportable, il considéra qu’il n’avait pas d’autre solution que de se débarrasser de McChesney, coûte que coûte. Une nuit donc, il quitta son lit, poussa le chat dans sa cage, prit sa voiture, roula une bonne vingtaine de kilomètres en direction de la campagne et abandonna le chat dans un champ. Tout simplement. Quelqu’un le trouverait, supposa-t-il, lui donnerait à manger, le ramènerait chez lui et tout rentrerait dans l’ordre. Lors de la prochaine visite de Lenore, il lui expliquerait que McChesney s’était enfui, qu’il avait placardé des avis de recherche dans tout le quartier pour les beaux yeux de ex-femme, mais naturellement ça ne ferait aucune différence car le chat aurait déjà trouvé une famille aimante à la campagne, il vivrait dans une grange et passerait ses journées à chasser les souris, parce qu’après tout, les chats sont faits pour ça.
Le lendemain matin, il se réveilla en pleine forme […] et fut accueilli par la sonnerie du téléphone.
« Bonjour, vous n’auriez pas perdu votre chat, par hasard ? »

(P73-82)
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[dans le magasin de produits bio] "Vous voulez un sac?", lui demanda la vendeuse recouverte de piercings, sur un ton impliquant clairement qu'une réponse affirmative équivaudrait à trancher la gorge d'une chouette en voie de disparition, là, sur le comptoir.
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C'est donc ça, le destin des vieux pleins de fric? Ils rétrécissent, rapetissent, perdent même certains de leurs membres, tandis que leurs voitures grossissent? Ils se contentent de compenser leur propre décrépitude par cette virilité automobile déprimante?
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Video de J. Robert Lennon (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de J. Robert Lennon

BooKalicious #5 : John Robert Lennon
Chronique de "Mailman" de John Robert Lennon. Editions Monsieur Toussaint Louverture http://www.monsieurtoussaintlouverture.net Retrouvez-nous sur Facebook :...
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