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Boris de Schloezer (Traducteur)Jean-Claude Roberti (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070401611
464 pages
Gallimard (24/02/1998)
3.97/5   208 notes
Résumé :
On a souvent fait d'"Un héros de notre temps" le premier roman psychologique de la littérature russe. Mais l'analyse y est toujours subordonnée à cette ironie dominante, à ce regard distancié et critique que Petchorine, personnage principal et narrateur, jette sur ses aventures. À juste titre, on y lira les signes d'un certain essoufflement de la sensibilité romantique; mais on verra aussi en Petchorine l'aîné de ces héros sombres qui peupleront les plus grands text... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
3,97

sur 208 notes
"Ah ! quel ennui que de vivre ! et on vit tout de même... par curiosité. On attend quelque chose de nouveau... C'est ridicule et absurde !"

Je me souviens encore du "camarade professeur", tonnant devant le tableau noir. Il soutenait que Petchorine, le héros de ce livre, était un personnage tout à fait condamnable, l'image même d'une vie immorale, un lâche incapable de s'intégrer correctement dans la société. Et on écoutait, et ensuite on recopiait tout cela comme des ânes dans nos rédactions, parce que personne n'avait vraiment envie de lire le livre. En tant que héros de "notre" temps, celui de la "normalisation" de la fin des années 80 en ex-Tchécoslovaquie, le blasé cynique Petchorine a lamentablement failli.
Quelques années plus tard j'ai découvert la poésie de Lermontov. Elle m'a fait plus ou moins réviser l'étiquette de "l'homme inutile", que l'on collait alors systématiquement à tous les héros "byroniens" ; à tous ces individualistes poussés sans cesse par l'envie de "partir ailleurs", dégoûtés et fatigués par la société dans laquelle ils vivent. Et maintenant, après la lecture d'"Un héros de notre temps", je me rends compte une fois de plus à quel point on peut facilement se laisser convaincre par l'opinion d'un tiers, simplement parce qu'on est trop paresseux pour vérifier les faits.

Contrairement à mon camarade prof, j'étais enchantée par la franchise du héros de Lermontov, qui dévoile sans pudeur ses pensées les plus secrètes, en analysant froidement ses faiblesses et ses erreurs. Petchorine est tellement différent de tous ces héros positifs et clairement profilés de l'ère héroïque des radieux lendemains, qu'on peut difficilement considérer sa recherche et ses tâtonnements comme quelque manifestation d'inutilité et de futilité. C'est davantage une rébellion intérieure, une décision de chercher la vérité même dans cette bouse sociale censurée dans laquelle il a vécu et qui l'a largement façonné.

Lermontov a doté son Petchorine d'intelligence qu'il utilise à son avantage, et grâce à laquelle il s'élève au-dessus de son entourage. L'un de ses passe-temps favoris est de manipuler les gens, en particulier les femmes stupides, mais après un certain temps il n'y trouve plus aucune satisfaction. Il désire plus qu'un divertissement qui vide agréablement l'esprit. Mais sa nature ne lui permet plus de trouver le bonheur - même illusoire - ni dans l'amour, ni dans l'amitié. Prisonnier de son intraitable ego et de son arrogance, il commence à mépriser tout, y compris son éducation et son intelligence, le destin, l'humanité et même sa propre mort.
Il fait en effet triste figure dans la joyeuse société de la petite-bourgeoisie, dans ce théâtre tragicomique où les uns font semblant d'être sincères, et les autres font semblant de faire semblant d'être sincères.
Comme il ressemble à Onéguine de Pouchkine, ou à Oblomov de Gontcharov ! A Manfred, Heathcliff et tant d'autres. Comme il ressemble aux héros de Kundera... comme il est éternel.

La nouvelle, très agréable à lire, a été écrite entre 1838 et 1840.
Cinq chapitres presque indépendants, liés seulement par le personnage de Petchorine (tantôt on l'évoque dans des souvenirs, tantôt on lit son journal), se déroulent dans de luxueuses stations thermales caucasiennes au milieu de la haute société militaire et civile, mais aussi dans des coins reculés et sauvages de la montagne. Lermontov connaissait bien ces paysages et les habitants du Caucase. Il y avait passé ses années d'exil, après avoir écrit un poème en l'honneur de la mort tragique de Pouchkine ; il n'est d'ailleurs pas sans intérêt de comparer la fin de Pouchkine avec celle de Lermontov, à vingt-six ans seulement !
Lermontov a choisi le nom de son héros encore en hommage à Pouchkine : tout comme Onéguine était créé d'après la rivière Onega, Petchorine est né de la rivière Petchora.
En comparant la vie de Lermontov au livre, on ne peut pas chasser l'impression que nous lisons une sorte d'autobiographie voilée de l'auteur.
"Un héros de notre temps" est véritablement un portrait, mais pas d'une seule personne. C'est un portrait composé des défauts de toute une époque. Vous pourriez argumenter que l'homme ne peut pas être aussi mauvais, mais si on est capable de croire en la véracité des malfrats tragiques et romantiques de toutes sortes, alors pourquoi ne pas croire en Petchorine ? Pourquoi nous est-il si difficile de l'absoudre ? Il contient peut-être plus de vérité qu'on n'aurait souhaité...?
L'abus de sucreries dérange l'estomac, et le remède est amer. Lermontov ne prétendait jamais vouloir devenir un prêcheur contre les vices humains, son esprit était bien trop large, pour cela. Il a seulement pris plaisir à peindre un homme tel qu'il le comprenait, et tel que, malheureusement, il le rencontrait trop souvent. Il a détecté la maladie, comment la guérir - Dieu seul le sait.
J'ai été convaincue de la sincérité de l'auteur, qui a si impitoyablement révélé ses propres faiblesses et défauts. L'histoire d'une âme humaine, même si cette âme semble ignoble , est peut-être encore plus intéressante et utile que l'histoire de toute une nation, surtout quand elle est le résultat d'une introspection profonde, et quand elle n'est pas écrite dans un désir ambitieux de provoquer la pitié ou l'admiration.

Quant à mon opinion définitive sur le personnage de Petchorine, je réponds par le titre de ce livre. "Mais c'est une cruelle ironie !", me diriez vous. Je ne sais pas. 5/5
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Loin de Moscou et de St-Petersbourg se trouvent les postes frontaliers, aux confins des régions les plus sauvages et les plus inconnues du continent, à la lisière de l'Europe et de l'Asie. Et c'est dans l'une de ces régions, le Caucase, entassé entre la mer Noire et la mer Caspienne, que s'ouvre le roman Un héros de notre temps, écrit par Mikhail Lermontov.

Le narrateur, qui voyage entre l'Ossétie, la Géorgie, l'Arménie et d'autres petites contrées sous contrôle russe, traverse les montagnes, les cols et les défilés de cette étroite bande de terre. En route, il rencontre Maxime Maximitch. Ce militaire est de bonne compagnie et lui raconte une des aventures de Grigori Alexandrovitch Pétchorine, un homme de sa connaissance. Un héros plus grand que nature, qui ne craint ni les balles des montagnards hostiles ni les duels des nobles russes.

En effet, Pétchorine, pour se divertir, sème la zizanie entre Tchétchènes, Tatars, Circassiens. Il promet le magnifique cheval de l'un contre Bella, la soeur d'un autre. Lorsqu'il parvient finalement à se faire aimer de sa nouvelle femme, arrachée à sa famille, il s'en lasse tout comme il s'ennuie de la compagnie de ses semblables. Rien dans ce bas-monde ne s'élève aux idéaux auxquels il aspire. La mort tragique de Bella semble l'affecter un moment mais la fatalité le destine à d'autres aventures. Bref, il souffre de spleen bien avant qu'on ne commence à parler de ce phénomène…

Loin des bals et des raffinements de la capitale et des grandes villes, on découvre la rude vie des militaires, leur éternel combat contre les contrebandiers, les peuplades montagnardes soumises mais hostiles, etc. le tout dans un paysage caucasien merveilleusement dépeint. Les monts Elbrouz et Krestovoï, la rivière Tchertovaïa, le col du Diable, etc. Des habitants déguenillés mais fiers, des sauvagesses envoutantes, etc. Bref, une Russie assez peu évoquée dans la littérature classique.

C'est dans ce décor que Pétchorine, dans une partie du récit où il devient le narrateur, développe une relation amoureuse avec Véra, se lie d'amitié avec Grouchnitzky, puis fait la cour à la princesse Mary pour contrarier son nouvel ami intéressé par elle. Il s'ensuivra bien des complications et un duel. Après tout, ces petites gens ne sont-ils pas des pions pour lesquels il ne peut que devenir un ennemi implacable, voire vicieux? Qu'est-ce qu'un homme blasé ne ferait pas pour s'amuser un peu, faire valoir sa supériorité, se prouver qu'il est vivant ? Se lancer vers d'autres aventures !

Lire Un héros de notre temps fut également une aventure : les changements de narrateurs agacent. On passe du voyageur (dont le nom demeure inconnu) à Maxime Maximovitch, on retourne au voyageur pour passer à Pétchorine, mais en plus tous racontent à la première personne. Confusion à l'horizon. Heureusement, le lecteur ne s'attaque pas à un roman fleuve comme les Russes avaient l'habitude d'en écrire !

Ceci dit, les décors pittoresques, les voyages dépaysants, les aventures rocambolesques, les élans amoureux, les intrigues rebondissantes… enfin tout ne peut que compenser et plaire. Mikhail Lermontov a pondu une oeuvre qui a influencé des générations de Russes et qui continue sans doute à émerveiller des lecteurs partout à travers le monde.
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Formidable roman d'une grande richesse qui m'a captivée de A à Z. Peut-être n'est-ce pas la meilleure des traductions, mais elle est fluide et facile à lire. C' est un chef d'oeuvre, en tant que tel et non pas parce qu'il aurait inspiré d'autres écrivains russes par la suite.
Ce livre n'est pas seulement un roman psychologique. C'est d'abord, dans la première partie, un roman d'aventures, un genre de western caucasien avec, enlèvements de femmes, rebondissements invraisemblables, courses poursuites à cheval, duels au soleil, dans des paysages à couper le souffle. Ensuite, toujours dans la première partie c'est un faux roman sentimental avec clins d'oeil du narrateur ou de l'auteur. Petchorin est un héros à la Byron, qui séduit avant de larguer. Sa conquête n'en est pas dupe du tout, car c'est toujours mieux que d'être mariée à un Tatare...Le personnage sentimental est Maxime, c'est lui la victime de la première partie.
Dans la deuxième partie, on découvre Petchorin de l'intérieur. Il porte sur lui-même et sur ses aventures un regard plein d'ironie. Le personnage est détestable car il est rempli d'arrogance à l'égard de son prochain et terriblement franc. Il fait tout pour qu'on le déteste mais il nous montre aussi les coulisses du théâtre mondain aristocratique. Le récit intitulé "La Princesse Mèré" (ou Marie), s'apparente à un mélodrame en trois actes, tournant autour d'un duel complètement truqué.
Le dernier récit, très cruel, fait froid dans le dos. On joue à la roulette avec sa vie. Il est significatif du profond ennui de ces officiers rebelles et déchus, envoyés dans le Caucase. Ils n'ont d'autre occupation que de boire, de se provoquer en duel, de jouer avec la mort. Aucun courage là-dedans mais un profond mépris de la vie. Lermontov a tracé le portrait d'une génération perdue complètement anti-héroïque.
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Un héros de notre temps est, sans conteste, un classique de la littérature russe puisqu'il est intimement lié à un des épisodes les plus connus de l'Histoire de la Russie, je veux bien entendu parler de la mort de Pouchkine.

Lermontov composera le sulfureux poème « La mort du poète » en l'honneur de Pouchkine mais surtout à charge contre le pouvoir en place. Cela lui vaudra illico presto un exil forcé dans le Caucase russe où il mettra un point d'honneur à finir le roman dont il est question ici: Un héros de notre temps.

Il s'agit, pour moi, d'une oeuvre hybride couvrant une multitude de styles: Roman, conte, nouvelle, poésie, chant, journal de bord, lettre, etc.
Le livre de Lermontov se compose de 5 parties qui peuvent se lire indépendamment les unes des autres (j'avais d'ailleurs lu Taman dans un recueil de nouvelles russes avant de savoir qu'il s'agissait d'une partie d'un roman de Lermontov).

La première partie concernant Bèla m'a fait pensé à Rouslan et Ludmila en plus rugueux où la femme est reléguée au rang de princesse-objet. Sans doute, cela représentait-il l'idéal amoureux de cette époque dans cette région du monde.

La partie la plus intéressante est sans doute celle où le caractère de Petchorine (le personnage principal) est passé au crible. Séducteur-manipulateur usant de cynisme pour arriver à ses fins, il m'a souvent fait penser à un certain Valmont des Liaisons Dangereuses ou à une version inavouée de... Lermontov lui-même.

Alors, à qui est destiné ce livre?

Aux amateurs de nouvelles, du Caucase, de l'Histoire de la littérature russe qui n'ont pas peur de se plonger dans une réalité révolue, celle des duels à bout portant !

« Nous allons tirer au sort celui qui fera feu le premier ... Je vous déclare pour conclure qu'autrement, je ne me bats pas. »

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Plus risible que les femmes qu'il dénigre (« La race est chose très importante chez la femme, de même que chez les chevaux »), Pétchorine figure le modèle d'un héros de notre temps –à condition que « héros » se confonde ici avec « bouffon ». La comparaison est implicite, elle ne tardera toutefois pas à se révéler au fil des différentes parties qui constituent ce roman.


Les points de vue autour de Pétchorine s'enchaînent ainsi pour constituer un portrait morcelé, qu'il faudra reconstituer au-delà des failles chronologiques et des doutes véridiques que nous inspirent la narration des témoins invoqués. L'imbrication des récits ne permet pas toujours de faciliter la compréhension des événements lorsqu'elle n'empêche pas carrément de suivre correctement le déroulement de l'histoire. le roman, rabiboché de bric et de broc, semble avoir été composé dans l'hésitation, comme si Lermontov, ne sachant pas quel point de vue choisir pour décrire Pétchorine de la manière la plus convaincante, avait finalement décidé de garder tous ces brouillons et de les unir par un fil conducteur qui convainc surtout par son caractère artificiel. le thème des amours désillusionnés, de l'individualisme naissant d'une génération, de la quête existentielle impossible à mener sans l'illusion d'une gloire proche, semblent hanter Lermontov qui développe ici les mêmes thématiques que celles qui apparaissaient déjà dans la Princesse Ligovskoï, qu'il avait commencé à rédiger quatre ans auparavant sans réussir à en achever la rédaction. le héros porte d'ailleurs le même nom –pour un peu, il aurait suffi que la Princesse Ligovskoï trouve une conclusion pour que son histoire constitue un nouveau volet des aventures d'un Héros de notre temps.


Bien sûr, l'écriture enchante par son ton mordant, ses descriptions acerbes et sa verve ironique, et il n'est pas déplaisant de lire six fois de suite la variation d'une même histoire –mais il faut quand même avouer que dès la troisième redite, on commence à espérer une évolution du personnage de Pétchorine. Ce n'est pas le cas et le vaillant guerrier de l'amour, séducteur par fatalité plus que par désir, reste buté du début jusqu'à la fin. S'il s'agit d'un autre des ressorts comiques déployés par Lermontov, il entraîne toutefois davantage de désagréments que de véritables réjouissances. le bouffon rigolo vire en ennuyeux chantre du désenchantement et ne parvient même plus à convaincre de l'inanité des passions terrestres. Autour du personnage de Pétchorine, la perfection aurait été atteinte si Lermontov avait su allier l'unicité du récit de la Princesse Ligovksoï à la possibilité d'une conclusion à la manière d'un Héros de notre temps.

Lien : http://colimasson.over-blog...
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critiques presse (2)
Sceneario
04 août 2014
Un héros de notre temps de Céline Wagner est une expérience à vivre [...]. En nous invitant notamment à faire la connaissance de l’intrigant Petchorine dans une adaptation bien menée confirmant que Céline Wagner sait raconter avec talent des histoires dans des styles très différents.
Lire la critique sur le site : Sceneario
BoDoi
26 juin 2014
Par l’élégance de son noir et blanc et la finesse de son trait, nourris d’une documentation sans faille, Céline Wagner fouille les contradictions de Petchorine puis saisit avec acuité l’esprit du XIXe siècle russe.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
La plate-forme sur laquelle nous devions nous battre formait presque un triangle régulier. De l'un des angles en saillie nous mesurâmes six pas et nous décidâmes que celui qui devrait subir le premier feu se placerait à l'angle même, le dos tourné au gouffre, et changerait de place avec son adversaire s'il n'était pas tué.
J'étais décidé à laisser tous les avantages à Groutchnitski ; je voulais l'éprouver. Dans son âme pouvait s'allumer une étincelle de générosité et alors tout s'arrangerait pour le mieux. Mais l'amour-propre et sa faiblesse de caractère devaient triompher de lui. Je voulais me mettre complètement dans le droit de ne pas l'épargner si le sort me favoriserait. Qui n'aurait pas pris de telles précautions avec sa conscience ?
- Tirez au sort, docteur, dit le capitaine.
Le docteur prit dans sa poche une pièce d'argent et la jeta en l'air.
- Pile ! cria Groutschnitski brusquement comme un homme qui est réveillé tout à coup par la main d'un ami qui l'avertit d'un danger.
- Face ! dis-je.
La pièce tourna sur elle-même et tomba à terre ; tous se précipitèrent sur elle.
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« Oui ! Et telle fut ma destinée, dès ma plus tendre enfance. Tout le monde lisait sur mon visage les signes des plus mauvais penchants ; ces signes n’existaient point, mais on les pressentait, et ils ne parurent jamais, j’étais modeste, on m’accusa d’astuce et je devins sournois. Je ressentais profondément le bien et le mal ; personne ne me prodiguait la moindre caresse ; tous m’outrageaient ; je devins vindicatif. J’étais morose, les autres enfants étaient gais et babillards ; je me sentais au-dessus d’eux, on me mit plus bas, je devins envieux. J’étais disposé à aimer tout le monde ; personne ne me comprit ; j’appris la haine. Ma jeunesse flétrie s’écoula au milieu d’une lutte entre la société et moi. Craignant de voir tourner en ridicule mes meilleurs sentiments, je les enfouis au fond de moi-même et ils s’évanouirent. J’aimais la vérité, on ne me crut pas : je me mis à mentir. Connaissant à fond le monde et le mobile de la société, je devins habile dans la science de la vie et je m’aperçus que d’autres, sans la moindre habileté, étaient heureux et recevaient des honneurs et des avantages que je briguais infatigablement. Alors le désespoir naquit dans mon cœur, mais non pas ce désespoir que guérit la balle d’un pistolet ; non ! mais un désespoir froid et sans force, qui se cache sous un sourire aimable et bienveillant. Je devins un paralytique moral. Une moitié de mon âme languit, se dessécha, et mourut. Je la coupai et la rejetai. L’autre partie s’agita et se mit à vivre dans chacune de ses parties, et personne ne remarqua cela, parce que personne ne savait l’absence de la moitié perdue. Mais vous venez de réveiller en moi son souvenir et je vous lirai son épitaphe. Au plus grand nombre, les épitaphes paraissent ridicules, mais à moi, non ; je pense toujours à celui qui repose sous elle. Du reste je ne vous prie point de partager mon opinion ; si ma sortie vous paraît ridicule, riez-en ! Je vous préviens que cela ne m’affligera pas le moins du monde. »
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"Adieu ! Peut-être ne nous reverrons-nous plus ; on vous enverra qui sait où !"

Il s'était arrêté sur le seuil de la porte, avec l'envie de me serrer la main... Et si je lui en avais exprimé le plus petit désir, il se sera jeté à mon cou. Mais je restai froid comme un marbre et il sortit.

Voilà les hommes ; ils sont tous ainsi : ils calculent d'avance toutes les bonnes ou mauvaises conséquences d'un événement. Ils vous aident, vous approuvent, vous encouragent même en voyant l'impossibilité d'un autre expédient ; mais après ils s'en lavent les mains et se détournent avec indignation de celui qui a osé prendre sur lui tout le fardeau de la responsabilité. Ils sont tous ainsi, même les meilleurs, même le plus intelligents.
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Remarquez […] comme il ferait ennuyeux sur terre sans les imbéciles… Voyez ! nous sommes là deux hommes intelligents. Nous savons d’avance qu’on peut discuter de tout à perte de vue, et nous ne discutons pas ; nous connaissons presque toutes les pensées les plus cachées de chacun de nous. Un mot suffit pour nous révéler toute une histoire : à travers une triple écorce, nous découvrons le germe de chacun de nos sentiments. Nous rions de ce qui est triste, et ce qui est risible nous paraît désolant. Et, en général, pour dire vrai, nous sommes assez indifférents à tout ce qui ne nous concerne pas personnellement. Ainsi il ne peut y avoir entre nous d’échange de pensées et de sentiments : nous savons l’un sur l’autre tout ce que nous voulons savoir et nous ne voulons rien apprendre d’autre. Il ne nous reste plus qu’un moyen : nous communiquer des nouvelles. Dites-moi quelque nouvelle.
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De retour chez moi, je montai à cheval et m'en fus galoper dans la steppe; j'aime galoper sur un cheval fougueux, à travers les hautes herbes, face au vent du désert; j'aspire avidement l'air embaumé et je dirige mes regards vers le lointain bleu sombre, tâchant de distinguer les contours brumeux des objets qui deviennent plus clairs de minute en minute.
Возвратяць домой, я сел верхом и поскакал в степь; я люблю скакать на горячей лошади по высокой траве, против пустынного ветра...
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Video de Michaïl Lermontov (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michaïl Lermontov
My Lonely Way, texte Mikhail Lermontov, musique Elisaveta Shashina, interprète Sergeï Lemeshev
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