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Critique de Charybde2


Noir roman d'une plongée dans l'arrivée de l'extrême droite au gouvernement

Le nouveau roman de Jérôme Leroy, à paraître en octobre 2011, frappe fort. Retrouvant la veine d'anticipation socio-politique qu'il affectionne, il nous place à la veille de l'entrée du Bloc, grand parti d'extrême-droite, au gouvernement, dans une France devenue de plus en plus "incontrôlable"...

"Ils avaient tous peur, les Français de toute manière : la beurette maquilleuse avait peur, les petits Blancs avaient peur, les cadres délocalisables avaient peur, les mômes des cités avaient peur, les flics avaient peur. Les profs des collèges de ZEP, les toubibs en visite dans les HLM déglingués, les retraités pavillonnaires, les ados blancs des zones rurbanisées avaient peur. Les Chinois avaient peur des Arabes, les Arabes avaient peur des Noirs, les Noirs des Turcs, les Turcs des Roms. Tous avaient peur, tous avaient la haine. Et d'abord la peur et la haine les uns des autres." L'un des deux principaux protagonistes, mari de la présidente du Bloc, plante ainsi le décor dans son monologue intérieur...

Cette entrée prévisible au gouvernement est aussi le signal d'un grand "ménage interne" au sein du Bloc : son principal exécuteur des basses oeuvres, notamment, bien qu'ami de longue date du narrateur, en sait trop, beaucoup trop, sur les aspects les moins reluisants du parti, et doit maintenant disparaître...

En se donnant enfin de la place, en 300 pages, Jérôme Leroy donne à ses deux "héros" une formidable épaisseur, ce qu'il ne parvenait pas toujours à réaliser dans ses romans précédents, plus courts, et donc parfois un rien schématiques... Les miroirs intimes, les réflexions en flashback et le tempo écrasant des dernières heures avant la victoire composent ainsi une fresque hystérique, qui rappellera aussi au lecteur le très sombre "Préparer l'enfer" de di Rollo, paru au printemps dernier, en apportant un indéniable supplément littéraire, combattant et introspectif au simple constat politique... En effet, à travers le personnage du mari de la présidente, double maléfique de l'auteur, Jérôme Leroy réussit un exceptionnel portrait de synthèse de l' "intellectuel engagé" moderne, féru de poésie et de coups de poing, amateur de Nimier et de Chardonne, dominant par sa culture et son intellect tous ses camarades de parti, et perpétuellement saisi d'un vertige brun, qui aurait pu - et c'est là l'une des terribles ambiguïtés du personnage - être rouge en d'autres circonstances...

L'un des vrais plaisirs pensifs de cet automne, à mon humble avis.
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