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Roger Laufer (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080702869
638 pages
Flammarion (04/01/1999)
3.59/5   71 notes
Résumé :
" Un de ces livres qu'il est bon de relire après chaque invasion, après chaque trouble dans l'ordre de la morale, de la politique et du goût, pour se calmer l'humeur, pour se remettre l'esprit au point de vue et se rafraîchir le langage ".
Sainte-Beuve
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Une critique de DanD sur Lazarillo de Tormes m'a permis de retrouver dans le fond de ma bibliothèque deux livres que j'avais oubliés et qui méritent un meilleur traitement. Il s'agit du fameux Lazarillo de Tormes dont l'auteur est anonyme (édition espagnole de Francisco Rico, CATREDA, Letras hispanicas) et d'Histoire de Gil Blas de Santillane de Lesage.

Ce sont, pour moi, de bons souvenirs de lecture car j'avais bien aimé l'humour, l'impertinence et l'esprit satirique qui émanent de ces deux livres. Même si j'avais lu le texte de Lazarillo de Tormes en espagnol et que ce n'est pas ma langue natale, j'avais perçu l'essentiel de cet esprit et l'avais trouvé du meilleur goût. L'ouvrage date des années 1550 et est fondateur d'un courant littéraire qui a influencé d'autres écrivains, notamment Lesage (1715-1735), presque deux siècles après.

Histoire de Gil Blas de Santillane, dont l'auteur est français, s'inscrit dans la tradition du roman picaresque espagnol. le héros est un « picaro », qu'on pourrait traduire par voyou, un personnage qui appartient à une classe sociale pauvre et non à la noblesse ou la bourgeoisie. Il part sur la route, fréquente des brigands puis grimpe l'échelon social et finit par fréquenter la noblesse après avoir été simple valet.

Le récit amusant des aventures de Gil Blas est prétexte à une fine observation de la nature humaine et des dysfonctionnements de la société. Cet antihéros raconte avec humour son histoire comme si elle était vraie et fait partager au lecteur ses expériences, sa découverte de l'hypocrisie, de la duplicité, de l'ironie du sort, de la cruauté de l'existence et des êtres humains. Il apprend à vivre, tirer son épingle du jeu et éviter les pièges dans lesquels il était précédemment tombé afin de progresser, gagner sa vie, se sortir de la misère et pourquoi pas s'établir !

Un passage en particulier m'a marquée, celui consacré à l'état de la médecine à une époque où régnait en maître l'art de la saignée, censée soigner les malades mais qui ne faisait que hâter leur décès par hémorragie. Les techniques de la chirurgie, qui aujourd'hui sauvent des vies, tuaient systématique l'opéré car Rome ne s'est pas faite en un jour et il a fallu tuer beaucoup de patients pour que les chercheurs obtiennent un résultat. À l'époque, ils étaient donc plus perçus comme des bouchers sanguinaires et des assassins que comme des sauveurs. C'est le cas du Dr Sangrado à Valladolid (la sangre en espagnol signifie le sang). Gil Blas, au gré de ses pérégrinations, devient médecin à ses côtés et en arrive à définir la médecine comme « l'art de tuer les gens impunément » !

Gil Blas parcourt ainsi, avec le même esprit moqueur et subversif, bon nombre de professions et de catégories sociales : les brigands, les comédiennes, les intendants et, bien sûr, les institutions religieuses et royales, l'archevêque de Grenade, la Cour à Madrid, où vit son ami Fabrice, un auteur. Il côtoie enfin la crème de la société : les ministres, les ducs, tous aussi corrompus les uns que les autres. Les péripéties sont variées et les épisodes sont racontés d'une manière drôle et savoureuse.

On comprend que l'auteur de Lazarillo de Tormes ait dû rester anonyme pour éviter les ennuis, comme le risque d'aller faire un tour en prison pour avoir déplu aux puissants du pays, s'ils s'étaient reconnus ! Quant à Lesage, il n'avait pas besoin de se cacher derrière la protection de l'anonymat puisque son Gil Blas se promène en Espagne et non en France, habile stratagème. Toute ressemblance ne serait donc que fortuite !

Qu'en est-il aujourd'hui de l'art de la satire, qui pointe avec un humour corrosif les dysfonctionnements de la société ? Qui oserait transposer Gil Blas ou Lazarillo (le petit Lazare) à notre époque ? Ne devrait-il pas se cacher lui aussi ?
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Pauvre Gil Blas de Santillane ! Voilà un homme qui n'a pas de chance. Enfin si, quelque fois. Mais dans ces cas-là… Enfin bref, reprenons. Donc nous sommes dans l'Espagne du XVIème ou du XVIIème siècle, ce qu'on appelle ‘'le siècle d'or espagnol'', mais c'est un français un tantinet narquois du XVIIème siècle, notre ‘'siècle d'or'' à nous, qui est à la plume.

Jeune homme pauvre issu d'une famille modeste, Gil Blas quitte Santillane pour faire fortune. Il lui arrivera de multiples avanies : employé comme domestique tour à tour par des brigands, un charlatan, un évêque, un chevalier, un riche aristocrate et bien d'autres, il aura l'occasion de comparer tous les métiers, de découvrir les travers peu reluisants de chaque profession, et que somme toute la plus meurtrière n'est de loin pas celle que l'on pourrait penser. Il occupera de multiples positions, aura de multiples emplois, et trempera dans maintes combines pas très nettes (voir franchement malhonnêtes).

Dans sa tête, il passera par tous les états. Découvrir que l'honnêteté est systématiquement punie le fera plonger dans le cynisme et la malhonnêteté totale, mais il constatera vite que de tels excès n'apportent qu'une fortune passagère. de domestique il deviendra secrétaire particulier, et de là arrivera au sommet de l'état – où il ne pourra que constater à quel point la position de favori royal est précaire.

Le monde qu'il nous dépeint est donc un monde resté brut, purement soumis à la loi du plus fort et à l'ordre de la nature. Les lois, la médecine, tout ce que l'homme a mis en place pour tenter d'en adoucir les effets, ne font que les aggraver. En revanche, elles ouvrent des possibilités que peuvent saisir les hommes pas par trop naïfs, mais qu'ils ne pourront exploiter qu'en modulant leurs appétits, ou plus dure sera la chute.

Grand classique de la littérature picaresque, ‘'Gil Blas de Santillane'' reste une délicieuse lecture pour son inégalable cynisme. Et il nous rappelle tous les progrès effectués par la médecine en quatre cents ans.
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Lu pendant mes années collège, il y a 50 ans de ça, j'avais gardé un bon souvenir de ces deux premiers tomes des aventures de Gil Blas, menés à toute allure et étourdissants.

J'ai voulu m'y confronter à nouveau, si longtemps après, pour mesurer ce qui m'avait probablement échappé alors. Mon impression initiale de fantaisie et de satire sociale est revenue immédiatement. Dans ces deux premiers tomes, parus en 1715, comprenant les livres 1 à 6, le rythme est plutôt à l'allegro. Nous ne quittons guère le récit de Gil Blas, qui paiera au prix fort les flatteries intéressées de ses premières rencontres. Au fil des livres son caractère changera : il deviendra nécessairement lui-aussi madré, au contact de tant d'univers divers (nobles oisifs, desquels il est au service, médecins, comédiens...).

Sur le style classique, il n'y a rien à dire : c'est un régal. Sur la construction, en revanche, on peut noter tout de même des différences de niveaux entre les livres. La longueur des chapitres n'est pas égale. Et leur conclusion est souvent très abrupte, sans réel suspense.

Ce qui m'a questionné c'est aussi l'arrière-plan géographique et historique. Plus qu'en Espagne je me suis senti d'abord en France, en grande partie grâce au style de Lesage. Les couleurs hispaniques m'ont semblé un rien "plaquées" sur le roman.

Tout de même ce texte qui a traversé trois siècles a encore de beaux restes.
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L'Histoire de Gil Blas de Santillane, dont la parution des quatre tomes s'échelonna entre 1715 et 1735, est un roman faussement picaresque. S'il présente bien plusieurs des caractéristiques fondamentales du roman picaresque, il s'en éloigne cependant par le fait que son personnage principal, contrairement au picaro type, réussit, après une série d'échecs, à sortir de sa condition et à s'élever dans l'échelle sociale (issu d'un rang très bas, Gil Blas finira riche et anobli). Je ne suis pas un spécialiste, ni du genre ni de l'époque, mais je suppose que l'absence du pessimisme d'inspiration religieuse propre au véritable roman picaresque (La Vie de Lazarillo de Tormes, 1554 ; Guzman de Alfarache, 1599 ; etc.) est due au fait que l'Histoire de Gil Blas est un roman du siècle des Lumières. D'autre part, bien que Lesage emprunte très largement à la littérature espagnole du Siècle d'Or (qu'il connaît sur le bout des doigts pour l'avoir étudiée), il n'en reste pas moins un écrivain français, plus laïque.

L'Histoire de Gil Blas de Santillane retrace, sous forme autobiographique, la vie de Gil Blas, fils d'un écuyer et d'une femme de chambre pauvres et dénués de tendresse. Lancé sur les routes d'Espagne après un passage par l'université de Salamanque, Gil Blas va voir son avenir totalement bouleversé (il rêve de devenir précepteur) après être tombé aux mains de bandits de grand chemin, dont il devient complice avant de s'évader. Tour à tour valet, médecin, intendant, à nouveau fripon à plusieurs reprises, il finira petit à petit, grâce à un bon fond et à quelques amitiés avec des petits-maîtres ou des nobles, par s'élever de manière fulgurante dans la société en devenant secrétaire et confident de deux premiers ministres successifs (avec un passage en prison entre les deux). Néanmoins, ce n'est qu'en se retirant dans une petite propriété rurale pour y cultiver l'amitié de quelques proches ou voisins et l'amour de sa famille qu'il connaîtra enfin la paix et un bonheur sans partage.
Souvent plus bringuebalé qu'acteur de sa propre vie, Gil Blas, sans être le plus intelligent des garçons, est malgré tout un individu qui, à force d'expériences, apprend à éviter les écueils et à naviguer dans l'océan de corruption, d'avidité et d'hypocrisie qui l'entoure. D'un point de vue psychologique, c'est un personnage plus fouillé et plus évolutif que ceux que proposent habituellement les romans picaresques.

La structure itinérante du récit (une des caractéristiques de base du roman picaresque) permet à l'auteur de mettre son héros en contact avec différents milieux sociaux (en fait, avec presque tous les milieux sociaux) et de dresser un portrait hautement satirique de l'ensemble de la société : du roi aux domestiques en passant par les ducs, les archevêques, les comédiens, les auteurs, les muletiers ou les médecins, personne, homme ou femme, n'échappe ainsi à la plume particulièrement corrosive de Lesage (on dit d'ailleurs qu'il a placé l'action de son roman en Espagne afin de pouvoir mieux critiquer la France et ses puissants sans risquer le cachot).

En résumé, L'Histoire de Gil Blas de Santillane est un roman vif, pétillant, impertinent, énergique, fantaisiste, intense, rebondissant, dense et, ce qui ne gâte rien, facile à lire (la longueur du roman est contrebalancée par la relative brièveté des chapitres). Dit autrement, c'est un élixir de gaîté sous forme d'un livre.
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Voici un très bon roman picaresque, lu quand j'étais encore au lycée dans ma période découverte des classiques (c'est probablement là que ma vocation littéraire s'est esquissée). Je garde un très bon souvenir de ce roman qui m'avait vraiment plu par son héros malmené par les événements et à qui il arrive des choses incroyables (mais concrètes, on est pas dans le fantastique là !!). C'était ma première découverte du style picaresque et j'avais vraiment accroché. Malgré ses 1000 pages je me souviens de m'être délecté à la lecture des aventures de ce jeune héros bringuebalé par les événements. Tout s'enchaîne très vite, il se passe pleins de choses et on ne s' ennuie pas. Je me souviens de ce pauvre héros pas très chanceux et pas très malin non plus il faut le dire, subissant les aléas de la vie comme un caillou roulant dans une pente raide.
Ce livre est plutôt méconnu mais je vous le conseille vraiment
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
Je n’étais nullement fâché d’avoir renoncé à la médecine ; au contraire, je demandais pardon à Dieu de l’avoir exercée. Je ne laissai pas de compter avec plaisir l’argent que j’avais dans mes poches, bien que ce fût le salaire de mes assassinats.
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Vive Dieu ! s’écria-t-il, partons donc en diligence ; car ce docteur est si expéditif, qu’il ne donne pas le temps à ses malades d’appeler des notaires. Cet homme-là m’a bien soufflé des testaments.
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Tu vas, mon enfant, poursuivit-il, mener ici une vie bien agréable ; car je ne te crois pas assez sot pour te faire une peine d'être avec des voleurs. Eh ! voit-on d'autres gens dans le monde ? Non, mon ami, tous les hommes aiment à s'approprier le bien d'autrui. C'est un sentiment général. La manière seule en est différente. Les conquérants, par exemple, s'emparent des États de leurs voisins. Les personnes de qualité empruntent et ne rendent point. Les banquiers, trésoriers, agents de change, commis, et tous les marchands, tant gros que petits, ne sont pas fort scrupuleux. Pour les gens de justice, je n'en parlerai point. On n'ignore pas ce qu'ils savent faire. Il faut pourtant avouer qu'ils sont plus humains que nous ; car souvent nous ôtons la vie aux innocents, et eux quelquefois la sauvent aux coupables.
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Quand il vous arrivera quelque grand malheur, dit un pape, examinez-vous bien, et vous verrez qu'il y aura toujours un peu de votre faute. N'en déplaise à ce saint père, je ne vois pas comment, dans cette occasion, je contribuai à mon infortune.
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Ah ! Diego, répliqua-t-il, vous raisonnez en jeune homme ; vous ne voyez que l’appât, vous ne prenez point garde à l’hameçon ; vous ne regardez que le plaisir, et moi, j’envisage tous les désagréments qui le suivent.
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