FRONTIN : Madame, vous allez bientôt avoir la fille dont je vous ai parlé.
LA BARONNE : Monsieur, voilà le garçon que je veux vous donner.
M. TURCADET : Il paraît un peu innocent.
LA BARONNE : Que vous vous connaissez bien en physionomie !
M. TURCADET : J'ai le coup d'œil infaillible. Approche, mon ami ; dis-moi un peu, as-tu déjà quelques principes ?
FRONTIN : Qu'appelez-vous des principes ?
M. TURCADET : Des principes de commis ; c'est-à-dire, si tu sais comment on peut empêcher les fraudes, ou les favoriser ?
FRONTIN : Pas encore, Monsieur ; mais je sens que j'apprendrai cela fort facilement.
M. TURCADET : Tu sais au moins l'arithmétique ? Tu sais faire comptes à parties simples ?
FRONTIN : Oh oui, Monsieur, je sais même faire des parties doubles. J'écris aussi de deux écritures, tantôt de l'une, tantôt de l'autre.
M. TURCADET : De la ronde, n'est-ce pas ?
FRONTIN : De la ronde, de l'oblique.
M. TURCADET : Comment, de l'oblique ?
FRONTIN : Hé oui, d'une écriture que vous connaissez, là, d'une certaine écriture qui n'est pas légitime.
TURCADET, Acte II, Scène 4.
FRONTIN, seul: J'admire le train de la vie humaine. Nous plumons une coquette, la coquette mange un homme d'affaires, l'homme d'affaires en pille d'autres: cela fait un ricochet de fourberies le plus plaisant du monde.
[...] il aime le jeu, le vin, les femmes ; c'est un homme universel [...]
(Crispin rival de son maître, p.119
Parbleu, Monsieur, je vous sers comme vous me payez. Il me semble que l'un n'a pas plus de sujet de se plaindre que l'autre.
Hé bien, Messieurs, puisque vous ne voulez pas nous absoudre comme innocents, faites-nous donc grâce comme à des coupables.