À chaque fois que l'on parle de l'écrivain russe du XIXème siècle
Nikolaï Leskov, il faut rappeler que sa place aux côtés des
Dostoïevski, tolstoï,
Pouchkine, et autre
Gogol au panthéon des Lettres Russes a toujours été menacée, voire refusée, sans doute du fait de son originalité, et de la difficulté à lui apposer une étiquette bien voyante.
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( Sa notice wiki française étant aussi courte et laconique que celle de n'importe quel petit capitaine… )
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Complexe, sa pensée a toujours donné du fil à retordre à ceux qui aiment la raccourcir ; souvent, ses saillies n'étaient que réactions d'agacement face aux lubies délirantes de certains de ses contemporains, dont la part proclamée « progressiste » s'apparentait alors au nihilisme, la placardant ainsi comme « réactionnaire » vis à vis de cette agitation toute citadine.
Son opposition à certaines réformes de modernisation de la société pourrait bien-sûr entrainer ce genre de qualificatif, la fin du servage semblant aller de soi dans un monde plus juste, mais ce serait se méprendre sur ses intentions, comparable en leurs apparents paradoxes à celles du philosophe ( et j'ose dire héritier )
Nicolas Berdiaev.
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Bien que largement publiée, son oeuvre donne toujours l'impression d'être singulièrement éparpillée, et sous-estimée dans sa modernité.
Ce roman est le seul à être édité aux insaisissables éditions Autrement ; on ignore si son titre résulte du choix de la grande traductrice et auteure
Luba Jurgenson car, comme le souligne dans sa critique Bookycooky ( ciao krasavitsa ! ), il n'équivaut pas l'original en se concentrant sur un seul personnage, bien que le livre s'occupe de la famille toute entière.
Mania, la benjamine, en est bien le fil rouge, l'élément singulier, au risque d'occulter l'importance dans ce récit de sa cadette Ida, elle qui porte littéralement le roman par son caractère.
Le narrateur — fort probablement incarné par
Leskov lui-même ( du fait d'éléments auto-biographiques ) — en manque sensiblement, laissant les bras ballant au lecteur face à son non-rôle dans cette histoire, lui qui tient tout de même à s'y personnifier ; à ce compte, il eut mieux fallu s'en retirer tout à fait, le matriarcat Norck se suffisant à lui-même.
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Le tout manquant parfois de structure ( faute justement de ce narrateur ? ), les allusions au milieu artistique de l'époque y restant sans vie, le développement menant à l'épilogue pouvant surprendre, s'échappant de Petersbourg comme sortant de la réalité, versant dans un discret romantisme aux atours de conte d'hiver, comme refus obstiné envers ces destins de femmes si banalement tragiques.
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Une oeuvre originale et classique à la fois, à l'image de son auteur, toujours à redécouvrir.