Chercher ses racines, c'est au fond se chercher soi-même. Qui suis-je ? Quels sont les ancêtres qui m'ont fait tel que je suis ? Des noms, d'abord, des dates, quelques photos jaunies ou, avec plus de chance, un testament, une lettre. Mais pourquoi ne pas aller plus loin, et à travers les métiers essayer de retrouver des caractères, des tempéraments, car les traits constitutifs de la personnalité sont associés par la tradition à l'exercice de divers artisanats. Ces traits relèvent de trois ordres : les traits physiques, la moralité, la psychologie. Cette pensée populaire prétend se fonder sur l'expérience mais met aussi en oeuvre toutes sortes d'équivalences symboliques...
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[L]es spéculations mythiques, extravagantes de prime abord, reposent sur des connaissances zoologiques et botaniques très positives. Les hommes n'auraient pu les acquérir s'ils n'avaient de tout temps éprouvé une curiosité passionnée pour les êtres et les choses qui les entourent. Mais la pensée mythique va au-delà de ces observations. Elle en tire des inférences non validées par l'expérience, mais qui satisfont l'imagination et la réflexion.
Comme la cuisine, la poterie suppose l'emploi du feu : les récipients d'argile doivent être cuits. Mais entre les deux feux la pensée indienne fait une double différence. En premier lieu, les humains durent conquérir le feu de cuisine soit sur des animaux représentant la nature opposée à la culture, soit sur le peuple d'en haut ; dans ce dernier cas, des terriens encore à l'état de nature s'opposent à des célestes surnaturels. Par contre, quand la poterie est en jeu les humains ne s'identifient pas avec l'un des deux camps en présence.
Le transfert de sens n'a pas lieu de terme à terme, mais de code à code, c'est-à-dire d'une catégorie ou classe de termes à une autre classe ou catégorie. On aurait tort de croire que l'une de ces classes ou catégories relève par nature du sens propre, l'autre par nature du sens figuré.
De même que le feu de cuisine, désormais présent sur la terre, atteste que le monde d'en bas et le monde d'en haut communiquaient jadis, de même l'argile à poterie qui suppose le feu – puisqu'on doit la cuire pour la durcir – joue entre les deux mondes le rôle de terme médiateur.
Lukas Bärfuss présente "Le carton de mon père – Réflexions sur l'héritage", en librairie dès le 2 février 2024.
À la mort de son père, il y a vingt-cinq ans, Lukas Bärfuss refuse l'héritage, constitué essentiellement de dettes. Il ne garde qu'un carton, rempli d'une triste paperasse. Quand, à la faveur d'un grand rangement, il l'ouvre et passe en revue ce qu'il contient, c'est toute son enfance précaire qui défile.
À la lumière de la Bible, Darwin, Claude Lévi-Strauss ou Martine Segalen, l'écrivain décortique les notions de famille et d'origine, ces obsessions dangereuses de notre civilisation. Il en profite pour évoquer les "biens jacents", ces biens sans propriétaires que sont les océans, les animaux sauvages, et surtout les déchets. Dans cet essai qui est sans doute son livre le plus personnel, Lukas Bärfuss démontre une fois encore son esprit critique acéré.
https://editionszoe.ch/livre/le-carton-de-mon-pere
Réalisation: Fran· Gremaud
Tournage réalisé dans les locaux de la HKB Berne
Avec le soutien de Pro Helvetia
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