J’en fais mon affaire est un polar lamentable, au sens le plus séduisant du terme.
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- Je ne crois pas que je reconnais cette écriture, Monsieur, et je ne connais pas de Juan Perez. Mais ça ne me semble pas être une écriture masculine, ajouta-t-elle, provocant en moi un frisson. Je restai à la regarder, les yeux écarquillés et fixes.
- Attendez un peu, s'il vous plait, lui demandai-je, j'ai d'autres exemples ici.
Je tirai de l'enveloppe la copie du manuscrit. Je remarquai pour la première fois cette écriture ravissante, arrondie, avec des points dessinés comme des petits ronds au dessus des i, tandis que le ciel me tombait sur la tête. Juan Perez était homosexuel.
- C'est une écriture de femme, dit-elle d'un ton de voix aussi assuré que si elle était experte en calligraphie, ou graphologie, ou n'importe quel idiot qui aurait fait ce que moi je n'avais pas fait : regarder attentivement cette photocopie.
- De femme, dis-je, un coin de la bouche tordue en une moue dubitative, ou alors, un homme extrêmement délicat... disons... un homme...
- Non, monsieur, elle rejeta mon assertion d'un ton catégorique, frappant le dessus du guichet de son petit poing sec. C'est une écriture de femme.
Et elle avait raison. Juan Perez ne pouvait être homosexuel ; pas avec ce style vigoureux, simple, direct.
Mais alors ça ne pouvait pas non plus être une femme. A moins que... Oui. Je savais. Juan Perez, comme presque toutes les grandes écrivaines, était une lesbienne.
Je la vis, je la vis devant mes yeux, semblable à cette fonctionnaire, peut-être un peu plus grande, avec une voix plus grave et un soupçon de moustache sur la lèvre supérieure, les cheveux serrés en chignon ou alors coupés très court... Je la vis qui portait un costume de coupe masculine...
Juana Perez, dis-je d'un ton brusque. Vous connaissez quelqu'un qui s'appelle Juana Perez ?
On parlerait du roman. Et peut-être que ça ne me ferait pas de mal de jeter un bref coup d’œil à ses sous-vêtements noirs. Le fouet, non ; ces choses là ne me plaisent pas, et ce serait dangereux de pousser Juana dans cette direction. Elle avait probablement une quantité d'aspects pervers, et je risquais de me trouver pris dans un enchaînement successif d'accessoires, d'appareils électroniques, de phoques dressés, de nains gymnastes et de joueurs de cornemuse écossais pour réussir à avoir une érection. Non, monsieur. Les choses à l'endroit, comme elles doivent l'être.
Quelque chose dans le climat de cet endroit qui exhalait l'aridité - physique et spirituelle - me fit le baptiser dans un premier temps "Poisonville"; une heure plus tard je trouvai que le terme plus châtié de "Penurias" était mieux adapté.