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Thomas Mann (Préfacier, etc.)Richard Stanley (Traducteur)
EAN : 9782859405427
416 pages
Phébus (17/09/1998)
4.04/5   124 notes
Résumé :
A la Belle époque aux Etats-Unis, un homme jeune voit sa vie de couple se transformer petit à petit en un enfer insoutenable, comme un piège inévitable, son destin prend progressivement la forme d'une prison.

Issu d'un milieu cultivé d'émigrés allemands installés dans le sud du pays, Herbert Crump est un jeune musicien plein d'avenir. Sa réussite passe nécessairement par la conquête de New York. Il quitte donc ses parents pour s'y installer et fait r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Magnifique roman sur la puissance des convenances sociales et ses déviances, le Destin de Mr Crump, à la manière d'un roman psychologique, absorbe littéralement le lecteur tant l'intrigue est implacable et cruelle…

Début vingtième siècle, Etats-Unis, un jeune artiste terriblement idéaliste, Herbert Crump, rencontre Anne Bronson Vilas que des désirs romanesques pousseront à épouser. Une femme mariée qui a abandonné son mari pour un jeune musicien, une femme totalement accaparée par ses enfants et déçue par une vie dénuée de beauté.
Mais dés que l'illusion prend un air de réalité, Herbert éprouve très vite « quelque chose de faux et de frelaté ». Il s'épuise des chicanes et subterfuges par lesquels Anne s'anime et qui s'interprètent durant les premières années de mariage comme des débordements d'un caractère romanesque et passionné.
Seulement, ce qui apparaissait comme de simples coquetteries, de petits arrangements avec la vérité, de sempiternelles demandes de gage d'amour, des affectations absurdes se transforment très vite en arme au profit d'Anne pour maintenir Herbert sous son joug. Sous la dissimulation, la tromperie, la malveillance, sous les insistances des demandes d'affection, un caractère irascible et maladivement jaloux.
Oui c'est une femme hystérique, acrimonieuse, vulgaire, impudente, vindicative, hargneuse, pleine de fiel et d'arrogance, frivole et odieuse que l'on découvre (et je peux encore allonger la liste !), une femme qui ne s'adoucit qu'en ayant obtenu ce qu'elle veut. Une femme qui aspire toutes les énergies créatrices d'Herbert et injecte toutes les exaspérations, même à un homme aussi calme et pondéré.
Dévoré de honte, Herbert Crump mène une vie dés lors qui lui ôte toute initiative, tout courage, elle brise chez lui l'élan de la jeunesse et de la créativité.
Torturé, ruiné, bafoué dans sa virilité et sa jeunesse, Herbert se voit retenu prisonnier dans cette cage du mariage « où la stupidité des habitudes sociales permettait à Anne de le tenir enfermé ».

Tout au long de la lecture de ce roman, une réflexion revient avec entêtement : quelle histoire effroyable !
Avec un réalisme cruel, Ludwig Lewisohn parvient à décrire de manière pénétrante l'enfer de ce mariage, il n'épargne le lecteur d'aucun détail sordide. L'auteur s'évertue à démontrer que ce mariage n'aurait jamais dû être contracté tant ces deux personnages appartiennent à des mondes différents. L'épouse est un véritable acide qui ronge et dissout toutes les faiblesses, avec un univers moral proche du chaos. L'époux, un idéaliste doux, patient, profondément vertueux, généreux, bercé par une enfance jamais contrariée se révèle être même de l'aveu de l'auteur « une nature qui n'était ni dure ni portée à l'orgueil ou à la vanité, et était même peut être trop dépourvue des énergies qui s'éveillent dans l'âme d'un homme se respectant à juste titre ». Parce que trop scrupuleux et trop faible, Herbert souffre de toutes les peines, toutes les humiliations et toutes les privations du corps et de l'esprit à cause de cette femme trop préoccupée d'elle-même.
Ce contraste est saisissant et rend l'intrigue aussi haletante qu'un polar. Il fait naître un affrontement violent qui va grandissant avec une violence toute silencieuse et sournoise. Jusqu'au dénouement, on hésite sur les motivations profondes d'Anne : aveuglement stupide ou méchanceté cruelle ?
C'est aussi un affrontement habilement entretenu qui abolit la frontière entre la réalité du récit et le parti pris du narrateur qui, extérieur au couple, est cependant étrangement proche d'Herbert Crump. En s'intéressant à la biographie de l'auteur, on découvre alors que le Destin de Mr Crump a des reflets autobiographiques : Ludwig Lewisohn a été terriblement marqué par un mariage subi, un mariage obéissant aux conventions sociales de l'époque.
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On a parlé à propos de ce livre d'un récit atroce et insoutenable. Je trouve cela exagéré, du moins à notre époque. Mais le roman fut très mal accueilli en Amérique. Il portait atteinte aux valeurs, et à la figure de la femme.

Pourtant je le vois plus comme un exemple de la complexité des rapports au sein d'un couple.Certes dans ce ménage le quotidien est dénué de tendresse et d'amour et le foyer est tout sauf douillet. Je ne nie pas qu'Anne soit tout à fait vulgaire, stupide et méchante mais je n'arrive pas à voir Herbert comme une victime innocente.

Herbert est un jeune homme dont la famille est d'origine allemande, comme l'auteur lui même Élevé selon des principes de droiture, il se destine à une carrière de compositeur. L'avenir se présente très bien, mais la vie lui réserve une surprise de taille. Dans sa recherche d'un travail il est mis en relation avec Anne, une femme de vingt ans son aînée, qui le séduit. Mariée, mère de trois enfants dont un garçon à peine plus jeune qu'Herbert, elle le piège. Celui-ci se rend compte qu'il ne sera pas heureux avec cette femme mais par faiblesse et à cause des conventions de l'époque concernant les relations entre hommes et femmes, il se laisse faire. Un peu par orgueil aussi je pense, il ne manque pas de regarder de haut Anne et sa famille et ne veut pas se mettre en tort.

C'est le début d'une longue déchéance. Alternant attitude autoritaire et demande de tendresse, essayant de jouer sur ses sentiments et sur son sens de la morale, son épouse veut le dominer totalement, tandis qu'elle perd le peu de séduction qu'elle avait, d'autant qu'elle abandonne tout respect de soi. Par ailleurs elle l'oblige à subvenir aux besoins de tous ses enfants.

Toutefois le succès professionnel est au rendez-vous ainsi que l'amitié. Mais cela peut il compenser une vie intime sordide ?
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Quand j'ai lu sur "Mister G" alias Google ceci « Composé en 1926, refusé d'abord par tous les éditeurs américains qui hurlèrent d'une seule voix à la provocation et au scandale, le Destin de Mr Crump connut entre les deux guerres la même aventure qui, trente ans plus tard, sera celle de Lolita, le chef-d'oeuvre de Nabokov. Publié en anglais à Paris, puis traduit en français en 1931 (avec une préface de Thomas Mann), le livre de Lewisohn (1883-1956), qui fascina Freud, ne verra le jour aux États-Unis qu'en 1947 - et encore en version expurgée. Un livre insoutenable consacré à l'enfer du couple... Un grand roman politiquement et moralement incorrect qui, trois quarts de siècle après sa parution, n'a rien perdu de sa sournoise inconvenance. » je me suis dit que mon choix pour le thème « roman du 19ème siècle ou se déroulant au 19ème siècle » n'était peut-être pas le bon. Comme je dois diminuer ma PAL, je n'ai pas changé de cap.
Herbert Crump est un jeune homme issu de l'immigration allemande et d'un milieu cultivé, installé dans le Sud des Etats-Unis et promis à une belle et brillante carrière de musicien. le jeune homme est doué, d'une extrême sensibilité et respectueux des convenances de son milieu social.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes : Herbert rêve, imagine, compose, apprend, lit, rit avec ses amis, lorgne discrètement les jeunes filles en fleurs sans pouvoir de libérer de sa timidité. Ce qui, forcément, engendre une certaine frustration. Or les convenances, le respect des us et coutumes, la réputation familiale, le cadre de son éducation font que Herbert et ses amis restent policés.

Ses études achevées, il quitte ses parents pour vivre à New York, la ville où tout ce qui compte dans le monde artistique expose et se produit. C'est là que les maisons d'éditions musicales sont installées, que les salles de spectacles ouvrent, là que les mécènes vivent, c'est « the place to be » si on souhaite faire connaître son talent, percer et évoluer.

New York, ville prodigue aux mille et une facettes, sera l'alpha et l'omega d'Herbert : il y sera publié, joué, il y rencontrera des personnes influentes et il croisera le chemin de celle qui fera de sa vie un absolu enfer. Anne Farrel, épouse Vilas, de vingt ans son aînée.



Le roman est celui d'un enfer conjugal au coeur duquel Herbert est un enjeu de choix pour son épouse qui derrière une apparence discrète et aimable cache un monstre au fond de son âme : celui de la possessivité et de la manipulation au point qu'elle encage, subtilement d'abord puis de plus en plus férocement, le jeune Herbert. Anne a des atouts de poids pour tisser sa toile : la peur viscérale d'Herbert d'outrepasser les convenances et de ne pas respecter le cadre de sa classe sociale ; et la nécessité pour lui de vivre en paix et au calme pour composer ses symphonies ou ses chansons.

Le crescendo est très bien construit, les multiples petites portes de sortie possibles amenées de manière à ce que Herbert les rate parce que justement s'il les emprunte il brise une harmonie sociale et ne respecte pas les principes de droiture avec lesquels il a été élevé. Anne a le talent des mégères, des viragos, de reconnaître le moment où sa victime risque de lui échapper.

Tout au long du roman, Anne n'est perçue que par le prisme de sa monstruosité car elle est monstrueuse, elle distille son poison dans chaque interstice du quotidien. C'est tellement féroce que le lecteur ne peut que s'interroger sur la santé mentale de ce personnage terrifiant et absolument horrible. Comment est-ce possible de se conduire comme Anne le fait ? Pourquoi en est-elle arrivée là ? Une personne peut être d'un naturel odieux et méchant mais bascule-t-elle dans ce genre de folie furieuse où la peur de l'abandon, l'envie viscérale d'être aimée, de posséder, la sensualité et sa gamme d'expressions se mêlent en une cacophonie hideuse ou en une maladie infectieuse que l'on ne peut pas guérir.

Anne agace très vite avant de provoquer l'apparition de la détestation puis de l'incompréhension : pourquoi cet acharnement qui ne lui apporte qu'angoisses, peines et haine ? Pourquoi insiste-t-elle alors qu'elle constate le naufrage de son mariage et la disparition de tout sentiment amoureux chez Herbert ? le lecteur est impuissant devant le carnage incessant au sein de ce couple qui n'a jamais joué la même partition. Il est impuissant mais aussi frustré : à aucun moment une explication est cherchée pour comprendre la nature castratrice d'Anne car, inévitablement, il devrait avoir une explication à sa nature plus que tourmentée. (et on comprend pourquoi ce roman a fasciné Freud)



L'enfer est une cathédrale de douleurs, de sévices, on sait en lisant le roman qu'il n'est que laideur et saleté, morale autant que physique, repoussante quand il se répand dans la vie conjugale. Là encore, Anne est dotée des pires manies au point qu'on se demande quand Herbert aura, enfin, le courage de mettre fin au massacre de sa vie.

Il ne voit la lumière et la beauté du monde que lorsqu'il quitte son domicile pour rejoindre son éditeur ou une mécène importante du monde musical. Il n'est heureux que loin de l'emprise de son épouse or cette joie est rapidement ternie par son intrusion dans son jardin secret. Anne est un chancre qui salit tout ce qu'il approche.

On la déteste, on la méprise mais surtout on la plaint car ce qu'elle porte aux tréfonds de son âme doit être intolérable pour qu'elle se transforme en furie grecque.



Et Herbert ? Il est évident qu'il porte en lui le germe de sa captivité conjugale et morale : dans son monde où l'éducation et la culture forment les esprits à apprécier tout ce qui peut faire grandir l'être humain, on ne se montre pas brutal envers les femmes, on respecte les conventions sociales de son milieu, on est poli et policé … autant dire que rien ne l'a préparé au choc de la vie au quotidien avec une femme atteinte d'une folie que personne ne veut voir ou admettre.

Au fil de ses renoncements et de ses défaites (pour avoir la paix), il sombre dans le désespoir le plus intense, il s'accroche à sa créativité et tente de voir chez Anne ses bons côtés.

Le lecteur est là, tout près, avec l'envie irrépressible de lui murmurer d'en finir avec cette femme castratrice, de l'abandonner sans se poser de question et de tourner, enfin, la page. Las, la chape des convenances et des principes de droiture fait qu'il ignorera les rares moments où la porte de cage sera ouverte. Dans ces moments, Herbert est le personnage le plus exaspérant qui soit et on se prend à penser qu'il mérite ce qui lui tombe sur la tête car il n'agit pas en homme laissant libre cours à sa virilité. Sauf qu'avec Anne, il est préférable de marcher sur des oeufs : son talent est tel qu'elle peut transformer le moindre geste en pure tragédie.



Quand l'horreur s'arrêtera-t-elle ? Elle cessera, amenée avec art par l'auteur, au grand soulagement du lecteur... quoique....les questions demeurent et le laissent forger son propre jugement.



« le destin de Mr Crump » est un roman d'une rare férocité envers une image de la femme, férocité qui peut heurter et être mal interprété. Je suis certaine que le portrait dressé d'Anne pour unique qu'il soit peut se retrouver, de manière parcellaire, en littérature classique, on pense à « Vipère au poing » de Bazin ou encore au « Noeud de vipère » de Mauriac.

C'est aussi un roman qui dénonce, de manière jubilatoire, l'hypocrisie des conventions sociales (les amis d'Herbert le plaignent et détestent sa virago d'épouse mais ne l'aident en rien), le puritanisme américain et son matérialisme conformiste (Anne est une virtuose de la dépense-punition après les scènes violentes avec Herbert). J'ai beaucoup aimé la description de l'intérieur d'Anne : une accumulation d'objets, un manque manifeste de gestion ménagère, un laissez-aller extraordinaire qu'elle fait oublier en un tour de main quand cela devient vital. Les jolis rideaux de soie dorée ne dissimuleront jamais entièrement la laideur d'un goût douteux. Une métaphore de ce matérialisme conformiste américain associé au puritanisme : c'est beau et lisse en façade, sordide et laid de l'autre côté du mur.
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Bienvenue dans l'enfer du couple !

Début du 20ème siècle, Herbert Crump est un très jeune musicien à l'avenir prometteur. Fils d'immigrés allemands, bourgeois et cultivés, il arrive à New-York dans l'espoir de se faire une place dans le monde très fermé de la musique.

Embauché comme directeur musical et chef de choeur, il ne tarde pas à rencontrer Anne, de 15 ans son ainée. A peine remis d'une déception amoureuse, Herbert, jeune homme romanesque, va vite succomber aux charmes de cette femme mariée, apparemment cultivée, mais qui va très vite révéler son visage machiavélique et user de toutes les armes dont elle dispose (manipulation, chantage affectif, menaces,) pour refermer son piège sur ce pauvre jeune homme. Par peur du scandale, de la honte et sous le poids des convenances sociales, le destin de Mr Crump va très vite basculer.

90 ans après son écriture, ce récit garde toute sa force. On pourra certes penser que Herbert Crump est faible et naïf vis à vis de sa « geôlière » mais il faut remettre le récit dans le contexte et les moeurs de l'époque. Et d'ailleurs, quand on repense à l'affaire Clinton/Levinski ou plus récemment à l'affaire DSK, on se dit que l'Amérique du 21ème siècle n'est peut-être pas si différente de celle que nous dépeint Ludwig Lewisohn.

Ce roman, d'une rare violence psychologique, se dévore. Je le conseille à tous !
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Le destin de Mr Crump est une oeuvre fascinante et totalement addictive, qui m'a tout à la fois passionnée et remplie d'effroi. Lewisohn, auteur juif américain d'origine allemande, signe un livre atroce et glaçant, qui dissèque avec une froideur et une minutie presque cliniques les dérèglements quotidiens d'un mariage sans amour. L'auteur dresse un tableau ahurissant de l'enfer conjugal vécu par le malheureux Herbert Crump, lequel subit la domination d'une épouse puérile et capricieuse, prête à tout pour arriver à ses fins. Constamment rongée par la jalousie, manipulatrice à l'extrême, Anne l'exploite sans relâche, lui soutire de l'argent, se livre à moult chantages affectifs, et tente vaille que vaille de l'isoler de sa famille et de ses amis, en se montrant on ne peut plus odieuse avec ces derniers.

Herbert, bien naïf et totalement impuissant devant l'effondrement progressif de ses certitudes, est bel et bien prisonnier des convenances de son époque. Car la femme possède indéniablement l'avantage en ce début de XXème siècle : que l'homme s'avise seulement de vouloir quitter son épouse, et il se verra immédiatement traîné en justice ; son nom sera irrémédiablement souillé, et il devra à jamais payer les conséquences de son abandon. le jeune compositeur, avide de plaisirs charnels et de création musicale, n'a alors d'autre choix que de renoncer à la vie calme et paisible à laquelle il aspirait, pour subir les assauts quotidiens d'une mégère bien plus âgée que lui, qui lui impose par ailleurs la médiocrité de sa progéniture. On le plaint évidemment, et si sa passivité peut agacer dans un premier temps, on se rallie bien vite à la cause de ce jeune homme doué et dévasté par l'ampleur du désastre de son existence sacrifiée, à des années lumière de ce que ses parents cultivés et respectueux espéraient pour leur unique rejeton.

Anne est un personnage complexe et terrifiant, dont le comportement totalement excessif et manipulateur semble posséder tous les attributs d'une quelconque maladie mentale. Parfois sincère dans sa démesure, elle joue en public les épouses aimantes et dévouées, maîtrisant à merveille les codes de cette société bien-pensante et semble-t-il totalement acquise à sa cause. Herbert se retrouve malgré lui à la tête d'une famille de fous, à laquelle il consacre la totalité de sa maigre fortune. Tout est glauque et atroce. Cette étrange tribu recomposée, étouffée par les dettes, vit dans la saleté, les reproches et l'hypocrisie. le lecteur est constamment saisi d'horreur, et tourne frénétiquement les pages, dans l'attente du pire. le sentiment de malaise s'intensifie, et chaque chapitre franchit un nouveau pas vers l'ignominie. de quoi vous dégoûter à jamais du mariage !

Le roman, envoûtant et très habilement construit, surprend également par son ton sobre et distancié, presque léger, qui contraste avec le comportement abominable d'Anne et l'enfer du quotidien vécu par Herbert. Lewisohn s'attaque avec une réjouissante immoralité à l'une des institutions les plus sacrées qui soit. Shocking ! Il n'est pas surprenant que le destin de Mr Crump, rédigé en 1926, ait été interdit pendant de nombreuses années aux Etats-Unis avant de pouvoir enfin être publié. Je l'ai personnellement trouvé passionnant d'un bout à l'autre.


Un roman politiquement incorrect, qui présente une image peu reluisante de la vie de couple. Atroce et délicieusement immoral. Une découverte saisissante !

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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Elle entourait encore une fois la tête d'Herbert de ses bras nus. Il semblait y avoir dans sa voix une réelle tendresse. C'est cette tendresse, dont l'impression persista en lui, qui l'empêcha de voir les mâchoires du piège où il était pris. Celui-ci avait-il été tendu de propos délibéré ? Avait-on fait jouer intentionnellement le ressort pour refermer les mâchoires ? Sur ce point, Herbert réserva toujours son jugement. Peut-être était-ce une vanité essentielle, au fin fond de lui-meme, qui le faisait penser ainsi, une répugnance à croire que dans sa vingt-quatrième année il n'était qu'un sot fieffé. Puis ce fut comme si un serpent lentement, peu à peu, l'eût étreint de ses replis et lui eût comprimé la poitrine. Il fut certain de la duplicité instinctive d'Anne, de sa perfidie sans borne. Il continuait à vouloir croire, à se forcer à croire, que durant ces premiers jours fatals, elle avait été poussée par une passion sincère, et avait été la victime et non la maîtresse des événements.
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Il ne voulait pas entendre la vérité sortir d'autres lèvres. Il la connaissait. Il savait qu'Anne avait quarante-quatre ans, qu'il avait été pris au piège et joué. Anne avait une âme vulgaire en dépit de sa culture qui, après tout, n'allait pas bien loin. Elle avait lu bon nombre de romans et de poésies anglaises, c'était tout. Et au fur et à mesure qu'il la connaissait, sa honte augmentait. Jamais, jamais - comme il le compris si bien avec le temps ! - il ne pourrait confier à qui que ce fût son histoire et sa souffrance. Car cette honte qui dévorait son âme autrefois digne et délicate y avait fait naître la crainte constante que d'autres ne se rendissent compte de ce que son sort avait de lamentable et de ridicule.
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À l'époque comme plus tard, où qu’il allât, tout le monde comprenait du premier coup d'œil que son mariage avec dû être une terrible erreur. Il n’échappait pas à sa femme qu'il en était ainsi ; que Herbert, par son attitude même, donnait involontairement cette impression. Cela la rendait furieuse et suscitait d'autant plus chez elle le désir d'être là tout occasion pour tenter d'éviter que ne naisse cette impression. Ce qu'elle ne sut jamais - et, étant ce qu'elle était, ce qu'elle le put jamais même être amenée à soupçonner - était qu'il suffisait qu'elle fût présente pour que chacun comprît la cauchemardesque situation et que tous, oui vraiment tous - hommes et femmes - eussent immédiatement pour lui une formidable sympathie. Ces deux êtres marchaient côte à côte, tous deux dans les ténèbres, mais chacun dans sa nuit à lui.
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Elle fit de son mieux pour emprisonner Herbert dans des tentacules tour à tour caressants et fermes, pour jouer de sa dépendance sexuelle, pour profiter des ses élans de pitié, de son sens de l’honneur. Elle fit en sorte d’être enceinte, provoqua au bout de huit semaines un avortement sans grand danger, et ainsi, peu avant le départ de Herbert, apparut pâle, aimante, souffrant courageusement pour lui. Les promesses et les assurances qu’elle lui arracha en cette occasion, elle les garda soigneusement comme des armes dont elle se servirait dans l’avenir.
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Une fois de plus, il pensa à la fuite. Il n’avait pas d’argent. Il n’avait ni l’intrépidité d’esprit, ni la résistance physique, qui lui eussent permis d’affronter l’existence des vaincus et des parias de la société – vagabonds, plongeurs, portiers de saloons, pianistes de maison de débauches. Il n’était pas certain non plus que, s’il disparaissait, ses parents n’entendraient pas les échos des clameurs d’Anne. Elle aimait raconter l’histoire de la dame musulmane du temps des Croisades, qui, abandonnée en Égypte par son amant chrétien, partit à pied et erra à travers l’Europe, un seul mot sur les lèvres, son nom, le nom de Gilbert. Quand Anne racontait cette histoire, elle y mettait une teinte d’humour pathétique. Mais cet humour et ce pathétique cachaient, comme Herbert le comprit rétrospectivement, une dureté, une volonté de fer et un manque de vergogne tout agressif bien qu’ils s’affichassent comme impuissants. Non, il n’y avait rien à faire. A moins qu’elle ne se résignât, il était perdu, damné. Le monde et la moralité officielle mettaient toutes les armes dans la main de cette femme. Une révolte, ou une violence quelconque de sa part à lui entraîneraient la ruine et le déshonneur, non seulement pour lui, mais pour son père, pour un nom honorable. Réfléchissant à la situation et tirant les choses au clair avec une sagacité aiguisée par le danger, considérant comment il avait été joué, et comment il allait probablement voir ruinés son bonheur, sa paix, ses espérances, ses ambitions, Herbert dressa le bilan de la morale officielle de son temps et de son pays: un amas de mensonges barbares, immondes, dépourvus de générosité, lâches, vulgaires, que toute âme un peu élevée se devait de mépriser, de défier et de fouler aux pieds….
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