AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782846269124
180 pages
Au Diable Vauvert (11/09/2014)
3.62/5   8 notes
Résumé :
Lors de la tournée promotionnelle d’Infinite Jest, le chef-d’œuvre qui va lui conférer une gloire mondiale, David Foster Wallace digresse sur son époque – télévision, littérature, célébrité, sport, addictions. Au delà d’un entretien, une passionnante confession, intime et artistique.
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après Même si, en fin de compte, on devient évidemment soi-même: Sur la route avec David Foster WallaceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Quand David Foster Wallace a évolué dans ce monde, avec son 1m83 et ses 100 kilos, la fragmentation du zapping avait déjà pris la place de quelque système éthique que ce soit. Rendre compte de tout ce zoo fragmenté était sa mission. Lipsky, rédacteur pour Rolling Stone, allait à sa rencontre pour en brosser le portrait fasciné. Il fallait apprivoiser ce romancier à chiens baveux pour compagnons centraux, collé aux addictions diverses, qui aspirait à maîtriser le fruit de ces entretiens, pour ne pas passer du côté de ces prétentieux feignant de ne pas l'être. Il donnait à l'université de l'Illinois ses cours de narration (motivé originellement par l'assurance maladie), plutôt formulés comme des sentiers humoristiques chargés d'aider ces rangées de jeunes, fanatiques comme lui de basket et de football, à devenir eux-mêmes. Il s'arrêtait parfois en pleine évocation quant à la manière d'être drôle, déclarant avoir buggé. Il appréciait le premier opus Piège de Cristal, mais ne comprenait pas pourquoi tout le monde devait s'infliger toute la suite. Il allait voir Broken Arrow avec Slater et Travolta, suivant le film très au premier degré, avec des « ouah » et des « la vache » devant les aléas spectaculaires, appréciant les films avec explosions. Il passait pas mal de temps avec des chips, un canapé et du soda, comme tout américain moyen, à regarder des programmes bas de gamme, sans pourvoir s'arrêter. Si les attouchements solitaires avaient le mérite de provoquer quelques stimulations musculaires et neurologiques, il était convaincu que les générations hypnotisées et nourries par des écrans de virtualité débordés de hachures haineuses dont il faisait partie allaient en mourir tant elles avaient trouvé le point de parfaite vacuité. Leurs terminaisons nerveuses n'en sortiraient pas indemnes. Trop de tiraillements contraires, trop d'interférences, de dilatation de l'attention. Il n'est pas improbable qu'il projetait sur les autres sa propre constitution, lasse de devoir trier ce flot d'information perpétuel. Il tentait de mettre tout cela à plat dans ses textes. Ça le passionnait, le hantait et l'énervait, cette incertitude de faire quelque chose de nécessaire. Il doutait de ce journaliste et de sa bonté éventuelle par exemple. Il doutait de son propre intérêt, tout en dégageant l'impression contraire. Il n'assumait qu'à moitié d'être ce phénomène attirant la curiosité des fans et avait du se mettre sur liste rouge pour ne plus répondre aux demandes loufoques ou inquiétantes. Il refusait de sonner universitaire et avouait avoir fantasmé sur Alanis Morrissette, Melanie Griffith ou Margaret Thatcher.

Lipsky doit le suivre le long d'une tournée littéraire, avec signature et séance de questions/réponses. Vol pour Chicago, puis direction Minneapolis. Wallace vise la fin de la tournée, quand on se sent devenir une épave, au fond d'un parking d'aéroport. Mais avant ça, il aura connu cette suave sensation d'être aimé par tout un pays, du genre à se rouler dans le miel en se dandinant au coeur d'un dessin animé. Il observe tout ce qui l'entoure, comme ces types qui ont trois doigts dépassant de leur poche de pantalon. Les compagnies d'assurances et leurs méthodes violentes, « les Mozart de la mitraillette ». Incapable d'accepter des avances pour des livres non rédigés, d'être totalement reconnu sans se sentir sur la voie de la prostitution, Wallace se souvient de sa vingtaine, quand il se pensait génial et que ça le rendait encore plus malheureux. Il s'imprégnait de la musique des autres, en sorte de faussaire des ambiances, ex garçon de bain pour centre de remise en forme, puis agent de sécurité promis à tous les suicides ratés. Boire, ne plus boire, courir, trouver la santé définitive, devenir ce mec normal mais pas tout à fait puisqu'il le simulerait. Il se sentait parfois parader, en parodie de l'écrivain pensif, ne menant pas pour deux sous une vie rock and roll mais rivée à la réalité des faits : 34 ans de solitude et de papier à gratter. Son programme se révèlera plutôt être : réaliser les étapes une à une menant à soi, précipiter sa mort plutôt que subir la ronde des axiomes faux qui font le socle vital de ceux qui durent longtemps. Voir l'illusion jusqu'à la paralysie puis danser hors du temps.
Commenter  J’apprécie          00
En 1996, le jeune David Lipsky encore quasi débutant dans le métier d'écrivain est envoyé par le magazine Rolling Stone pour suivre David Foster Wallace lors de sa tournée promotionnelle en faveur de son roman évènement L'Infinie Comédie. Pendant 5 jours, il partage le quotidien de Wallace, en voiture de location, dans les aéroports, à l'hôtel, chez lui. En 2010, deux ans après le suicide de Wallace, Lipsky publie in extenso le road trip de 1996 et les discussions qui se sont tenues entre les deux hommes. Le livre s'adresse surtout aux familiers de Wallace mais il peut, pourquoi pas, être vu comme une introduction à l'oeuvre de cet auteur pour ceux qui ne le connaissent pas.

J'ai trouvé un peu désinvolte le parti pris de Lipsky de tout retranscrire de la conversation de l'époque, enregistrée sur des bandes magnétiques. C'est amusant au début mais cela devient un peu lassant à la longue ; on n'est pas épargné par aucun détail trivial : quand Wallace traite de connard le chauffeur de la voiture d'en face ou quand il demande à son intervieweur si cela ne lui dérange pas d'ouvrir un peu la vitre de la voiture. D'autre part, les lecteurs français peuvent se sentir perdus quand les deux hommes font d'abondantes références à la culture populaire américaine notamment télévisée. J'avoue que cela a été parfois mon cas. C'est intéressant néanmoins de voir ce qui constitue le référentiel culturel d'un homme de cette génération (Wallace est né en 1962).

A part cela, le livre comporte de nombreux passages passionnants qui montrent Wallace face à son destin d'écrivain : ses obligations promotionnelles, la concurrence entre écrivains, les relations avec les éditeurs, son rapport à la célébrité naissante, le devoir qu'il s'impose d'être au maximum de ses possibilités créatrices, son ambition artistique, son optimisme pour le futur du livre et de la fiction, sa foi en la littérature que Wallace considère comme un outil nous permettant de prendre conscience de choses auxquelles il est habituellement difficile d'être attentif… Le livre donne également un éclairage sur les éléments autobiographiques et les intentions de l'écrivain dans l'Infinie Comédie, par exemple sur l'usage du thème de l'addiction aux drogues comme métaphore de l'addiction américaine au divertissement et à la séduction de l'image. Dans ses paroles de 1996, année où Internet était encore dans son stade infantile, Wallace apparaît comme singulièrement visionnaire lorsqu'il livre ses réflexions sur un monde noyé sous un flux ininterrompu d'informations et sur le caractère inéluctable de la mise en place de filtres qui permettront de surnager dans ce flot gigantesque et ce au détriment de notre liberté.
Commenter  J’apprécie          20
En quelques jours épiques David Lipsky, lui-même écrivain en devenir et journaliste pour Rolling Stone, a la chance de suivre David Foster Wallace en tournée promotionnelle. Il parvient dans cet ouvrage qui mêle entretiens et souvenirs personnels à retranscrire à la fois la vivacité d'esprit du romancier, tout en dissociant la part de provocation dans son discours, qui oscille entre bravade et manque de confiance en soi. Même en conduisant l'auteur parvient ainsi à saisir les pensées fugaces, et d'une telle justesse qu'on en reste parfois pantois. Ce portrait en mouvement permet d'appréhender le parcours fulgurant de celui qui aura marqué la littérature des années 90, saisissant sur le vif son époque.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Oh - pourquoi je pense que vous devriez faire un livre sur la télé, c'est parce que le problème ne va pas disparaitre. Je ne sais pas pour vous, mais dans dis ou quinze ans on aura de la pornographie en réalité virtuelle. Et si je ne développe pas un mécanisme me permettant de décrocher du plaisir chimiquement pur et de sortir de chez moi, vous voyez, pour faire les courses et payer le loyer ? Je ne sais pas pour vous, mais je vais être obligé de quitter cette planète. De la pornographie. En réalité. Virtuelle. Vous comprenez ce que je veux dire ? La technologie va s'améliorer sans arrêt dans son domaine, qui consiste à nous séduire au point que nous en devenions dépendants à un niveau inouï, pour que les publicitaires soient certains qu'on regardera leurs publicités. Et comme c'est un système technologique, il est amoral.
Il n'a aucune responsabilité à notre égard : il a un travail à faire. La partie morale, c'est à nous de nous en charger. (p. 164)
Commenter  J’apprécie          10
[Ce que c'est d'être un écrivain]... essayer de retracer. Je ne suis pas certain qu'on vaille mieux que d'autres, mais nous tournons en rond et nous sommes capables de décrire nos tentatives pour retracer notre errance, de manière à laquelle les autres peuvent s'identifier. Je ne crois pas que les écrivains soient plus intelligents que la moyenne. Je crois qu'ils sont plus captivants dans leur bêtise ou dans leur confusion.
Commenter  J’apprécie          20
Si vous reprenez Hobbes, la raison pour laquelle nous avons fini par réclamer, la raison pour laquelle les peuples à l'état de nature ont fini par implorer un gouvernement ayant droit de vie et de mort sur eux. Nous sommes absolument obligés d'abandonner notre pouvoir. Ça va marcher exactement de la même façon avec Internet. A moins qu'il y ait des murs et des sites et des filtres qui nous disent, "vous voulez de la bonne fiction sur le web ? On va vous trouver ça." Parce que vous mettrez quatre jours à trouver quelque chose de potable au milieu de toute cette merde, d'accord ?
On va supplier, on va littéralement payer pour ça. Mais une fois qu'on l'aura fait, tous les beaux rêves de démocratie passeront évidemment à la trappe. Et on reviendra à trois ou quatre studios hollywoodiens, quatre ou cinq maisons d'édition, qui seront le... d'accord ? Et tous ceux qui râlent, tous les anarchistes qui râlent contre la concentration du pouvoir dans ces élites médiatiques, ils vont se rendre compte que c'est le système actuel qui impose ça. De la même manière que - et j'en suis absolument convaincu - le despote chez Hobbes est l'extension logique de l'état de nature. (pp. 170-171)
Commenter  J’apprécie          00
Ce qui m'inquiète le plus, enfin, j'ai un problème, j'ai une très faible capacité à me réjouir de ce qui se passe. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que je ne me réjouis pas de ça. Et, à la place, d'en attendre encore plus de moi-même. Et ce qu'on attend de nous-même, ça se joue à pas grand-chose. parce que jusqu'à un certain point, ça peut-être motivant, stimulant, comme un lance-flamme accroché au cul qui nous ferait avancer. Et au-delà de ce point, ça devient toxique et paralysant. (p. 454)
Commenter  J’apprécie          10
En plus Internet évolue, en même temps que notre capacité à nous connecter - au aurait pu faire ça par e-mail, vous et moi, et je n'aurai jamais eu à vous rencontrer, et ça aurait été plus simple pour moi. Non ? Et bien, à un certain moment, on va devoir construire des mécanismes, dans nos tripes, pour nous aider à affronter ça. Parce que la technologie va s'améliorer encore, encore, encore, encore. Et ce sera de plus en plus facile, et pratique, et agréable, de se retrouver seul face à des images sur un écran, qui nous serons procurées par des gens qui ne nous aiment pas, mais qui ne veulent à notre argent. Et c'est très bien. A petites doses, d'accord ? Mais si ça devient le socle de votre régime alimentaire, vous allez mourir. D'une manière significative, vous allez mourir. (p. 167)
Commenter  J’apprécie          00

Videos de David Lipsky (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de David Lipsky
Author Series | David Lipsky | The Parrot and the Igloo
autres livres classés : bipolaireVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Autres livres de David Lipsky (1) Voir plus

Lecteurs (18) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
437 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}