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EAN : 9782721004710
297 pages
Editions des Femmes (13/03/1998)
4.04/5   28 notes
Résumé :
Bilingue - L'auteur travaille " dans l'imprécision blanche de l'Intervalle ", entre la vie et la vie. Ce premier roman est l'aventure de Joana, fille d'une mère " pleine de pouvoirs et de maléfices ", indépendante, obstinée, le diable en personne, tôt disparue, et d'un père lointain et distrait. Joana, c'est la légèreté contre la pesanteur, l'amour — cette force en elle qui démasque les faux-semblants —, la liberté " même si elle est peu de chose au regard de ce qu'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Belle plume qui n'est pas toujours simple à lire car très subtile. Des phrases peuvent paraître banales voire incompréhensibles mais elles cachent des significations, des introspections. Des descriptions nous permettent de se situer ou de se perdre à se projeter dans le décor.
La méthode utilisée pour rédiger le livre peut nous faire penser à une succession de nouvelles mais l'héroïne, Joana nous fait découvrir de nouveaux personnages à chaque chapitre lors de la première partie. Elle partage toutes ces questions, ces réflexions de pages en pages jusqu'à la dernière.
J'ai très apprécié la subtilité d'écriture du dernier chapitre.
Je recommande vivement si vous aimez la littérature classique étrangère qui prend le style de nouvelles sans y être. Ce livre est pour vous !
Un grand merci à Babelio pour la masse critique et aux éditions des femmes - Antoinette Fouque pour l'envoi de ce livre et m'avoir fait découvrir cette talentueuse auteure.
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C'est le roman d'un naître à soi, d'un déploiement. C'est la conscience d'un corps qui s'habite. La conscience qu'elle le dépasse, qu'il l'enferme, qu'il définit, c'est une conscience qui n'entend pas s'y arrêter. Et le désir vivace de s'accomplir absolument dans le corps et l'esprit unis.

La jeune Joana se meut, se déploie, s'articule, se surprend prendre corps. C'est le temps d'un devenir femme. Qui s'étire. D'un devenir soi. C'est la surprise de se déceler, de se sentir corps, de le sentir trop peu, de manquer de place dans l'être chair. C'est un corps à esprit qui se joue dans une écriture sensuelle et ouatée, délicate, onirique, parfois flottante, parfois d'une abstraction un peu déconcertante. Où l'on lit une force de vivre éclore.

C'est un ravissement de s'apparaître. L'étonnement de l'incarnation.

"La jeune fille rit doucement de joie de corps. Ses jambes minces, lisses, ses seins petits ont surgi de l'eau. Elle se connait à peine, n'a même pas grandi entièrement, elle a seulement émergé de l'enfance. Elle étend une jambe, regarde son pied de loin, le meut tendre, lentement comme une aile fragile. Elle lève ses bras au dessus de la tête, vers le plafond perdu dans la pénombre, les yeux fermés, sans aucun sentiment, seulement du mouvement. Son corps s'allonge, s'étire, resplendit humide dans la demie obscurité - c'est une ligne tendue et tremblante (…)."

Joana naît à elle-même envers le monde, dans le choix d'une existence intérieure pure, vécue dans les plis d'une réalité de laquelle elle s'est mise au bord, assouplie et pliée dans les bons vouloirs simples de son mari Octavio, qui ne la limite qu'en faits. Pas en pensée, pas en elle-même. Elle, sera toujours au dessus, au delà. En dedans.

La réalité de Joana n'est que dans son être à elle-même.

Dans le monde des choses, elle échappe, s'échappe et devient impalpable presque, pour le lecteur. Sa réalité n'est qu'incarnée et intérieure ; Joana noue le corps et l'esprit dans une intelligence sensible qui est son mode d'être absolu. Et c'est en ça qu'elle me touche, c'est dans cette possibilité que ce personnage me trouble et m'éblouis.

"Elle fut si corps qu'elle fut pur esprit. Elle traversait les événements et les heures immatérielle, se glissant entre eux avec la légèreté d'un instant (..)"

Il ne se produit rien dans l'extérieur d'elle. Son entourage est un décor, les personnages sont le théâtre d'une vacuité qui propulse, plus avant, plus profond, dans son intériorité. le monde alentours joue en contre-jour pour faire rayonner plus pleinement l'explosion de force de cette jeune fille puis de cette femme qui se découvre pleine, et libre, et avide de ce plein. le vide est autour, il est le monde environnant. Seule, en dedans d'elle, est la vie, l'explosion de vie qui submerge et détend les limites du corps.

Elle est corps et âme dans un tout qu'elle ne fragmente pas. Dans un tout qu'elle ne parvient pas à fragmenter. Son âme se dissout dans tous ses gestes, dans les mouvements du corps qui vont vers. Vers un dépassement, vers une totalité de l'intelligible et du sensible.
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Près du coeur sauvage (1944) est son premier roman, écrit paraît-il à l'âge de 17 ans et publié seulement en 1944. le titre émane du livre de James Joyce A portrait of the Artist as a Young Man de 1916 , livre cité en épigraphe du roman.
C'est une lecture qui m'a coûté beaucoup d'effort pour tenir jusqu'à la fin.

C'est un plongeon dans un monde introspectif, dans la conscience d'un être dont les contours sont flous, avec discours auto-centré et incohérent et peu d'action pour aller nulle part. Joana est le personnage principal, une femme jeune , pas trop jolie, avec une enfance difficile, qui va se marier avec Otavio, puis se séparer, qui aura (ce n'est pas sûr) une liaison avec « l'homme » (est-ce un rêve?); la protagoniste passe son temps à se penser, s'analyser, a émettre des digressions répétitives. Il y a énormément de répétitions dans le texte. Par moments j'avais l'impression d'avoir à faire à une personnalité multiple, un peu schizoïde, impossible à cerner. C'est une lecture qui dérange, qui promène le lecteur par des chemins détournés.

J'avoue avoir cherché des éclairages sur ce livre parce que toute seule je n'arrivais pas à conclure.

Dans ce que j'ai pu lire à droite et à gauche, j'ai lu que Lispector aurait un style a rapprocher de celui de Joyce et de Virginia Woolf avec une discontinuité narrative, une rupture avec le principe de causalité, un monologue intérieur omniprésent, une intériorisation de l'action romanesque; le tout donnerait une vague idée de ce qui est la conscience individuelle.

Dans un excellent article de Marc Weitzmann, il est écrit que Madame Lispector se présentait ainsi : « J'ai d'abord voulu être les autres afin de connaître ce que je n'étais pas. Alors j'ai compris que j'avais déjà été les autres et c'était facile. Ma plus grande expérience serait le tréfonds des autres, et le tréfonds des autres, c'était moi ».

C'est une écriture assez abstraite, introspective en permanence avec quelqu'un qui s'analyse tout le temps et qui voit le monde de façon si impersonnelle, comme détachée. Cette écriture exsude de l'angoisse, l'angoisse du quotidien, les doutes à tous les niveaux, mais il faut lui reconnaître un certain raffinement.

J'ai lu aussi que Clarice Lispector aurait été la première à faire de son corps et de ses sensations, la conscience de son écriture et la matière de son style. Elle aurait eu la prétention de rendre sur le papier le flux de la conscience.

Dès la première page apparaît la mort, c'est un vocable répété plusieurs fois dans le livre; c'est un texte assez noir. Ce qui me paraît stupéfiant, c'est que l'auteure ait pu écrire un texte de cette teneur à 17 ans ! Mais d'où a-t-elle tiré le côté métaphysique de ce texte (qui n'est pas une histoire)?. Elle avait lu Joyce, puisqu'elle le cite et en prend une phrase pour le titre. Lire et comprendre Joyce à 17 ans ?(une étrange prouesse).

La publication de ce texte est à situer dans le climat littéraire brésilien de 1940, dit de la « génération de 45 » qui baigne dans le post modernisme (=rupture avec le réalisme du XIX avec un style « courant de conscience » à la façon de V Woolf). Étonnant.
Merci à Babelio et aux Editions des femmes pour leur confiance.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Près du coeur sauvage m'a permis de faire connaissance, pour la première fois, avec l'écriture de Clarice Lispector. On m'avait beaucoup parlé de cette autrice, notamment pour un positionnement féministe fort et précurseur. Je dois dire que son écriture a rencontré son public, et j'ai été tour à tour émue, bouleversée, sonnée, happée, déstabilisée, par cette écriture parfois onirique, parfois profondément lucide et percutante. C'est une lecture dérangeante, qui nous mène à nous questionner sur qui nous sommes. le flot de pensées de Joanna aide en cela, il nous enserre et nous emprisonne, nous aide à nous mettre à distance de nous-même et par là à faire corps avec nous-même.
C'est un récit d'une puissance intime très forte, que je recommande à toustes, mais à faire dans des conditions propices au détachement de soi qui s'opère de façon insidieuse.
Merci encore à Babelio et aux Editions des femmes (dont je salue le travail formidable - j'ai fait la connaissance de plusieurs autrices méconnues grâce à elles) pour cette découverte. Je continuerai avec plaisir et bonheur dans la plus grande connaissance des oeuvres de Clarice Lispector.
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En choisissant ce livre dans une bibliographie des "indispensables de la littérature européenne" (T. Picard), je ne soupçonnais pas découvrir une oeuvre aussi puissante. Je pensais que l'intensité des grandes découvertes serait aujourd'hui dans l'enfance de ma vie de lectrice. Mais non. Ecriture du courant de conscience et de l'intériorité, dans le psychisme de cette jeune femme impulsive, jamais en repos mais aspirant à se libérer, gagner une épaisseur du "vivre" par l'attention à ses émotions. le rythme galope sous l'agitation de pulsions à la fois sexuelles et intellectualisées. Que faire de cette énergie, de cette vie aussi ravissante que dévastatrice, jamais stabilisée ? Bouillon de vie mal adapté au monde quotidienne. Grand moment de lecture.
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
     
… Octavio …
     
« De profundis ». Joana a attendu que l’idée devienne plus claire, que monte des brumes cette boule brillante et légère qui était le germe d’une pensée. « De profundis ». Elle la sentait vaciller, perdre presque l’équilibre et plonger pour toujours dans des eaux inconnues. Ou alors, par moments, éloigner les nuages et croître tremblante, émerger presque complètement … Après le silence.
...
Peu à peu, elle a recommencé à renaître, elle a ouvert les yeux lentement et est revenue à la lumière du jour. Fragile, respirant légèrement, heureuse comme une convalescente qui recevrait la première brise.
Alors elle a commencé à penser qu’en vérité elle avait prié. Elle non. Quelque chose de plus qu’elle, dont elle n’avait déjà plus conscience, avait prié. Mais elle ne voulait pas prier, s’est-elle répétée une fois plus faiblement. Elle ne voulait pas parce qu’elle savait que ce serait le remède. Mais un remède comme la morphine qui endort toute espèce de douleur. Comme la morphine dont on a besoin, pour la sentir, des doses de plus en plus grandes. Non, elle n’était pas encore épuisée au point de désirer lâchement prier au lieu de découvrir la douleur, de la souffrir, de la posséder intégralement pour connaître tous ses mystères. Et même si elle priait … Elle finirait dans un couvent, parce que pour sa faim presque toute la morphine serait peu. Et ceci serait la dégradation finale, le vice. Pourtant, par un chemin naturel, si elle ne cherchait pas un dieu extérieur elle finirait par se déifier, par explorer sa propre douleur, aimant son passé, cherchant refuge et chaleur dans ses propres pensées, alors déjà nées avec une volonté d’œuvre d’art et après servant de vieilles nourritures dans les périodes les plus stériles. Il y avait le danger de s’établir dans la souffrance et de s’organiser à l’intérieur d’elle, ce qui serait un vice aussi et un calmant.
Que faire alors ? Que faire pour interrompre ce chemin-là, s’accorder un intervalle entre elle et elle-même, pour pouvoir plus tard se rencontrer sans danger, neuve et pure ? Que faire ?
Le piano fut attaqué délibérément en gammes fortes et uniformes. Exercices, a-t-elle pensé. Exercices … Oui, a-t-elle découvert amusée … Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas essayer d’aimer ? Pourquoi ne pas essayer de vivre ?
     
     
Musique pure se développant dans une terre sans hommes, rêvait Octavio. Mouvements encore sans adjectifs. Inconscients comme la vie primitive qui palpite dans les arbres aveugles et sourds, dans les petits insectes qui naissent, volent, meurent et renaissent sans témoins. Pendant que la musique voltige et se développe, vivent l’aube, le jour fort, la nuit, avec une note constante dans la symphonie, celle de la transformation. C’est la musique sans appui sur les choses, sur l’espace ou le temps, de la même couleur que la vie et la mort. Vie et mort en idées, isolées du plaisir et de la douleur. Si distants des qualités humaines qu’elles pourraient se confondre avec le silence. Le silence, parce que cette musique serait la nécessaire, l’unique possible, projection vibrante de la matière. Et de même qu’on n’entend pas la matière et ne la perçoit pas jusqu’à ce que les sens se heurtent à elle, de même on n’entendrait pas sa musique.
     
(Première partie, pp. 113 & 117-120)
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C'est pour cela que nous voyons se multiplier les remèdes destinés à unir l'homme aux idées et aux institutions existantes - l'éducation par exemple si difficile - et que nous le voyons continuer toujours au-dehors du monde qu'il a construit. L'homme élève des maisons pour regarder et non pour y habiter. Parce que tout suit le chemin de l'inspiration. Le déterminisme n'est pas un déterminisme de fins, mais un déterminismes de causes. Jouer, inventer suivre la fourmi jusqu'à la fourmilière, mélanger de l'eau avec de la chaux pour voir le résultat, voilà ce qu'on fait quand on est petit et quand est grand. C'est une erreur de considérer que nous sommes arrivés à un haut degré de pragmatisme et de matérialisme. En vérité le pragmatisme - le plan orienté vers une fin donnée, réelle - serait la compréhension, la stabilité la félicité, la plus grande victoire d'adaptation que l'homme obtiendrait. Pourtant faire les choses "pour que" me semble, devant la réalité, une perfection impossible à exiger de l'homme. Le commencement de toute sa construction est "pourquoi". La curiosité, la rêverie, l'imagination - voilà ce qui a formé le monde moderne. Suivant l'inspiration, il a mélangé des ingrédients, a créé des combinaisons. Sa tragédie : devoir se nourrir d'elles. Il a eu confiance en qui pourrait imaginer sa vie et se trouver dans une autre, à part. En fait cette autre continue, mais sa purification sur l'imaginé agit lentement et un homme seul ne trouve pas la pensée trouble d'un côté et la paix de la vie véritable d'un autre. On ne peut pas penser impunément" Joanna pensait sans peur et sans châtiment.
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Pourtant la confusion n'apportait pas seulement de la grâce, mais la réalité même. Il lui semblait que si elle ordonnait et expliquait clairement tout ce qu'elle avait senti, elle aurait détruit l'essence de "tout est un". Dans la confusion, elle était la vérité même inconsciemment, ce qui, peut-être, donnait plus de pouvoir-de-vie que de la connaître. Cette vérité que, même révélée, Joana ne pourrait pas utiliser parce qu'elle ne formait pas sa tige, mais la racine, attachant son corps à tout ce qui n'était plus sien, impondérable, impalpable.
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Je serai brutale et mal faite comme une pierre, je serai légère et vague comme ce que l'on sent et ne comprend, je me dépasserai en ondes, ah, Dieu, et que tout vienne et tombe sur moi, jusqu'à l'incompréhension de moi-même (...), de toute lutte ou repos je me lèverai forte et belle comme un jeune cheval.
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"Un certain degré d'aveuglement est nécessaire pour pouvoir percevoir certaines choses. Ceci est peut-être la marque de l'artiste. Tout homme peut savoir plus que lui et raisonner avec assurance, selon la vérité. Mais exactement ces choses-là échappent à la lumière allumée. Dans l'obscurité elles deviennent phosphorescentes (...) Ce n'est pas le degré qui sépare l'intelligence du génie, mais la qualité. Le génie n'est pas tant une question de pouvoir intellectuel, mais de la forme par où se présente ce pouvoir. On peut ainsi facilement être plus intelligent qu'un génie. Mais le génie est lui. Infantile ce "le génie est lui". Voir en rapport avec Spinoza, son on peut appliquer la découverte." C'était de lui vraiment ? Toute idée qui surgissait en lui, parce qu'il se familiarisait avec elle en quelques secondes, lui venait avec la crainte de l'avoir volée.
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Il y a des gens qui doutent et, franchement, ça fait du bien. Savez-vous quelle héroïne de roman incarne à la perfection la femme qui doute ?
« Près du coeur sauvage », de Clarice Lispector, c'est à lire aux Editions des Femmes.
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