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EAN : 9782070436989
144 pages
Gallimard (26/11/2009)
3.93/5   22 notes
Résumé :
" La Tchétchénie, c'est comme 1937, 1938 ", me déclare dans son petit bureau moscovite un des dirigeants de Memorial, la plus grande association russe des Droits de l'homme. "

On achève un vaste programme de construction, les gens reçoivent des logements, il y a des parcs où les enfants jouent, des spectacles, des concerts, tout a l'air normal et... la nuit, des gens disparaissent."

C'est ce même homme qui m'a décrit la " tchétchénisa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique

Jonathan Littell a visité pendant 2 semaines, fin avril-début mai 2009, la Tchétchénie pour faire le point de la situation d'un pays qui a connu dans les années 1990 deux guerres, qu'il avait suivies de près et sur place.
Malgré une demande préalable, en passant par les services d'information du Kremlin à Moscou l'année précédente, un entretien avec le président de la République, Ramzan Kadyrov, n'a pu avoir lieu "faute de temps" de ce dernier.

L'auteur, selon sa propre affirmation, en préface de son ouvrage sur la 3ème année du règne de Kadyrov, a pratiquement "entièrement récrit" son texte pour tenir compte de l'assassinat de la collaboratrice du Memorial russe des droits de l'homme, Natalia Estemirova, le 15 juillet 2009, ainsi que d'autres "éliminations" qui l'ont suivi.

La Tchétchénie, une république russe de 1,4 million d'habitants sur une surface d'un peu plus de la moitié de celle de la Belgique, soit 17.300 kilomètres carrés, a occupé depuis 1991 une place dans les chroniques de la presse mondiale sans rapport à son rang ni sa taille.

L'histoire récente et la situation actuelle de ce pays sont effectivement toutes sauf simple et c'est justement pour y voir un peu plus clair que j'ai lu cet ouvrage d'un auteur qui sait de quoi il parle et qui a le don de s'expliquer clairement.

L'approche de l'auteur de "Les Bienveillantes", un monument littéraire, ressemble à celle préconisée par lui dans son ouvrage "Carnets de Homs" par exemple, des notes publiées après son passage en Syrie en 2012 : un style direct sans ambitions littéraires et fioritures dans un but purement informatif.
Dans la tradition d'ailleurs du style de plusieurs livres de son père, Robert Littell, tels "L'amateur", "Les soeurs" et surtout "La compagnie" sur la CIA.

Le résultat est un ouvrage court de 140 pages avec un glossaire fort utile en fin de volume, dans lequel Jonathan Littell nous livre le résultat de sa visite et tout particulièrement de ses entrevues avec une série de témoins privilégiés tant à Moscou qu'à Grozny.

Sans vouloir entrer dans le détail ici, disons que si, à première vue, la situation en Tchétchénie semble s'être amélioré depuis l'avènement au pouvoir de Ramzan Kadyrov en février 2007, grâce à ses travaux considérables de rénovation d'avant tout la capitale du pays, ravagée par 2 guerres atroces, et d'un peu moins de violence, en apparence, par les services de police à affectation spéciale, comme l'OMON ("Otriad Militsii Osobovo Naznatchena") et les forces de sécurité loyales au chef, les Kadyrovtsy.

Mais ces progrès manifestes et visuels, comme la pharaonique Grande Mosquée de Grozny (une copie de la Mosquée bleue d'Istanbul), ne sauraient cacher le fait qu'il s'agit d'une dictature violente, qui supprime toute opposition, et où la corruption est devenue endémique. Grozny a comme Moscou ses potes oligarques, en Tchétchénie des ploucs aux grosses Rolex.
Comme l'a résumé un témoin à l'auteur : "L'enfer est devenu confortable , mais c'est toujours l'enfer".

À propos de la mort de Natalia Estemirova, il y a une ressemblance avec l'assassinat d'Anna Politovskaïa en octobre 2006, sa grande amie, sauf que Natalya a, en plus, été traité devant des journalistes de "pute" par l'honorable Kadyrov, parce qu'elle refusait de porter le voile en public.

C'est le père de l'actuel président, Akhmad-Khadidzhi Kadyrov, qui a été installé sur le trône à Grozny en juin 2000 par Poutine, et le même Poutine qui a arrangé la succession du fils après le meurtre du père en mai 2004. Ce qui explique que le "soutien de Poutine reste le pilier central sur lequel tout l'édifice repose".

Comme l'a formulé un autre témoin à Jonathan Littell : "Nous sommes devenus un simple sujet de la Fédération de Russie. Ni plus ni moins."
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Jonathan Littell qui a longtemps travaillé pour une ONG, y compris en Russie dans les années 1990 (à Moscou comme en Tchéchénie) se rend en Tchétchénie 2 semaines en avril-mai 2009.
Un entretien avec le président de cette République, Ramzan Kadyrov, était prévu mais n'a pas eu lieu, "faute de temps" de ce dernier. Par contre il peut circuler beaucoup plus librement qu'il ne le prévoyait et est, dans un premier temps, très favorablement impressionné : il s'attendait à retrouver une ville en ruines, et il découvre une ville entièrement refaite à neuf, des routes en bon état.
L'été suivant il commence à rédiger son livre.
Le 15 juillet 2009, Natalia Estemirova, collaboratrice de Memorial (association pour les droits de l'homme) est assassinée. Peu après d'autres militants des droits de l'homme sont éliminés. Et Jonathan Littell remanie son livre à la lumière de ces événements.
Le résultat est une description de la Tchétchénie, du système Kadyrov en 2009, de ses points forts et réussites, de ses défauts et de ses points faibles. Près de 15 ans après, force est de constater que Littell a bien pressenti la carrière dictatoriale de Kadyrov avec la bénédiction de Poutine.
Un texte court, dense et très riche en informations sur la Tchétchénie, tant actuelle que passée. On y découvre que la corruption est endémique, trois fois plus importante que dans le reste de la Russie, qu'il n'y a plus aucune opposition possible, que la charia est appliquée d'une façon très particulière (la corruption y est sans doute pour quelque chose), avec un islam très éloigné des traditions tchétchènes, au grand dam des femmes dont la situation a bien régressé (ce n'est pas non plus l'Iran ou l'Afghanistan, ça m'évoque plutôt l'Albanie autrefois). Car si Kadyrov ne tolère pas les wahhabites (sunnites), il leur a visiblement fait des emprunts ou été lui-même influencé par eux !
Un tableau édifiant et terrifiant !
Je conseille au lecteur actuel, à côté du glossaire qui se trouve à la fin, de se faire un petit index des noms des personnages rencontrés, car ils sont nombreux, et à part Poutine et Kadyrov, leurs noms ne lui dira probablement plus rien.
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Et si c'étaient les Tchétchènes qui l'avaient emporté en Tchétchénie ?

Les Russes croient fermement qu'ils ont remporté la seconde guerre de Tchétchénie.

Ramzan Kadyrov, le petit Père des Peuples… Ah, non, ça c'est déjà pris par un certain Joseph (pas celui de Marie, un autre)… Reprenons et tâchez de suivre car vous me semblez très dissipés !

Ramzan Kadyrov et les Tchétchènes sont sûrs d'en être sortis vainqueurs… de quoi ? Mais de la guerre, bien entendu ! le pays est islamisé, la charia (à la sauce Kadyrov) est d'application, les femmes remises à leur place (avec possibilité pour un père de famille de tuer sa femme et ses filles), et la paix règne ! (Pour ce dernier point, il vaut mieux ne pas trop aller trainer du côté des forêts pour s'en assurer.)

Ramzan Kadyrov est le fils d'Akhmad Kadyrov, grand mufti d'abord opposé aux Russes, puis, avec la bénédiction de Poutine, président de la Tchétchénie de 2003 à 2004, année de son assassinat, le 9 mai.

Le petit Ramzan, devenu grand, est Premier ministre de Tchétchénie par intérim du 17 novembre 2005 au 28 février 2006 (avec la bénédiction de Vladimir Poutine, son très amical protecteur-bienfaiteur). Après cela, il devient tout naturellement président… Pour le rester très longtemps, longtemps, longtemps… En tout cas, il fait tout pour ! Et jusqu'à aujourd'hui, cela ne réussit pas trop mal à notre boxeur, cavalier émérite, plus grand constructeur du monde !

Quand Jonathan Littell effectue son reportage en Tchétchénie, pays qu'il connaît bien pour y avoir travaillé pour une ONG, il s'attend à trouver un pays en ruines puisque du 26 août 1999 au 6 février 2000, jour de la prise de Grozny, la capitale a été quasi entièrement détruite. A sa grande surprise, en 2008, il ne trouve plus du tout une ville en ruines ou, en tout cas, portant encore les stigmates de la guerre. Mais voilà, le magicien Kadyrov est passé par là ! Routes en très bon état, constructions modernes, peu de choses laissent penser qu'entre 15% et 26% de la population tchétchène a péri au cours de ces deux conflits.

Ramzan est un tel magicien bienfaiteur, loué soit Son Nom, que tout le monde l'aime. Dans le cas contraire, vous ne pouvez être qu'un terroriste et seule la mort est votre proche avenir. Jonathan est tellement favorablement impressionné que son livre eut été tout différent s'il n'avait rencontré des personnalités, qui au péril de leur vie, critiquent le « Leader Maximo » tchétchène, le « duce » du Caucase, le nouveau « führer », quoi !

Ce livre, publié en 2009, laisse entendre que Ramzan Kadyrov, grâce à ses magouilles (enlèvements, rackets, programme de reconstruction, « sécurisation »,…) et à la bénédiction de Poutine, trop heureux de s'être tiré des flûtes en Tchétchénie va faire une belle carrière de dictateur. En 2018, nous pouvons affirmer que Jonathan Littell a vu juste.

Attention, pour comprendre le langage employé par Littell, il est bon de lire d'abord le glossaire (p. 139, vers la fin du livre). Vous risquez aussi de vous perdre dans les noms des Russes et des Tchétchènes. J'ai lu le livre avec mon PC devant moi pour tenter de m'y retrouver. Quelques vidéos m'ont aussi bien aidé.
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Impeccable d'ironie, d'humour grinçant, de réalisme, de vision...

Comment comprendre les choses grâce à un petit bouquin, décryptant les codes, les compromissions, les agissements d'une dictature islamique qui a l'aval de Moscou. Car c'est bien le fond du problème, la grandeur de la Russie qui conditionne tout. le bona fide donné par le Kremlin, et quoi qu'on en ait dit, l'islam ne joue aucun rôle.
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une photographie de la Tchétchénie à un instant T (avril-août 2009) par un occidental qui a su ou au moins tenté de voir les choses sans s'embarrasser de préjugés. Un regard lucide sur un monde devenu temporairement stable mais basé sur la violence. Et une allusion à des traditions qui ne confirment pas toujours l'image répandue de ce peuple comme peuple guerrier.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Historiquement, depuis la Grande Catherine, le choix du pouvoir russe a toujours été d'appuyer les mollahs fondamentalistes mais loyaux contre les modernisateurs, potentiellement subversifs, voire antigouvernementaux. La grille d'analyse russe se fonde sur la question de la loyauté au pouvoir et non pas sur le contenu de ce qui est prêché.
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La gestuelle de ces hommes est frappante, c'est la même que celle des rebelles tchétchènes d'autrefois ; cette façon de se saluer, se donner l'accolade, rire, parler, glisser de l'un à l'autre, en un ballet élaboré mais ostensiblement informel, a aussi un sens, elle signale qu'ils ont beau servir un gouvernement prorusse, ont beau être de fait des bureaucrates russes, on n'est pas ici en Russie, et eux sont non pas des Russes mais des Tchétchènes.
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Puisque Ramazan Kadyrov, le jeune président de la Tchétchénie, est, comme tout le monde le sait, "le plus grand constructeur du monde", c'est un heureux hasard qui fait arriver le visiteur étranger à Groznyï un 27 avril, la veille du Den stroïteleï, la "Journée des constructeurs", ainsi désignée pour fêter le cinquième anniversaire du ministère du Bâtiment.
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On pourrait presque dire sans exagérer que Paris semble garder plus de traces de la Seconde Guerre mondiale, sur les murs de calcaire de ses ministères ou de ses musées , que Groznyï de ses deux conflits.
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Le droit de battre ou de tuer ses femmes ou ses filles paraît si fondamental à Kadyrov qu'il en a fait un argument pour encourager le retour des Tchétchènes exilés en Occident.
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