Geoffroy, lui, ne se lassait pas de la regarder… Il était subjugué par sa beauté sauvage. Elle était aussi brune et solide que Clothilde avait été blonde et fragile. Son opposé en quelque sorte. Et pourtant, elle le troublait tout autant, mais de manière différente. Avec Clothilde, il avait été le protecteur. Il aurait voulu être le sauveur mais avait échoué. Avec Aliette, il était le mentor, le guide. Il la façonnait, comme un sculpteur façonne sa glaise pour en faire une oeuvre d’art. Il sentait en elle une force hors du commun, de celles qui promettent les grands destins. Et la détermination
de son regard d’ébène n’était pas pour le contredire. Elle avait toujours la griffe féroce et la langue bien pendue avec les autres hommes ! Malheur aux effrontés qui osaient l’approcher d’un peu trop près !
Lorsqu’elle arriva à Saint-Martin le lendemain matin, elle
remarqua immédiatement la buse qui décrivait des cercles
dans le ciel d’azur, avant de venir se poser majestueusement
sur la croix de la chapelle. Aliette la salua de la main, puis
s’installa comme à son habitude.
Et sans qu’elle entendît quoi que ce soit, il fut là.
– Bonjour, belle enfant. As-tu la réponse à ma question ?
Aliette leva le regard vers lui, se noyant dans la noirceur
de ses yeux, et répondit calmement :
– Je crois que oui, monsieur. Je pense que je peux vous
faire confiance.
– Je le savais. Je lis en toi comme dans un livre ouvert !
Crois-moi, tu ne le regretteras pas. Le savoir que je veux te
transmettre n’a pas de prix. Non seulement il te rendra libre,
mais fera de toi une femme de pouvoir. Mais avant toute
chose, il faut que je te dise qui je suis. C’est une très longue
histoire…