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EAN : 9791041411818
304 pages
Points (30/06/2023)
3.86/5   11 notes
Résumé :

" Le 6 juin 1944, après trois ans d'abstinence, il avait absorbé un alcool. Aujourd'hui, après une nouvelle période d'abstinence, il se remettait à boire. Un peu. Pas beaucoup. " : Sigbjörn Wilderness retourne au Mexique en compagnie de sa nouvelle femme. Ce voyage ravive le souvenir douloureux de son premier mariage. Rongé par les affres de l'écriture et de l'alcool, il va s'éloigner peu à peu de celle qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Sombre comme la tombe où repose mon ami », roman de Malcolm Lowry traduit par Clarisse Francillon (1987, Denoel, 302 p.) avec une préface de Maurice Nadeau, du roman au titre original « Dark as the grave wherein my friend is laid ».
C'est le récit d'un voyage à Cuernavaca, Mexique, entrepris par un jeune couple, Sigbjörn et Primrose Wilderness, en fait, Malcolm Lowry et sa femme Margerie Bonner.
Lowry et sa nouvelle femme Margerie ont quitté le Canada pour ce voyage au Mexique en décembre 1945, cinq ans après le nouveau mariage de Lowry. C'est quelques mois après qu'ils ont reconstruit de leurs mains la maison de bois qu'ils habitaient en squatters à Dollarton sur la rive nord de Burrard Inlet, à Lazy Bay, près de Vancouver, devenue plus tard une partie de Cates Park. La cabane a été construite juste au-dessus du rivage sur des pilotis pour résister aux marées montantes. Il y avait une pièce assez grande, des fenêtres sur trois côtés et un porche sur le devant. le 7 juin 1944, la cabane est détruite par le feu. Avec elle, des manuscrits, dont celui, perdu » de « In Ballast to the White Sea ». Margerie risque sa vie mais sauve celui de « Under the Volcano ». Ce qui vaudra une longue lettre à l'éditeur Jonathan Cape paru depuis sous le titre de « Merci Infiniment » (2019, Allia, 96 p.) à l'occasion de la soumission du manuscrit de son deuxième roman, « Au-dessous du volcan », en 1946.
Voyage apparemment de diversion et de tourisme ou, si l'on veut encore, voyage de noces retardé, promenade éthylique et parfois même hallucinatoire dans un texte colossal qui s'appelait encore « La Vallée de l'Ombre de la Mort », autrement dit, comme l'indique Maurice Nadeau « une nouvelle plongée, mais volontaire cette fois, au sein du maelström ».
C'est évidemment une parution posthume, mélange de plus de 700 pages de manuscrit dactylographié, en trois versions, dont il est difficile de retracer la chronologie, mais édité par Douglas Day et Margerie Bonner. On ne peut que leur être reconnaissant d'avoir publié cet ouvrage posthume. C'est bien sûr à lire après avoir lu « Au Dessous du Volcan » (1971, Denoël, 436 p.) dans la traduction de Stephen Spriel, avec la recherchée couverture jaune. La nouvelle traduction de Jacques Darras « Sous le Volcan » sous couverture rouge (1987, Grasset, 447 p.) me parait moins porteuse de souffle et de prégnance que l'édition originale.
Ce n'est, non pas une ré-écriture de « Au Dessous du Volcan », en plus court et moins talentueux, non pas un « Volcan pour les Nuls », mais pratiquement un voyage dans « Au Dessous du Volcan », plongée en apnée et les yeux grand ouverts. Plongée aussi dans les cantinas et sa descente à Oaxaca où il doit rejoindre Juan Fernando Marrinez, l'ami qui a servi de modèle au portrait du docteur Vigil, il tente le suicide. Mais commence la remontée lorsqu'il apprend que son ami ivre a été assassiné dans une sorte de cantina, Farolito, l'Antre du Diable.
Tout de suite deux interrogations. La première concerne le prénom du protagoniste, sensé être Malcolm lui-même. Ici il s'agit de Sigbjörn Wilderness. Dans le texte de « Dark as the Grave wherein my friend is laid » publié dans « La Mordida » (2007, New York Review Books, 520 p.), c'est d'un Sigbjǿrn Wilderness qu'il s'agit. Tout comme dans « The Last Address » publié dans « Swinging in the Maelstrom » (2013, University of Ottawa Press, 202 p.), ou dans ce qu'il en reste, c'est encore un Sigbjǿrn Lawhill qu'il s'agit. Dans « In Ballast to the White Sea », c'est d'un Sigbjǿrn Tarnmoor, simple changement d'écriture entre le norvégien et le suédois. La seconde concerne leur départ, qui s'effectue le 7 juin 1944, lendemain de l'incendie de leur cabane à Dollarton. Hors, les autres biographies s'accordent pour le 6 juin jour de l'incendie. Autre constatation, plus importante, après avoir vérifié l'original de Denoel de 1987, et l'édition des classiques modernes (Gallimard,1995), cette dernière commence au chapitre 5 de la première. « Leur car pour Cuernavaca… ». Les premiers chapitres, une centaine de pages sur près de 300, sont résumées en 13 lignes. Vite résumées en « les quatre premiers chapitres se passent en avion, entre la Colombie britannique, la Californie et le Mexique ».
Plus gênante, cette coupure supprime une bonne partie des références à « The Valley of the Shadow of Death » (La Vallée de l'Ombre de la Mort) de Wilderness, que ce dernier vient de terminer. C'est en fait une allusion au premier titre de « Au Desous du Volcan ». Tout comme « le Rigaudon de l'Ivrogne » en réalité « The Lost Weekend » de Charles Jackson republié en (1996, Syracuse University Press, 244 p.) que tout le monde célèbre, mais qu'on l'accuse de l'avoir copié « il s'agissait d'un plagiat pur et simple » selon son agent. C'est pourtant l'histoire d'un écrivain talentueux mais alcoolique. A cours d'argent, il essaie de vendre une machine à écrire pour boire et se fracture le visage sur une rampe le livre a été loué pour son réalisme puissant, reflétant étroitement la propre expérience de l'auteur de l'alcoolisme, dont il a été temporairement guéri. Si ce n'est pas du plagiat littéraire, c'est de l'imitation pour de vrai dans la vie. Important tout de même pour comprendre la trajectoire de Malcolm Lowry, alors accusé lui-même de plagiat du livre de Nordahl Grieg « le Navire poursuit sa route » (2008, Les Fondeurs de Briques, 176 p.) traduit par Gerd de Mautort et Hélène Hilpert d'après l'original « Skibet gaar videre, » (1924, Gyldendal, Oslo, 220 p.).
On loupe également l'étape à l'hôtel Cornada à Oaxaca. Hôtel dont l'enseigne lumineuse s'était détraquée pour devenir l'hôtel Nada. C'est là qu'il s'était remis à boire avant de se séparer de Ruth, sa première femme. « C'est comme si le fantôme d'un homme qui s'était pendu était revenu sur la scène de son ancien suicide, non par curiosité morbide, mais par pure nostalgie, pour boire à nouveau les verres qui lui avaient donné le courage de le faire, et de se demander peut-être comment il avait pu avoir ce courage ».
Et se remettre encore à boire, jusqu'à être expulsé du Mexique. C'était tout de même peu après, mais tellement différent de « Chambre d'hôtel à Chartres » Retour sur Oaxaca et sa prison « la pire des prisons » où il a été enfermé « vous pas escrivion, vous espyons ».
Bref, le couple arrive donc en car à Cuernavaca après « la longue et sinueuse montée dans les Tres Marias » et l'épisode du chien crevé devant la basilique de Guadalupe. Cette dernière anecdote rappelle le chien mort de James Joyce, alors que Malcolm Lowry est en train de lire « Ulysse ». On retrouve d'ailleurs le chien dans la phrase terminale de « Au Dessous du Volcan » dans la barranca où on a jeté le corps du consul assassiné.« Quelqu'un a jeté un chien mort après lui dans le ravin. »
Cela se passe dans « Ulysse » au chapitre 3. C'était en 1922. Dans le chapitre 2, qui le précède, Stephen fait un long cours sur l'histoire et la vie du Christ avec Jésus marchant sur les eaux. Episode qui n'est limité ni dans le temps ni dans l'espace. Pour Stephen « l'Histoire est un cauchemar dont j'essaye de me réveiller ». Puis il cite la mort de César, et la probabilité qu'il aurait eu d'être ou ne pas être poignardé. Dieu devient « un cri sans la rue ». Puis Stephen quitte l'école pour la plage de Sandymount dans le chapitre 3. Et là il voit « La charogne boursouflée d‘un chien semblant s'abandonner sur le goémon » mais dix lignes plus loin il voit aussi « Un point, chien bien en vie, bientôt en vue, coupant la courbe de la plage ». C'est relativement plus fort (et plus précoce) que le chat de Schrödinger.
Le voyage en car pour Cuernavaca est fastidieux. Leur car est à « échappement libre «et bruit de toile à voile déchirée, à petites secousses ». L'arrivée à la basilique de Guadalupe n'est pas mieux, où il se fait voler sa blague à tabac, prise pour un portefeuille. « Nosostros no somos americanos ricos.[…] Nosostros somos canadianos pobres ».
Et puis survient la remontée. Il apprend la mort de son ami dans une cantina, une sorte de Farolito. Cela le libère de ses obsessions et de ses fantasmes. C'est Malcolm. Lowry qui renaît au monde des humains. C'est le vers De Lautréamont « Vous savez, j'ai renié mon passé. Je ne chante plus que l'espoir… ». Mais impossible d'oublier le corps jeté aux chiens dans la barranca. « le feu du ciel vous suit à la trace, Monsieur !Il » comme le dit cette nouvelle traduite par Clarisse Francillon, Geneviève Serreau et Robert Pépin (2012, La Nerthe, La petite classique, 56 p.) rentre à Rip, dans le Sussex, Angleterre. Il visite la région des Lacs (Lake District) chère aux romantiques. La mort le foudroie le 27 juin 1957, après ingestion conjuguée de gin et de barbituriques. « Qu'est l'homme, sinon une petite âme qui maintient debout un cadavre ? ».
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Sans parti pris aucun, assis sur sa chaise, il se demanda si au fond il n'était pas mort peu de temps auparavant. Il n'aurait pu préciser la date, ni s'il en était réellement ainsi, mais cela lui paraissait quand même évident. Il résidait dans la tour de sa propre création, environné des spectres du passé, de sa vie - de son rêve - et prêt à partir à la rencontre d'un de ses personnages. Par mort, on devait entendre quelque phénomène de cet ordre. La mort enclose dans la vie, car on pouvait mourir et poursuivre son existence sur terre, du moins à en croire Dante.
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Les promenades solitaires au crépuscule le long des ruelles décli-
ves, en quête de charbon de bois, Primrose les aimait et même cette
queue qu'elle avait dû faire pour leurs trois kilos réglementaires, un
soir, à la chute du jour, au bord de la barranca où un gaillard plus
noir qu'un soutier vous remplissait un couffin à provisions de pous-
sière de charbon — une scène de cauchemar. Tout cela pour elle
était la vie, la belle aventure, toute neuve, et un gain sur le plan
spirituel.
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Déclarer que la poésie est la forme de littérature la plus haute, voilà une saine et pragmatique vérité, et il est aussi vrai, comme l’affirme Poe — mais à un moindre degré —, qu’un poème doit être court. Si Dieu, source de toute créativité, accorde moins de matière au poète qui compose un sonnet, disons de génie, il y a par contre un minimum de perte dans cette création et sa vérité est aussi indestructible que la chrysalide ou la salamandre, car entre les rimes alternées l’indispensable feu jaillit sans faire aucun mal… Je n’entends rien aux rimes alternées. Et que dire de la ruse, une ruse encore plus grande — chère à l’authentique poète — de l’auteur dramatique : jouées, ses pièces ne sont jamais tout à fait pareilles de soir en soir, ni en elles-mêmes, ni dans les transformations que les acteurs font subir aux personnages. Naturellement je ne débite peut-être que des insanités… De ce point de vue, un lecteur ressemble à un acteur… Vous voyez, tout ce que j’ai dit s’écroule déjà… C’est ma malédiction, semble-t-il.
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Il croyait avancer au milieu de sa propre création et, dût-elle aboutir à un échec, n’était-il pas presque l’égal de Dieu ? Dieu en personne n’avance-t-Il pas au milieu de Sa propre création de cette même spectrale manière, et comment Le verrions-nous autrement, dès lors que nous comprenons obscurément qu’Il a le pouvoir à n’importe quel moment de nous rayer tout à fait de Son étrange, sombre manuscrit ?
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Mais maintenant le mescal plaquait un accord dissonant, puis une suite d’accords dissonants et plaintifs au son desquels les poussières d’eau semblaient toutes danser en l’air, à travers les subtilités évasives des rubans de lumière, parmi les lambeaux détachés des arcs-en-ciel flottants. C’était une danse fantôme des âmes, leurrées par ces entrelacs trompeurs, toujours à la recherche de la permanence pourtant, au milieu de ce qui n’était que perpétuelle évanescence ou perte éternelle. Ou c’était une danse du chercheur avec son but, tantôt poursuivant encore les gaies couleurs dont il ne se sait point revêtu, tantôt s’efforçant d’identifier la plus belle scène dont il pourrait ne jamais se rendre compte qu’il fait déjà partie
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