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EAN : 9782738107053
343 pages
Odile Jacob (30/11/-1)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Voici une brillante analyse du capitalisme moderne, miroir de la façon dont nous travaillons et vivons, des évolutions mondiales les plus récentes. Dérégulation, privatisations, changements technologiques et globalisation ont accru et accéléré la turbulence qui caractérise désormais la sphère économique. Ses partisans l’appellent marché. Edward C. Luttwak propose de lui redonner son vrai nom : turbo-capitalisme. À partir des Etats-Unis, il s’est étendu au Royaume-Un... >Voir plus
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Edward Luttwak est un touche-à-tout de génie, qui cultive le paradoxe. Expert en questions stratégiques, il s'attache ici à faire l'inventaire des gagnants et des perdants de l'économie mondiale. Cette nouvelle économie, qu'il résume sous le terme de turbo-capitalisme, est née sur les ruines du capitalisme contrôlé des années 70. Elle est la conjonction de trois facteurs. En premier lieu, une vague de dérégulations et de privatisations touche les transports, les télécommunications, la banque, jusqu'alors protégés. Ensuite, les innovations technologiques, au premier rang desquelles la généralisation de l'informatique, ont favorisé dans des proportions inédites la productivité. En troisième lieu seulement vient la mondialisation, c'est-à-dire l'ouverture géographique et sectorielle des marchés, qui accroît les débouchés des produits.

Le turbo-capitalisme est positif. Il accroît la richesse globale des nations. Mais il ne bénéficie pas également à tous. Il a ses gagnants et ses perdants. Il profite aux plus riches qui voient leurs revenus exploser : «en 1996, le revenu annuel moyen des PDG des 365 plus grandes entreprises américaines s'élevait à 2,3 millions de dollars» (p. 134). A l'autre extrémité du spectre, les plus pauvres s'appauvrissent : «en 1996, le revenu moyen des foyers les plus riches (25 % de l'ensemble) était vingt fois plus élevé que celui des foyers les plus pauvres (20 % de l'ensemble)» (p. 101). Paradoxalement, et quand bien même, on l'a dit, la richesse par tête augmente, les gagnants sont moins nombreux que les perdants : l'extraordinaire réussite de quelques uns tirant vers le haut la médiocre stagnation des revenus du plus grand nombre, le revenu moyen des ménages croît beaucoup plus vite que le revenu médian. C'est ce qui explique l'engouement dont bénéficie en Occident les partis sociaux-démocrates au tournant du siècle : Blair, Schröder, Clinton ou Jospin répondent aux désirs d'un électorat qui souhaitent que leurs enfants bénéficient des fruits du libéralisme, mais ne sont pas prêts, dès aujourd'hui, à en assumer le coût social.

Cette fracture sociale que creuse le turbo-capitalisme oblige à réfléchir à la légitimité de ses fins. le propos de Edward Luttwak n'est pas révolutionnaire ; il n'entend pas remettre en cause les fondements du capitalisme dont il admet volontiers, dès la première phrase de sa préface, les vertus. Toutefois, si «le capitalisme est une expression exemplaire de la civilisation occidentale et de son esprit d'initiative», si «aucun autre système ne possède cette capacité extraordinaire à convertir la simple cupidité humaine en infinité d'énergies productives», il convient toutefois «d'imposer des limites à son fonctionnement» (p. 11).
Edward Luttwak ose dire à tous les chantres du libéralisme que la déréglementation peut être autre chose que «du miel et des roses» (p. 277). Il ne conteste pas, répétons-le, qu'elle est globalement bénéfique. Grâce à elle, la concurrence se déchaîne, ce qui fait baisser les prix, ce qui accroît la demande, ce qui dope la croissance et finalement l'emploi. le consommateur est le grand gagnant de ce cercle vertueux. Mais le consommateur qui achète est aussi le salarié qui produit et dont rien ne dit qu'il ait à gagner au grand jeu du turbo-capitalisme. La dérégulation accroît la précarité de son emploi, et donc son stress. Elle favorise certes l'embauche des moins qualifiés, des plus jeunes, mais pour des salaires si médiocres qu'ils suffisent à peine à faire échapper ces working poors à la pauvreté.
Là où Viviane Forrester, l'auteur contestée de "L'horreur économique" (1996) et de "Une étrange dictature" (2000) voue aux gémonies le modèle ultra libéral, Edward Luttwak a la modestie de poser l'alternative de ce qu'il appelle «le grand dilemme» (chapitre XIII). D'un côté le turbo-capitalisme, qui encourage l'esprit d'initiative et la «destruction créatrice» schumpétérienne, mais aggrave les inégalités de revenus. C'est le modèle américain dont le chômage quasi-inexistant fait rêver de ce côté-ci de l'Atlantique, mais dont la réussite du «modèle» donne à réfléchir quand on examine de plus près les pathologies sociales dont il est affecté. de l'autre, le capitalisme contrôlé «décourage l'esprit d'entreprise, freine l'innovation technique, ce qui débouche sur moins de croissance et sur un chômage structurel beaucoup plus important» (p. 296), mais préserve la cohésion sociale, fût-ce au prix d'un service inefficace et d'un chômage accru. C'est le modèle européen, et notamment français qui, à bien y regarder, n'est peut-être pas aussi détestable que nous autres, Français, avons tendance à le considérer.
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