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Marc Fumaroli (Préfacier, etc.)Marie-Bénédicte Diethelm (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070309887
416 pages
Gallimard (05/07/2007)
3.72/5   18 notes
Résumé :

Égérie de la Restauration, grande amie de Chateaubriand, la duchesse de Duras (1777-1828) a écrit plusieurs romans qui méritent d'être comparés à René, à Adolphe, au lys dans la vallée. On trouve ici les trois récits qu'elle a achevés en 1822 et dont une partie était inconnue. Dans un style qui doit son élégance et sa concision, son intelligence aussi, au XVIIIe siècle, elle s... >Voir plus
Que lire après Ourika - Édouard - Olivier ou le SecretVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
J'ai été bouleversée par ces trois nouvelles à la fois saturées d'émotions et d'une légèreté de style extraordinaire. Dans les trois, l'héroïne ou le héros est en dissonance par rapport au reste du monde mais la rupture n'est pas nette, il reste un espoir et l'espoir fait vivre jusqu'à ce qu'il tue.

Ourika est une femme noire et malgré toutes les bonnes intentions d'une noblesse bien pensante mais foncièrement raciste, elle ne trouvera jamais sa place ni en France ni au Sénégal. Elle est dans un purgatoire social sans issue, sans ami, sans appui, sans amour.
Edouard est un homme sans argent et malgré toutes les bonnes intentions d'une noblesse paternaliste et conservatrice, il ne pourra jamais prétendre à l'union avec Madame de Nevers.
Dans ces deux nouvelles, la société française est montrée comme engoncée, pétrie de préjugés, tout est fondé sur les apparences, il n'y a aucune humanité et c'est cela qui tue nos deux héros.
Olivier est le chef d'oeuvre le plus abouti des trois. Sous la plume de plusieurs protagonistes, dans le style épistolaire le plus pur, l'autrice nous raconte la longue agonie d'un amour pourtant en apparence indestructible.

J'ai été enchantée de découvrir cette autrice, grande amie De Chateaubriand, je la relirai avec un plaisir intense !
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Citations et extraits (71) Voir plus Ajouter une citation
Quelque chose de bruyant, de joyeux, faisait de la vie chez M. d’Herbelot comme un étourdissement perpétuel. Là, on ne vivait que pour s’amuser, et une journée qui n’était pas remplie par le plaisir paraissait vide ; là, on s’inquiétait des distractions du jour autant que de ses nécessités, comme si l’on eût craint que le temps qu’on n’occupait pas de cette manière ne se fût pas écoulé tout seul. Une troupe de complaisants, de commensaux, remplissaient le salon de M. d’Herbelot, et paraissaient partager tous ses goûts : ils exerçaient sur lui un empire auquel je ne pouvais m’habituer ; c’était comme un appui que cherchait sa faiblesse. On aurait dit qu’il n’était jamais sûr de rien sur sa propre foi ; il lui fallait le témoignage des autres. Toutes les phrases de M. d’Herbelot commençaient par ces mots : « Luceval et Bertheney trouvent, Luceval et Bertheney disent ; » et Luceval et Bertheney précipitaient mon oncle dans toutes les folies et les ridicules d’un luxe ruineux, et d’une vie pleine de désordres et d’erreurs. Dans cette maison toutes les frivolités étaient traitées sérieusement, et toutes les choses sérieuses l’étaient avec légèreté. Il semblait qu’on voulût jouir à tout moment de cette fortune récente, et de tous les plaisirs qu’elle peut donner, comme un avare touche son trésor pour s’assurer qu’il est là.
Chez M. le maréchal d’Olonne, au contraire, cette possession des honneurs de la fortune était si ancienne qu’il n’y pensait plus. Il n’était jamais occupé d’en jouir ; mais il l’était souvent de remplir les obligations qu’elle impose. Des assidus, des commensaux, remplissaient aussi très-souvent le salon de hôtel d’Olonne ; mais c’étaient des parents pauvres, un neveu officier de marine, venant à Paris demander le prix de ses services ; c’était un vieux militaire couvert de blessures, et réclamant la croix de Saint-Louis ; c’étaient d’anciens aides-de-camp du maréchal ; c’était un voisin de ses terres ; c’était, hélas ! le fils d’un ancien ami. Il y avait une bonne raison à donner pour la présence de chacun d’eux. On pouvait dire pourquoi ils étaient là, et il y avait une sorte de paternité dans cette protection bienveillante autour de laquelle ils venaient tous se ranger.
Les hommes distingués par l’esprit et le talent étaient tous accueillis chez M. le maréchal d’Olonne, et ils y valaient tout ce qu’ils pouvaient valoir ; car le bon goût qui régnait dans cette maison gagnait même ceux à qui il n’aurait pas été naturel ; mais il faut pour cela que le maître en soit le modèle, et c’est ce qu’était M. le maréchal d’Olonne.
Je ne crois pas que le bon goût soit une chose si superficielle qu’on le pense en général, tant de choses concourent à le former ; la délicatesse de l’esprit, celle des sentiments ; l’habitude des convenances, un certain tact qui donne la mesure de tout sans avoir besoin d’y penser ; et il y a aussi des choses de position dans le goût et le ton qui exercent un tel empire ; il faut une grande naissance, une grande fortune, de l’élégance, de la magnificence dans les habitudes de la vie ; il faut enfin être supérieur à sa situation par son âme et ses sentiments ; car on n’est à son aise dans les prospérités de la vie que quand on s’est placé plus haut qu’elles. M. le maréchal d’Olonne et madame de Nevers pouvaient être atteints par le malheur sans être abaissés par lui ; car l’âme du moins ne déchoit point, et son rang est invariable. (Édouard, Folio, p.131-133)
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Mais, après son départ, l’isolement complet, réel, où je me trouvais pour la première fois de ma vie, me jeta dans un profond désespoir. Je voyais se réaliser cette situation que mon imagination s’était peinte tant de fois ; je mourais loin de ce que j’aimais, et mes tristes gémissements ne parvenaient pas même à leurs oreilles. Hélas ! ils eussent troublé leurs joies. Je les voyais s’abandonnant à toute l’ivresse du bonheur, loin d’Ourika mourante. Ourika n’avait qu’eux dans la vie ; mais eux n’avaient pas besoin d’Ourika : personne n’avait besoin d’elle ! Cet affreux sentiment de l’inutilité de l’existence est celui qui déchire le plus profondément le cœur ; il me donna un tel dégoût de la vie, que je souhaitai sincèrement mourir de la maladie dont j’étais attaquée. Je ne parlais pas, je ne donnais presque aucun signe de connaissance, et cette seule pensée était bien distincte en moi : Je voudrais mourir. Dans d’autres moments, j’étais plus agitée ; je me rappelais tous les mots de cette dernière conversation que j’avais eue avec Charles dans la forêt ; je le voyais nageant dans cette mer de délices qu’il m’avait dépeinte, tandis que je mourais abandonnée, seule dans la mort comme dans la vie. Cette idée me donnait une irritation plus pénible encore que la douleur. Je me créais des chimères pour satisfaire à ce nouveau sentiment ; je me représentais Charles arrivant à Saint-Germain ; on lui disait : Elle est morte. Eh bien ! le croiriez-vous ? je jouissais de sa douleur ; elle me vengeait. Et de quoi ? grand Dieu ! De ce qu’il avait été l’ange protecteur de ma vie ? Cet affreux sentiment me fit bientôt horreur ; j’entrevis que, si la douleur n’était pas une faute, s’y livrer comme je le faisais pouvait être criminel. Mes idées prirent alors un autre cours ; j’essayai de me vaincre, de trouver en moi-même une force pour combattre les sentiments qui m’agitaient ; mais je ne la cherchais point, cette force, où elle était. Je me fis honte de mon ingratitude. Je mourrai, me disais-je, je veux mourir, mais je ne veux pas laisser les passions haineuses approcher de mon cœur. Ourika est un enfant déshérité ; mais l’innocence lui reste : je ne la laisserai pas se flétrir en moi par l’ingratitude, je passerai sur la terre comme une ombre ; mais, dans le tombeau, j’aurai la paix. Ô mon Dieu ! ils sont déjà bien heureux ; eh bien ! donnez-leur encore la part d’Ourika, et laissez-la mourir comme la feuille tombe en automne. N’ai-je donc pas assez souffert ? Je ne sortis de la maladie qui avait mis ma vie en danger que pour tomber dans un état de langueur où le chagrin avait beaucoup de part. Madame de B. s’établit à Saint-Germain après le mariage de Charles ; il y venait souvent accompagné d’Anaïs, jamais sans elle. Je souffrais toujours davantage quand ils étaient là. Je ne sais si l’image du bonheur me rendait plus sensible ma propre infortune, ou si la présence de Charles réveillait notre ancienne amitié ; je cherchais quelquefois à le retrouver, et je ne le reconnaissais plus. Il me disait pourtant à peu près tout ce qu’il me disait autrefois ; mais son amitié présente ressemblait à son amitié passée, comme la fleur artificielle ressemble à la fleur véritable : c’est la même chose, hors la vie et le parfum. (Ourika, Folio, p.88-90)
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Croiriez-vous que, jeune comme j’étais, étrangère à tous les intérêts de la société, nourrissant à part ma plaie secrète, la révolution apporta un changement dans mes idées, fit naître dans mon cœur quelques espérances, et suspendit un moment mes maux ? tant on cherche vite ce qui peut consoler ! J’entrevis donc que, dans ce grand désordre, je pourrais trouver ma place ; que toutes les fortunes renversées, tous les rangs confondus, tous les préjugés évanouis, amèneraient peut-être un état de choses où je serais moins étrangère ; et que si j’avais quelque supériorité d’âme, quelque qualité cachée, on l’apprécierait lorsque ma couleur ne m’isolerait plus au milieu du monde, comme elle avait fait jusqu’alors. Mais il arriva que ces qualités mêmes que je pouvais me trouver, s’opposèrent vite à mon illusion : je ne pus désirer longtemps beaucoup de mal pour un peu de bien personnel. D’un autre côté, j’apercevais les ridicules de ces personnages qui voulaient maîtriser les événements ; je jugeais les petitesses de leurs caractères, je devinais leurs vues secrètes : bientôt leur fausse philanthropie cessa de m’abuser, et je renonçai à l’espérance, en voyant qu’il resterait encore assez de mépris pour moi au milieu de tant d’adversités. Cependant je m’intéressais toujours à ces discussions animées ; mais elles ne tardèrent pas à perdre ce qui faisait leur plus grand charme. Déjà le temps n’était plus où l’on ne songeait qu’à plaire, et où la première condition pour y réussir était l’oubli des succès de son amour-propre : lorsque la révolution cessa d’être une belle théorie et qu’elle toucha aux intérêts intimes de chacun, les conversations dégénérèrent en disputes, et l’aigreur, l’amertume et les personnalités prirent la place de la raison. Quelquefois, malgré ma tristesse, je m’amusais de toutes ces violentes opinions qui n’étaient au fond presque jamais que des prétentions, des affectations ou des peurs : mais la gaîté qui vient de l’observation des ridicules ne fait pas de bien ; il y a trop de malignité dans cette gaîté, pour qu’elle puisse réjouir le cœur qui ne se plaît que dans les joies innocentes. On peut avoir cette gaîté moqueuse, sans cesser d’être malheureux ; peut-être même le malheur rend-il plus susceptible de l’éprouver, car l’amertume dont l’âme se nourrit, fait l’aliment habituel de ce triste plaisir. (Ourika, Folio, p.76-77)
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Je tâchais de lui peindre le bonheur comme je le comprends, mais, Adèle, ce n'est pas le sien : il prend les désirs pour des reproches, les projets pour de l'exigence, la tendresse pour de la domination. Que d'efforts inutiles depuis cinq ans! Il y a des êtres dont on se sent séparé comme par ces murs de cristal dépeints dans les contes de fées, on se voit, on se parle, on s'approche, mais on ne peut se toucher. Je t'envoie sa réponse, je m'y attendais et, cependant, elle m'a causé une vive douleur. Étrange faculté que l'espérance, qui vit en nous malgré nous en dépit des calculs et de la raison, elle est bien plus dans le caractère que dans l'esprit. Il semble qu'elle se renouvelle avec le sang et qu'on ne puisse la perdre qu'avec la vie. Chère sœur, il faut que je sois bien a plaindre, car je voudrais arracher de mon cœur cette espérance qu on appelle le dernier bien des malheureux, elle ne me sert qu'à redoubler mes peines, à en produire sans cesse de nouvelles. Peut-être que si je n'espérais plus, je me résignerais, et alors au moins, j'aurais du repos, mais il faut que j'en sois bien loin de cette résignation ! Croirais-tu que ces lettres si froides, si sèches, me causent encore aujourd'hui un profond étonnement ? Je ne puis my accoutumer; je crois lire une langue étrangère, une langue que je ne comprends point. Et quand je pense que celui qui m'écrit ces lettres est mon mari, celui à qui ma vie est liée pour toujours, le seul que je puisse aimer et dont je doive être aimée, je sens des moments de désespoir si violents que je déteste la vie, puis je me dis que cependant il n'est pas méchant, que c'est un homme que tout le monde estime, dont j'admire moi-même la droiture et l'intégrité, alors, chère Adèle, je ne sais plus ce que deviennent mes pensées, je doute de tout, je doute de moi-même, je le demande si mon malheur n'est pas en moi, si le monde est fait de manière à ce que les sentiments que j'éprouve soient naturels, si ce n'est pas une folie que d'aimer et de vouloir être aimée, si la tendresse, le dévouement, l'abandon, l'amour ne sont pas des vertus de roman qu'il faut étouffer dans son cœur au prix de faire son propre malheur et celui des autres. (Olivier, Folio, p.198-199)
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Un profond dégoût s'attache pour moi à tout ce que je possède et j'envie tout ce que je n'ai pas, je regarde le laboureur qui cultive en paix ses champs, je voudrais prendre sa place et lui donner cette part de gloire et de fortune qui m'est échue et qui ne peut rien pour mon bonheur, et croyez-moi, Adèle, je gagnerais à cet échange. Le vide, l'ennui qui me dévorent se mêlent à mes moindres actions, comme pour les empoisonner toutes, les seuls moments où je respire sont ceux où je puis faire un peu de bien, parce que alors je perds dans l'intérêt des autres le sentiment douloureux de moi-même et que je m'oublie en les servant. Cet état, je vous l'avoue, a beaucoup diminué pour moi le prix de la vie, je conserve la mienne plus par honneur que par goût; mais quelquefois le sacrifice me semble plus grand que le prix que j'en retire, et la satisfaction intérieure de la conscience ne vaut pas la délivrance que la mort me donnerait. (Olivier, Folio, p.232-233)
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