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Philippe Vigreux (Traducteur)
EAN : 9782253050919
648 pages
Le Livre de Poche (01/10/1989)
4.19/5   302 notes
Résumé :
La rue d'al-Nahhasin n'était pas une rue calme... La harangue des camelots, le marchandage des clients, les invocations des illuminés de passage, les plaisanteries des chalands s'y fondaient en un concert de voix pointues... Les questions les plus privées en pénétraient les moindres recoins, s'élevaient jusqu'à ses minarets... Pourtant, une clameur soudaine s'éleva, d'abord lointaine, comme le mugissement des vagues, elle commença à s'enfler, s'amplifier, jusqu'à re... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (35) Voir plus Ajouter une critique
4,19

sur 302 notes
C'est une grande oeuvre que cette Trilogie du Caire, et le premier tome, Impasse des deux palais, donne le ton. Ça faisait un certain temps déjà que je me promettais cette oeuvre importante, fruit du travail du prix Nobel Naguib Mahfouz (premier et seul écrivian arabe à avoir reçu cette distinction jusqu'à maintenant). Je ne m'attendais pas à une oeuvre aussi magistrale. Anecdote : quand je suis allé à la bibliothèque l'emprunter, j'ai reculé d'un ou deux pas en constatant l'épaisseur du bouquin, à laquelle je ne m'attendais pas du tout.

Impasse des deux palais donne d'abord l'impression d'être une intrigue familiale, une simple saga, mais non ! Ça ressemble beaucoup plus à un grand roman social. Les comparaisons entre l'auteur et Zola ou Hugo ont toute lieu d'être. Les descriptions (autant celles des individus, de leurs vêtements et demeures, des lieux, du contexte socio-historique, etc) sont minutieuses, précieuses et surtout utiles. Exit les longs passages ennuyeux !. Tout au long de ma lecture, je m'imaginais me promener dans les rues du Caire, suivant les pas des personnages. Ici, une ruelle, par-là une place à l'ombre de ce qui était autrefois un palais, là-bas les rues animées de marchands qui crient et encombrées de suarès (wagons tirés par des ânes, ancêtres du tramway), etc. Lors d'une réception, on servit du moughat et du konafa. À cela s'ajoute précision historique. On peut aussi croisier ou faire référence aux poèmes de Sharif Radi qu'à Adbou al-Hammuli et Muhammad Othmân, ministres membres de la délégation envoyée à Londres, à Dahane, un marchand de kebab renommé, qu'à Mohamed Abdou, grand réformateur musulman. Les notes en bas de page étaient d'un secours grandement apprécié. Pourtant, malgré tous les termes arabes qui m'étaient inconnus pour la plupart, jamais je n'ai senti de lourdeur ni de longueur.

Le roman s'ouvre avec Amina, qui se promène seule dans sa grande maison puis qui observe la ville, à travers le moucharabieh. Il lui serait impensable d'oser sortir le nez à l'extérieur ! Prisonnière dans sa propre maison (quoique, en bonne épouse musulmane, obéissante à son mari, elle ne se considère pas comme prisonnière), elle se remémore sa jeunesse, son mariage, sa vie de famille et ses enfants, sa relation avec son mari autoritaire, voire tyrannique, Ahmed Abd el-Gawwad. Puis viennent les enfants : Yasine, né d'un premier maraige du père, jeune vingtaine, qui commence à découvrir le monde, les femmes (incluant la belle luthiste, les prostituées et même les servantes…), Khadiga au long nez et la belle Aïsha, Fahmi, aux convictions nationalistes, et l'écolier Kamal, comique et influençable. À cette famille viendra s'ajouter une galerie de personnages comme les employés, les voisins, la famille élargie, les futurs gendres et brues, etc. Tous, avec leur agenda distinct, permettant de lever le voile sur différentes facettes de la soiété cairote-égyptienne-musulmane.

Naguid Mahfouz, c'est du grand art. Sa façon de narrer l'histoire permet au lecteur de s'immiscer dans la tête de chacun des protagonistes, d'avoir accès à ses pensées les plus profonde, permettant ainsi de comprendre les situations du point de vue de chacun. C'est précieux, parce qu'il est tellement facile de juger quand on aborde un problème sous un seul angle… L'auteur jète un regard sans pareil sur la société égyptienne du début du siècle dernier : les rôles et responsabilités du mari et de la femme, les mariages, les célébrations… ainsi que les visites chez les prostituées où l'on boit de l'alcool… Plusieurs ont dû critiquer sévèrement cette oeuvre à cause son contenu licencieux qu'ils auraient préféré ignorer. Dans tous les cas, cet enchainement d'événements de la vie quotidienne peut laisser croire qu'il s'agit d'un livre où il ne se passe rien. En effet, les actions sont assez rares. Elles commencent à se resserrer dans la dernière partie, alors que l'occupation anglaise affecte de façon directe les relations entre les personnages.

Et c'est tout le génie de Mahfouz : présenter LeCaire et l'Égypte à un moment charnière, permettant d'insérer son histoire dans la grande Histoire. le roman commence alors que la Première Guerre mondiale fait rage. le pays n'en vit pas les conséquences directes, le front est loin, surtout en Europe. le seul désagrément est la présence des troupes anglaises et australiennes sur le territoire. Un irritant, rien de plus. Mais, une fois la guerre finie, c'est toute autre chose. Alors qu'on se presse à accorder l'indépendance aux nations européennes qui étaient soumises, le reste du monde doit continuer à subir le joug occidental et l'Égypte n'y fait pas exception : l'Angleterre proclame unilatéralement le protectorat. Les manifestations se multiplient alors que les troupes anglaises prennent peur et répondent par les armes. C'est sur cette période troublée – et une note tragique – que se clot magistralement le premier tome de cette Trilogie du Caire. À suivre…
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Envie d'immersion totale, envie de lenteur, envie d'ailleurs?

Ce pavé est pour vous, même si l'épaisseur et la lenteur vous font peur car la focale de lecture, c'est une formidable saga familiale peuplée de personnages qui sortent des pages tant ils sont vivants, leurs traits dominants et leur psychologie fouillés à l'extrême, et la puissance de leurs interactions créent une tension palpable tant la pression sociale et culturelle pèse de tout son poids sur leurs destinées.

C'est une gageure de la part de Naguib Mahfouz de captiver son lecteur (en lui demandant certes un peu d'efforts) dans une intrigue qui quitte à peine les quatre murs de la maisonnée du terrible patriarche Ahmed Abd El Gawwad et qui se cantonne quasiment aux seules affaires familiales - pour les femmes tout du moins, prisonnières de leur logis et de leur isolement, tandis que frères et père cherchent à l'extérieur les dérivatifs au pesant climat de la maison.
Or à travers cette famille c'est tout un condensé de la société égyptienne traditionnelle dans laquelle nous sommes plongés : autour du père dual , tyran domestique à l'intérieur et commerçant avenant et jouisseur à l'extérieur, Amina son épouse a organisé sa cosmogonie et accepté son sort entre les murs de la maisonnée qu'elle n'a pas quitté depuis quarante ans, pendant que ses filles attendent dans l'ombre les maris qui leur seront choisis, et que les frères, quant à eux, poussent chacun comme les branches opposées de l'arbre familial : Yasine vers la paresse et la luxure, Kamal vers la modernité qui poind dans la douleur d'une société en train de secouer son joug.

Cela m'a pris un peu de temps à entrer dans ce livre, mais une fois ferrée l'attachement a été puissant à cette famille qui épouse l'histoire de l'Egypte au lendemain de la première guerre mondiale. A tel point que lire la suite de cette saga magistrale s'impose comme une évidence.
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Vous avez toujours voulu savoir ce qui se passait derrière les moucharabiehs dans une grande ville arabe du début du siècle dernier? Alors le livre de Naguib Mahfouz est fait pour vous. C'est une histoire familiale (pas vraiment une saga), au Caire, pendant la première guerre mondiale et peu après. le père, Ahmed Abd el-Gawwad est un commerçant respecté. La mère, Amina, cloîtrée à la maison comme il se doit, est tout entière à son service et à celui de ses enfants. Cinq enfants, entre vingt-et-un et dix ans. L'aîné, Yacine, né d'un premier mariage, Khadiga la première-née d'Amina, pas très jolie et langue de vipère, Aïsha, jolie comme un coeur, Fahmi, l'étudiant exalté, et le petit Kamal, espiègle et farceur. Tous vivent sous l'autorité tyrannique du père qui veille au strict respect de la tradition. Mais quand vient le soir, il quitte la maison pour passer la soirée avec ses amis, boire du vin, chanter et séduire des femmes, les almées, chanteuses, musiciennes. Une sorte de double vie, qui finit par lui poser quelques problèmes de conscience, surtout vis-à-vis du Tout-puissant, et même s'il est miséricordieux. Tous les enfants à part Kamal sont à l'âge des émois amoureux, qui vont ébranler le cours immuable de la vie dans la maison d'Ahmed Abd el-Gawwad. A l'extérieur de la maison, c'est l'histoire de l'Égypte qui suit son cours. Les Anglais ont gagné la guerre et semblent là pour rester, lorsque éclate le soulèvement de 1919. Naguib Mahfouz raconte tout cela, et bien d'autres choses encore, avec un charme infini. C'est lent, il faut prendre son temps. C'est d'un style classique aussi. Chaque personnage est décrit minutieusement dans ses actes et ses pensées. Mais ils sont rendus à toute leur complexité, avec beaucoup de bienveillance. L'auteur montre aussi comment l'islam imprègne le quotidien, comment il est vécu au jour le jour. C'est une lecture aisée et agréable et c'est surtout une plongée passionnante dans une civilisation qu'on apprend à connaître pour ainsi dire naturellement. Et l'on se dit que L'immeuble Yacoubian d'Alaa El Aswany doit beaucoup à cet illustre prédécesseur, seul prix Nobel de littérature du monde arabe. C'est le premier volume d'une trilogie. Il reste beaucoup à découvrir.
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Ouf,en voilà un paveton ! Avoisinant les mille et une pages, ce livre, premier volume d'une trilogie (!) nous plonge dans l'Egypte au début du XXème siècle, dans la famille d'un commerçant égyptien aussi tyrannique pour sa famille qu'enjoué et agréable pour ses amis. Docteur Jekyll et mister Hyde, me direz-vous ? Il y aurait un peu de cela, si ce n'est qu'au fond ce brave homme adore les siens, mais que, s'interdisant de le leur montrer -société islamique oblige-, il se fait d'autant plus dur et impitoyable avec eux ,interdisant toute manifestation de sentiment et imposant une discipline de fer conforme à son sens de l'honneur et à sa réputation. C'est un peu, comme qui dirait, je t'aime moi non plus, agrémenté d'un "quand le chat n'est pas là, les souris dansent". Malheureusement -ou pas- le chat ne s'absente pas souvent et le jour où il le fait, l'escapade des siens hors de la maison-prison tourne mal ce qui vous laisse augurer le retour du maître... Alliant la précision historique à la description d'une Egypte aux mains des anglais, Mahfouz décrit à la perfection la société musulmane du Caire, ses traditions et ses coutumes à un moment où cette société évolue vers une plus grande liberté de moeurs, dans ce style oriental qui se perd en tours et détours, en méandres psychologiques et religieux et qui finit par user le lecteur le plus assidu. Ses personnages sont attachants, vivants et évoluent eux aussi. Je lirai les deux autres volumes, mais...plus tard, après quelques lectures plus légères sans doute.
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Le Caire, première moitié du XXème siècle, une famille traditionnelle aisée, la mère, les enfants et le père pater familias qui n'est pas loin d'avoir le droit de vie et de mort sur sa famille, commerçant de son état .

Le père fait subir à sa famille sa toute puissance, respect, obéissance, sens du devoir, de la religion, n'avoir aucune pensée propre, un véritable tyran domestique. Lui-même s'arrange à la louche avec la morale et la religion, trainant toutes les nuits dans des soirées alcoolisées et compilant les relations extra-conjugales...

Il lui tient à coeur de tenir sa famille dans le droit chemin, sa femme sous sa coupe, son autorité non contestée et sa respectabilité intouchable. Il faudra pourtant bien que ses enfants grandissent, lui créent des soucis, prennent le peu d'envol qu'ils peuvent et la vie bousculera un peu les certitudes du père.

La place de sa femme est tout bonnement abominable, inimaginable pour nous et il faut bien les mots de l'auteur pour donner vie et rendre ce personnage central attachant . D'ailleurs tous les personnages sont particulièrement bien décrits et prennent chair et vie sous nos yeux.

L'histoire du pays, sous la coupe des Anglais à ce moment là, bouge elle aussi dans un mouvement d'indépendance et l'on sent bien les micro-changements qui animent déjà la société et le pays.

Premier tome d'une trilogie, ce roman est tout bonnement magnifique, on y plonge sans s'en rendre compte, on ouvre les portes, on découvre les secrets, les ruelles du Caire, l'Egypte !
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
La main de Yacine commença à se contracter, puis à se détendre dans un mouvement nerveux et machinal qui semblait si bien lui pomper le sang du visage que celui-ci devint affreusement pâle... Il ressentit une honte qu'il n'avait ressentie que dans la souffrance que la conduite de sa mère lui avait fait endurer. Son beau-père demandait le divorce? Ou, en d'autres termes, Zaïnab le demandait ou tout au moins l'acceptait? Qui des deux était l'homme, qui des deux était la femme? Jeter une chaussure aux ordures n'avait rien d'extraordinaire, quant à ce que ce soit la chaussure qui balance son propriétaire! Comment son père avait-il pu souffrir pour lui cette infamie inimaginable?
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"Vivre ou mourir, peu m'importe! La foi est plus forte que la mort, et la mort plus noble que l'humiliation! Grand bien nous fasse cet espoir à côté duquel la vie ne vaut rien. Bienvenue à toi, matin nouveau de liberté... Dieu que Ta volonté soit faite!"
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Or il arriva que par un sort malheureux, celui d'Amina bien entendu, il reconsidéra les événements à tête reposée, seul avec lui-même et qu'il se persuada que, s'il laissait le pardon l'emporter et répondait à l'appel de la pitié, ce vers quoi son âme tendait, il ruinerait à la fois son prestige, sa dignité, sa propre histoire et ses traditions. Les rênes lui glisseraient des mains, le tissu de la famille, qu'il tenait dur comme fer à conduire dans la fermeté et la rigueur, se désagrégerait... En un mot, il ne serait plus Ahmed Abd el-Gawwad, mais quelqu'un d'autre que pour rien au monde il n'acceptait d'être.
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Elle s'était d'abord rangée à l'objection faite à son mariage, poussée par la générosité du triomphe et du bonheur, et par pitié pour sa soeur infortunée. Mais, maintenant, la générosité était un feu mort et la pitié asséchée faisait place au ressentiment, à l'indignation et au désespoir. Elle n'avait pas voix au chapitre. C'était la volonté irréversible du père à laquelle son seul devoir n'était pas uniquement d'obéir et de se soumettre, mais de se satisfaire et de se réjouir. Car la simple consternation était une faute impardonnable. Quant à la protestation, c'était un péché que son éducation et sa pudeur ne pouvaient admettre. [...] Dieu qu'elle est épaisse l'obscurité qui vient sur les pas de la lumière éblouissante! Dans ces moments-là, la douleur ne s'arrête pas à l'obscurité du moment, mais s'avive du regret de la lumière enfouie.
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C'était l'habitude qui l'avait tirée du sommeil à cette heure, une vieille habitude, héritée de la prime jeunesse, et qui la possédait encore à l'âge adulte, qu'elle avait faite sienne au même titre qu'un certain nombre de règles de la vie conjugale, et qui voulait qu'elle fût sur pied au beau milieu de la nuit pour attendre son mari au retour de ses sorties nocturnes et le servir avant qu'il s'endorme.
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