Alors que les jeunes générations sont très largement ignorantes du personnage d'Arlequin, on espérait que cet ouvrage permettrait en particulier aux parents de pouvoir évoquer ses origines devant leurs enfants.
Le récit évoque une révolte au deuxième tiers du XIVe siècle à Florence, c'est celle des Ciompi en 1378 ; Niccolò Naselli , dit "Lecchino", en est un des chefs et il doit fuir la cité car la répression le guette.
« Les bourgeois de Florence ont amassé des fortunes, ils ont formé des factions rivales; de puissantes familles se disputent la suprématie de la cité. Profitant de ces dissensions, les insurgés réussissent à s'emparer du pouvoir. (…) Bourgeois et praticiens pactisent, ils sont résolus à reprendre les rênes. À l'été finissant, ils organisent les représailles. La suite n'est guère difficile à deviner. Il y a grand massacre d'émeutiers. Blessé au cours de l'affrontement, Niccolò parvient à s'échapper, mais il songe avant tout à sa femme, Fiora, et au bébé qu'elle va mettre au monde. » (page 17)
Dans sa fuite, sa femme Fiora décède mais elle a le temps de donner naissance à Angelo Naselli , dit "Lecchino", père de Micheluccio Naselli. C'est bientôt l'époque où
« Florence et Bologne affrontent une coalition de Milanais, Ferrarais et Mantouans. Or, comme chacun sait, quand la soldatesque ne s'étripe pas, elle boit et elle mange. Cavalerie et piétaille silllonnant le pays, le bétail et les réserves de grain diminuent fortement. Et lorsque les armées repartent au combat, elles cèdent la place à des bandes de pillards qui ne laissent que cendres sur leur passage. » (page 31)
Un des narrateurs est Gianni Lanzaccio, issue d'une famille noble provençale, mais devenu acteur d'une troupe dirigée par Angelo Naselli et par ailleurs époux de la Zingara une bohémienne ayant rejoint la compagnie de comédiens en 1401.
Lecchino, fils d'un colporteur, prend l'habitude de faire une animation pour aider à vendre les marchandises de son père. Un moine comprend que son nom n'est pas "Lecchino" (c'est-à-dire "le gourmand") mais "Alichino", nom d'un démon de l'enfer (page 44).
Le père et son fils quittent Florence, où ils sont en danger, pour Ferrare où les circonstances font que Lecchino devient le second bouffon du marquis d'Este (page 104). Toutefois après s'être moqué d'un condotierre lubrique, Lecchino doit quitter la ville et rejoint Medola en Toscane, puis Parme, Gênes, le Piémont et la Provence. C'est l'époque où l'antipape Benoît XIII, élu en 1394, réside en Avignon. Ce premier voyage, qui dure de 1396 à 1400, le conduit jusqu'au Trentin ; grâce à deux autres il aura quasiment parcouru toute l'Italie , sauf la région au sud et à l'est de Naples.
Ce n'est qu'en 1404 qu'apparaît Arlequin pour la première fois à Venise :
« Dans un somptueux salon, nous servons une pitrerie que, jamais au grand jamais, nous ne pensions que des seigneurs avaleraient. Lecchino y incarne pour la première fois Alchino qui, cherchant à s'emparer de l'âme d'un trépassé, prend conseil auprès de Lucifer:
"Grand Maître, cette âme, par où va-t-elle sortir ?"
Et la voix de Lucifer lui répond :
"Elle sort par le fondement; ne fais le guet qu'au trou du cul !"
Et l'Alchino ravi se frotte les mains :
"Si c'est par là, j'en aurai facilement un millier pour moins d'un écu ! " (page 446)
C'est quand même faire attendre passablement le lecteur que de faire apparaître si tardivement le personnage d'Arlequin et on aurait aimé en savoir plus sur les choix de l'apparence sous laquelle il se fait connaître. Bref, ici Arlequin semble un bon prétexte pour évoquer des généralités sur l'Italie autour de 1370-1420 et la comedia dell'arte plus que le sujet principal du récit.
Dans une annexe,
Michel Maisonneuve explique sur quels faits historiques ou récits fictionnels d'époque, il s'est appuyé; on reste toujours dubitatif sur les réelles origines du personnage d'Arlequin. On signale l'existence d'un musée Arlecchino à Bergame dans un lieu où vécut un acteur qui interpréta le rôle d'Arlequin.