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Jean-Pierre Sicre (Préfacier, etc.)
EAN : 9782859404635
336 pages
Phébus (30/11/-1)
3.94/5   9 notes
Résumé :
Les écrivains français qui ont traversé la guerre (la dernière, s'entend) sont restés dans l'ensemble remarquablement silencieux sur tout ce qui touchait d'un peu près aux déplaisantes réalités de l'époque. Il n'est que de lire la plupart des journaux intimes signés par les grands noms de la littérature d'alors pour le constater, non sans effarement. Rien de tel avec Jean Malaquais (prix Th. Renaudot 1939 pour les Javanais, qui le firent comparer à Céline : un Célin... >Voir plus
Que lire après Journal de guerre (suivi de) Journal du métèque 1939-1942Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Début septembre 1939, Malaquais se trouve embarqué comme simple soldat dans « la drôle de guerre » et se retrouve en assez piètre compagnie à remuer de la boue et du ciment en Lorraine en prévision de l’invasion teutonne qui se doit de passer en ces lieux.
Si ce journal, fruit de ces circonstances particulières, démarre assez lentement et quelque peu laborieusement, notre auteur va progressivement trouver le rythme correspondant à cet exercice particulier et surtout, grâce à ses talents d’observation acérés, se saisir pleinement de l’esprit de cette époque où prédominent l’absurde et la confusion.
De ce qui aurait pu n’être qu’un simple témoignage individuel, il dresse un tableau plutôt accablant d’une France vivant dans de ridicules illusions et qui n’allait pas tarder à sombrer dans les plus médiocres renoncements et ignominies de la collaboration et du pétainisme.
Pas prétentieux le soldat Malaquais qui, alors qu’il patauge pour rien dans les champs de Moselle, apprend par son éditeur début décembre que son roman « Les Javanais » a décroché le prix Renaudot, événement qui restera pratiquement sans conséquences sur sa situation.
Ce qu’il pressent du désastre à venir, à travers ce qu’il constate, le tracasse beaucoup plus ; alors même que l’état-major y va encore de ses déclarations sur « l’invincible armée française ».
On sait la suite : c’est la Belgique qui subira l’assaut principal de l’armée d’Hitler et le dispositif "stratégique" de cet État-major s'écroulera comme un château de carte . Estimant avoir poussé l’abnégation assez loin, Malaquais s’évade avec un compagnon d’une colonne de prisonniers et après un long périple rejoint avec lui Paris le 13 juillet 1940.
Débute alors la seconde partie de l’ouvrage, dite Journal du Métèque.
Si Malaquais se désigne lui-même ainsi, c’est qu’il est d’origine juif-polonais et que la généreuse république française malgré son appel « sous les drapeaux » l’a laissé dans un statut d’apatride, tout désigné pour les camps d’extermination. Aussi ne se fait-il guère d’illusion avec sa compagne d’origine russe sur cette France d’alors où il voit que « Le diable ne sait plus où donner de la tête, tant le sollicite de toutes parts quiconque pense avoir un brin d'âme à vendre. »
En ce Paris désert de l’été 40, et malgré l’incertitude de sa situation, Malaquais sait encore saisir la poésie de l’instant, « Beauté de ce Paris vide de gens, de voitures, de fracas mécanique. Tout au long du jour, où que l'on regarde, et malgré la lueur du ciel, c'est l'aube. C'est l'heure paisible où la ville s'appartient, où la pierre est à la pierre. Émerveillement d'apercevoir un cycliste au loin, une charrette à bras, présences insolites qui soulignent la précarité de l'homme. »
Ce qui ne l’empêche pas de constater, « De même que le prétendu communisme stalinien, la peste brune vise la surexploitation toujours plus féroce du travail salarié. Tout habillage idéologique - nation, patrie, race – ne fait qu’occulter cette vérité première : plus que jamais, il n’y a guerre que de rapine. »
En octobre, Malaquais rejoint le sud de la France et Marseille où il va survivre tant bien que mal, en travaillant entre autre à la Coopérative Croquefruit, aussi avec l’aide d’André Gide et de Jean Giono. Pour comprendre la situation de tous les opposants fuyant les régimes totalitaires européens, dans lesquels il faut intégrer de nombreux antistaliniens, il faut se rappeler l’infâme article 19 de la convention d’armistice signé par le gouvernement pétainiste avec les nazis, par lequel celui-ci s’est engagé à livrer sur simple demande à ceux-là tous les ressortissants étrangers désignés. Ce qui correspondait à un passeport direct pour les camps d’extermination. Marseille était donc bien alors, pour tous ces réfugiés, la principale issue pour fuir la mort, où chacun espérait un visa pour le Mexique, l’Amérique du sud ou les Etats-Unis. Sachant également que la presse national-collaborationniste, par la voix des Rebatet, Brasillach, Maurras, Céline et leurs émules, crachait à jets de fiel continus sur les « ennemis de l’intérieur », appelant à leur extermination. A quoi Malaquais répond dans ce journal : « Nationalismes … Toute borne est arbitraire, qui désunit et compartimente les peuples. Tels qui, ici ou là-bas, exaltent leur chaumière, leur clocher natifs trucideraient, la conscience tranquille, leurs analogues que le sort aura fait naître de l’autre coté du poteau frontalier. Pour moi, qui récuse la moindre allégeance politique à l’idée d’Etat, de nation, il n’y a jamais eu de patriotisme que chauvin et belliqueux. »
Ce n’est que fin septembre 1942, que Malaquais et sa femme Galy réussiront à quitter la France et après avoir traversé l’Espagne avec de faux papiers, à embarquer à Cadix sur le Cabo de Buena Esperanza. Le 12 novembre 1942, les troupes allemandes rentraient à Marseille.
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Déception.
Grande déception .
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
5 janvier 1940
Me suis découvert des affinités avec un jeune catalan, Jordi de son prénom, militant du POUM, teniente sur le front de Madrid. Nous parlons Garcia Lorca, parlons Lope de Vega, jouons aux échecs. Il est polyglotte, d'une exquise finesse et lettré.
................................
16 janvier 1940
Nous marchions lentement, en silence, sur la route glissante, sombre malgré la neige fraîchement tombée. En me laissant, il dit : "Je crois savoir que nous, les Espagnols, on nous fera quitter Mittersheim demain ..." Je sens que, tout comme moi, il regrette que notre amitié naissante doive être coupée si tôt. Je le suis des yeux, fine silhouette fantomatique bientôt dissoute dans la nuit où pas une lueur ne brille, lorsque je l'entends qui revient sur ses pas.
- Adios, companero, dit-il. Ah, tu connais ce vers de Byron ?
Let me, or happy or unhappy,
Learn to anticipate my immortality.
Nous nous sommes longuement étreints.
En notant ceci, je me rends soudain compte que je ne connais pas son nom de famille.
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C'était la fin de la 3eme République, voici venir les fachos et les chiens des Oberkommandantur, la terreur noire et les expéditions punitives, les autodafés, le choléra et la peste brune que votre idéologie vérolée sécrète comme la limace sa bave.
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Démocratie, fascime, stalinisme -- même combat :
Celui de la redistribution par le fer et par le feu du marché capitalisme.

Point de drapeau national dont les plis ne ruissellent de sang.
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22 juillet 1940
Beauté de ce Paris vide de gens, de voitures, de fracas mécanique. Tout au long du jour, où que l'on regarde, et malgré la lueur du ciel, c'est l'aube. C'est l'heure paisible où la ville s'appartient, où la pierre est à la pierre. Émerveillement d'apercevoir un cycliste au loin, une charrette à bras, présences insolites qui soulignent la précarité de l'homme.
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L'absolutisme d'hier méprisait le vilain et le dévorait sans assaisonnement; le totalitarisme d'aujourd'hui flatte le peuple et le dévore en ragoût.
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