Les soeurs Querelle

J’ai compris à la longue qu’il ne fallait pas s’attacher à l’apparence, que toutes les vérités sur l’espèce humaine se logent dans les détails, cachées, secrètes, dissimulées. C’est Nietzsche qui disait que le diable était dans les détails. Vous voyez ce que je veux dire ? La face sombre des individus. Je n’aime que ça, moi. C’est ce que je recherche dans les bouquins qui ne se contentent pas de peindre le monde d’une seule couleur. C’est quatre-vingts pour cent de la littérature, le monde d’une seule couleur, alors qu’il y a des écrivains qui s’intéressent au dessous des êtres, aux soubassements des âmes.

On profita d'une accalmie pour sortir dans le parc. Oriane avait envie de sentir les odeurs de la terre mouillée, le parfum des troènes et des seringats et d'entendre le murmure du vent dans les hautes ramures des pins, tout cela venant de l'enfance. Sans doute se préparait-elle à dire adieu à ces petits bonheurs, à fermer la porte de ce paradis miniature. Elle avait cru et espéré le préserver du temps, mais ce n'était qu'un leurre de plus. La vie les emporterait, elle et ses souvenirs, ceux-ci bientôt décolorés comme un pastel exposé à une lumière dévastatrice. (p 293)

J'ai compris à la longue qu'il ne fallait pas s'attacher à l'apparence, que toutes les vérités sur l'espèce humaine se logent dans les détails, cachées, secrètes, dissimulées. C'est Nietzsche qui disait que le diable était dans les détails. Vous voyez ce que je veux dire ? La face sombre des individus. Je n'aime que ça, moi. C'est ce que je recherche dans les bouquins qui ne se contentent pas de peindre le monde d'une seule couleur, alors qu'il y a des écrivains qui s'intéressent au dessous des êtres, aux soubassements des âmes. (p 268)

Elle se sentait vulnérable de ce côté-ci de son existence. Les passions, les ruptures, les déchirures, les désirs… Tout allait à contre-courant dans sa tête. Il lui suffisait de finir une histoire pour avoir envie, deux jours plus tard, de la reprendre. Cette instabilité sentimentale masquait en vérité un trop-plein d’orgueil. Une partie d’elle-même l’incitait à faire de ses amours un jeu de massacre et l’autre à réparer ce qu’elle avait piétiné la veille. Une histoire sans fin des reins et des cœurs.

- Je me suis ennuyée dans Tchekhov. Les répliques n'en finissent plus. On tourne autour des situations, comme si l'on craignait de s'y engluer.
- N'est-ce pas cela, l'existence ? Personne ne va droit au but, soutint Loïse. Les vérités le plus terribles à dire s'en viennent toujours de loin. On les tire à soi, elles nous échappent, on les récupère au dernier instant. Et qu'en fait-on ? Parfois, elles nous donnent envie de fuir, parfois elles nous tiennent dans leurs mâchoires. (p 329)