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Critique de SZRAMOWO


Merci aux éditions 12/21 et le Fleuve de m'avoir permis de lire cet ouvrage dans le cadre de son opération Les ambassadeurs 12/21.
Je ne connaissais pas Amédée Mallock. le héros du roman le principe de parcimonie d'un auteur qui s'appelle Mallock lui aussi ; un peu comme Dieu, il a créé son héros à son image.
Amédée est flic, commissaire à la crim', 36 Quai des Orfèvres déménagé pour cause de rationalisation budgétaire au 13 rue du Cloître Notre Dame (à 5 minutes à pied) ; mais la nostalgie étant ce qu'elle est…, il ne s'y fait pas…
Le tour de force de Mallock est d'avoir imaginé un Commissaire qui se démarque de ses semblables, flics ou non : Maigret, Montalbano, Adamsberg, Carvalho, Burma, et tous les autres. Lui, il n'est ni caractériel, ni solitaire, ni en proie à des angoisses domestiques, genre je brûle mes livres de bibliothèque pour allumer le feu ou je me gave de blanquette de veau en ingurgitant cinq bières par jour, des fines à l'eau et des petits coups de blanc, en veux-tu en voilà…Non, lui :
- A eu un, fils Thomas, qu'il a eu avec Marie-Luce Lilou, morte d'overdose, l'enfant est décédé dans sa première année. Mallock a connu un passage à vide d'un an avant de rencontrer Margot.
- Habite dans le Marais, rue du Bourg-Tibourg, et se rend à pied au bureau, en traversant la Seine ! Il roule dans une Jaguar Type S 420.
- « Aime avant tout les certitudes » - « la vérité ou la découverte » - « les abîmes du doute ne sont pas faites pour lui » - c'est ce qui lui permet, « la nuit, de s'allonger et de fermer enfin les yeux » .
- N'a pas de problèmes avec son supérieur hiérarchique Dominique Dublin qui reconnait ses qualités : « Eh oui, tu dis toujours « ça comme ça » et c'est toujours « ça ». »
- Son équipe, (Jules, Julie et Ken – les anciens – Jo et William – les nouveaux-), l'apprécie et il l'apprécie : « Coucou, Wynona, passe-moi un des loustics, s'il te plait. » « J'ai une Julie et un Ken en magasin, pour le moment… »
- Son journaliste préféré est Sigismond Gallucha : « 1.85 m, blond délavé, avec un corps de catcheur. » c'est lui qui l'informe ou qu'il charge de balancer des infos…
- Il adore exposer les tenants et les aboutissants de ses enquêtes à Sigismond et à Léon, un juif qui tient librairie rue des Mauvais Garçons. Il les invite le matin pour un petit déjeuner à la terrasse du bar chez Marius, quel que soit le temps.
Bref, rien que pour connaître Amédée, le détour par les romans de son créateur, Mallock, est à conseiller.
Le principe de parcimonie démarre sur les chapeaux de roue.
Le vol de la Joconde au Louvre, pas moins. Amédée Mallock et son patron, Dominique Dublin, sont sur le coup, ils veulent faire en sorte que l'info reste confidentielle mais, alors qu'ils sont sur les lieux en compagnie du conservateur, un mystérieux Dr Crane poste une vidéo sur le Web se présentant comme l'auteur du vol en exhibant le tableau.
C'est un roman dans lequel on ne va pas conduire le lecteur par le bout du nez pour le perdre dans les méandres d'une énigme qui sera résolue à coups de raisonnements logiques. Non, les données du problème à résoudre sont posées dès les premiers chapitres :
Un cinglé a volé la Joconde et s'en sert comme otage pour s'autoriser les comportements les plus condamnables.
Une course contre la montre s'engage alors entre le criminel et l'équipe de Mallock. le criminel est un adepte du principe du rasoir d'Ockham, dont la traduction pourrait être « pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple », il prend ainsi à rebours le savoir de la police scientifique qui cherche à élaborer des profils complexes en fouillant le subconscient des possibles suspects.
Quelque part, Amédée Mallock aussi est un adepte de ce « principe de parcimonie », l'histoire est celle d'un affrontement entre les deux hommes, d'une course de vitesse pour savoir qui dépassera l'autre à ce jeu.
La construction du roman, une suite de chapitres courts, datés, récits vifs et circonstanciés de journées folles où l'improbable devient réalité. Entre le mardi 6 septembre et le dimanche 25 décembre, Mallock nous entraîne dans la course poursuite entre Amédée Mallock et le Dr Crane ou Dr Ockham, alias le Polichinelle, alias Dr Spectre.
Entre ces journées du présent, des courts récits nous emmènent dans un passé récent, sur le plateau du Larzac où Erwan un jeune enfant de 9 ans subit les pires sévices. Pourrait-il être Dr Crane ou Dr Ockham, alias le Polichinelle, alias Dr Spectre ? Très vitre le lecteur s'en convainc.
Le vol de la Joconde n'est pas un crime de sang, mais un crime contre la culture et la civilisation, contre l'humanité in fine…. Même si Ockham recueille 21 millions de vues sur les réseaux sociaux titillant les sentiments les plus vils et les plus noirs de terriens névrosés…mais, le succès du buzz ainsi provoqué est indéniable et inquiètent les autorités…
Ockham fait monter ses actions en puissance.
Une question hante Mallock, ces crimes sont-ils gratuits. Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ? L'équation à deux inconnues semble insoluble…
Ils se poursuivent à un rythme effréné et prennent de nouvelles formes, un crescendo vers l'horreur et la mort :
Un nouveau philosophe (BHL ?) est agressé chez lui et scalpé tandis que les flashs crépitent autour de lui. Puis c'est au tour de patrons du CAC 40, d'un écolo qui pourrait bien être José Bové, de deux patrons de centrales syndicales. Un député et son assistant parlementaire se retrouvent sans oreilles dans le train. Trois journalistes complaisants sont émasculés…puis vient le premier assassinat, celui d'un chanteur, Bruno Karly, un chanteur à minettes…d'autres suivent…
Seuls indices :
- Amédée Mallock reçoit des bocaux de confiture contenant du concentré des crimes d'Ockham. Chaque bocal est accompagné d'un précepte numéroté, en lien avec le forfait commis, surmonté d'un titre abscons :
Précepte N° 1 « Vitrine en croûte de sel » « Attention, c'est en montrant les monstres qu'ils le deviennent. »
Précepte N° 2 « Confiture de Joconde » « Tu réduiras les icones à ce qu'elles sont : de la confiture pour cochons. »
Précepte N° 3 « Soupe aux cheveux » « Sachez que les plumes de paon n'ont pas même vertu à en dissimuler le trou du cul. »
Précepte N° 4 « Pervers au vinaigre » « Tu ne toucheras pas aux enfants avec des pensées sales. »
Précepte N° 5 « Crinière de visage pâle en escabèche et ses morceaux choisis » « Il ne saurait être donné de date limite de consommation à la vengeance du juste. »
Précepte N° 6 « Aspic de langue » « Tout ce que vous plaiderez sera retenu contre vous. »
Précepte N° 7 « Oreilles de cochon vinaigrette » « On ne décide pas au nom de ceux que l'on n'écoute pas. »
Précepte N° 8 « Couilles d'âne aux marrons, petits pois et leur purée de cartes de presse » « Tu ne laisseras personne couper ni tes couilles ni ton texte.»
Précepte N° 9 « Coeur de chanteur au Champagne » « Tu n'exhiberas pas ton coeur comme on montre son cul. »
Précepte N° 10 : Nez-potisme : « Tu ne te moucheras pas la bouche pleine. »
Précepte N° 11 « Cervelle de conne aux câpres » « Tu te nourriras d'éducation pas d'illusions. »
On l'aura compris, l'enquête s'emballe. Les rapports quotidiens aussi. Jusqu'à la fin. Je vous laisse le soin de le découvrir en lisant ce roman captivant.
Man avis :
Mallock met en scène plusieurs concepts élaborés par Robert Muchembled dans son « Une histoire de la violence ». En cela son roman est à la fois contemporain et novateur. Il montre à l'instar de l'historien, qu'après une baisse continue des actes de violence, les premières années du XXIe siècle semblent inaugurer une vigoureuse résurgence de la violence. Une violence qui n'est pas une violence d'origine économique, celle que l'on justifie pour voler, mais une violence plus idéologique, celle que l'on justifie pour régler ses comptes avec les valeurs de l'establishment.
D'ailleurs le « terroriste » ne livre-t-il pas l'essence de son action dans le poème qu'il remet à Amédée Mallock pour justifier ses actes :
« L'avenir de l'homme est dans le moins
Moins de choses, de causes, ou de métamorphoses,
Moins d'envies, de modes, de vanités aussi, »
Le déroulé du roman n'est pas sans rappeler, toutes choses égales par ailleurs, ce que l'on a pu lire sur les enquêtes de police après les attentats de Paris. A savoir, la rapidité avec laquelle les forces de police parviennent à neutraliser les coupables, sans, hélas pouvoir le faire avant qu'ils ne passent à l'acte.
Tout en continuant à se battre Amédée Mallock fait lui aussi ce constat d'impuissance :
« La culpabilité était bien plus puissante que la raison chez Mallock »
Des polars comme on les aime. Des polars qui interrogent nos convictions et nous font douter. Merci Mallock.
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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