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EAN : 9782804015923
Espace Nord (24/04/2002)
3.72/5   9 notes
Résumé :
Constant Malva dit le mal-être de la vie de mineur. Dans ce monde aux noms tristement évocateurs - le "Brûle", le "Travaillant" - , la résignation et le fatalisme imprègnent l'atmosphère autant que l'humidité, la poussière et le grisou. A la routine abrutissante, aux accidents mortels, s'ajoute la médiocrité humaine. Mineur atypique, l'auteur lutte contre l'avilissement à travers la lecture et l'écriture. Il nous invite à partager les joies poétiques rencontrées dan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ma Nuit au jour le jour est, sans conteste, l'ouvrage le plus achevé de Malva. Sorte de chronique, journal tenu pendant un an, de mai 1937 à mai 1938, on y croise tout ce qui fait la vie des mineurs, les peines et les joies, les peurs et les espoirs, la misère morale et matérielle.
Malva s'y confie. Sans fausse pudeur, il dit son dégoût pour ce métier, son inconscience de certains jours, l'alcoolisme, la violence d'une vie vouée à la mine. Comment faire des projets quand on n'a pas le sou, comment écrire quand on est harassé, comment être heureux quand on est condamné à un travail sans joie?
Ma Nuit au jour le jour est un livre poignant, un témoignage dur, sans complaisance. Ici pas de catastrophe exceptionnelle, pas de grève, rien que l'existence quotidienne des houilleurs dont l'humanité n'en apparaît que mieux.
Dans son introduction, Malva écrivait: "j'ai donc écrit un an de ma vie de houilleur. Dans ce journal, la vérité est fidèlement respectée; voilà de vrais mineurs, ils n'ont pas que des qualités. Pourquoi mentir, la simple réalité n'est-elle pas suffisamment tragique?" Ce journal ne fut publié qu'en 1953, c'est aujourd'hui l'oeuvre la plus connue de Malva.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Il y a environ trois ans, mon équipe fut chargée d'entreprendre l'accrochage de 450. Nous avons poussé plus de mille mètres de bouveau, chassage et autres travaux préparatoires. Les chefs pensaient y faire leur beurre; ils jouent de malchance. On recoupe une couche, on la met en exploitation, ça va un mois, six semaines, puis faille, faille à la coupure, faille au troussage. La production se restreint. Autre complication : il arrive qu'on « troue » à eau dans d'anciennes exploitations.
On nous a fait faire un chassage de trois cent vingt mètres dans la couche dite « pouilleuse » et un bouveau parallèle d'autant, pour essayer de nous placer en avant des failles et des eaux. Un très bel ouvrage avec arcades en fer, un ouvrage en grande section : deux mètres cinquante sur deux mètres cinquante. Cela n'allait pas toujours comme sur des roulettes. Parfois, tout s'emplissait de gaz. Quand on songe que nous étions alimentés en air par une colonne de canards de cinq cents mètres et plus sur les fins !
Le but était d'aller percer à la Grande Garde, troisième couche à recouper et la seule importante encore en exploitation. D'abord, nous avons recoupé l'Angleuse, belle couche elle aussi. Mais impossible de la mettre en exploitation; il fallait établir l'aérage qui nécessitait bien des travaux.
De l'Angleuse à la Grande Garde, en terrain réglé, il y a soixante à soixante-dix mètres. À quatre-vingts mètres, rien encore. Pourtant, avant d'arriver à la Grande Garde, nous devions d'abord recouper la Petite. Pas un indice. Un terrain bouleversé avec çà et là des taches, des nids de charbon. Quand ce n'était pas l'ingénieur, c'était le divisionnaire, chef porion, porions qui venaient faire le relevé des terrains.
Ils enlevaient une pierre.
- Ça, c'est du mur, disait l'un.
Ils en enlevaient une autre à une place différente :
- Ça, c'est du toit.
Ils se contredisaient d'un jour à l'autre, changeant le mur en toit et vice-versa.
Enfin, un embranchement de layettes failleuses. Plusieurs convinrent que c'était la Grande Garde.
- Il faut monter ici.
- Non, là.
Et chacun expliquait, prouvait ou niait que c'était la Grande Garde.
Le chef porion :
- Allè, Bourlard, c'est hue, attaque-moi le montage ici.
Et nous sommes montés.
Veine tout à fait irrégulière : « enfoncements » , « redressements », « étreintes », plus de terre que de charbon. Arrivés à trente mètres de hauteur, faille complète. Il ne s'agissait pas tant de charbon mais de communiquer avec les autres pour avoir de l'air.
On s'est trompé. On a monté non pas dans la Grande Garde mais dans la Petite. On entend le bruit que font les autres avec leurs marteaux-pics, mais très loin.
Faut bouveler encore. Un petit bouveau : un trou d'homme. - Allè, Bourlard, c'est hue bouveau ! Que ça aille vite. Fais brûler le perforateur. Que nous percions, bon Dieu ! Que nous soyons sauvés !
Faire des trous, les emplir de poudre, les faire sauter et, chaque fois, descendre les trente mètres de montage ; remonter aussitôt, atteler d'autres mines dans les poussières, dans les fumées encore chaudes ; ramper dans les « étreintes » en s'agrippant aux boutants.
C'est moi qui ai eu l'honneur de percer, deux ou trois jours plus tard.
Après quelques rondes de mines, nous découvrons la veine. Un trou de sonde de trois mètres et nous avons percé au fleuret. Maintenant, il faut monter au marteau-pic. De l'autre côté, les autres descendent vers nous. Deux porions, quelquefois trois, sont constamment près de nous. Je tape, puis c'est au tour de mon compagnon de taper dans la veine très dure.
L'un des porions s'impatiente. Quand on n'a qu'à regarder les autres travailler... Puis il voudrait avoir l'honneur de percer lui-même. Je lui dis :
- Vous voulez avoir l'honneur d'enlever la dernière brique? Allez-y.
Il tape un peu. Mais c'est un poussif. Il souffle comme un phoque. Dame, on n'est pas là comme dans le ventre de sa mère.
Je reprends l'outil.
- C'est moi qui vais percer, dis-je. C'est mon habitude. C'est toujours moi qui perce.
Je tape. J'entends le poinçon de l'autre qui gratte, là tout près. Je tape. Il tape. Nos fers se touchent. Ça y est! Nous avons percé. Un petit trou comme pour passer le poing. On sent l'air frais arriver. Porions et ouvriers emmêlés s'insultent de chaque côté, pour rire.
- Hé! vaches!
- Hé! veaux!
- Hé! cochons!
Nous avons agrandi le trou. Les uns y descendent, les autres y montent. Quelle cohue!
Nom de Dieu! Nous avons troué, nous avons établi l'aérage après avoir avancé de six cents mètres en ferme. À une moyenne de deux mètres par vingt-quatre heures, voilà un an que nous sommes en route.
Nous avons percé à la Grande Garde par la Petite. Nous avons établi l'aérage, c'est très bien. Mais ce n'est pas seulement cela qu'il faut, il faut également la Grande Garde recoupée en pied. Une riche couche, comme un tas, et entre deux durs, encore.
Alors, on nous a dit:
- Faut poursuivre le bouveau de 450.
Nous poussons dix mètres, vingt, trente, rien.
Ingénieurs, porions, chef porion viennent à nouveau inspecter. Comment s'y reconnaître? Terrains déréglés, bouleversés, à bancs inégaux avec, çà et là, quelque chose de noirâtre, ni terre ni charbon.
- Mais où diable est la veine en ceci?
Quelques-uns conseillent de faire un bouveau montant. Cette idée n’est pas, à mon sens, la meilleure. Ne sachant jusqu’où vient la couche, on sera ou en avant ou en arrière.
Moi, je pense (et d'autres le pensent avec moi) que notre bouveau n'est pas poussé assez loin. Tout ce terrain mort, tout ce terrain bouleversé et à galets, c'est du terrain en trop qui est venu se placer entre la Petite et la Grande Garde. En terrain réglé, il y a une vingtaine de mètres de bouveau à creuser; ici, il faut peut-être creuser le double, plus encore. L'Angleuse et la Petite Garde passent en pied, pourquoi pas la Grande?
L'ingénieur nous a dit:
- Si nous nous étions établis à 440 plutôt qu'à 450, nous n'aurions pas eu tous ces ennuis ; à 460, nous n'aurions rien vu du tout.
Nous sommes juste sur les pointes des failles.
Je connais un moyen qui nous permettrait de savoir jusqu'où vient la veine. Ce serait de s'enfoncer en vallée du dessus. Si nous venons jusqu'à 450, tant mieux; si nous venons moins bas, alors quelques mètres de bouveau plantant, et on perce. Ah! je sais que ça n'ira pas tout seul. C'est plus de difficultés pour enlever les marchandises. Il faudra établir un treuil. Et ça ne va pas si vite en descendant qu'en montant. J'en ai quand même fait part au chef porion un jour qu'il était venu sur l'ouvrage.
Il ne m'a pas répondu. Peut-être se disait-il à part lui que j'étais un imbécile. Ou bien il réfléchissait.
(3 juin 1937).
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Les hivers passent, et pas de poste.
Tout le monde en a, même les plus crétins. Ils s'en servent pour s'abêtir encore davantage. Et à moi, à qui il serait si utile pour parfaire mon éducation, impossible de me le payer.
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Les patrons font des affaires en or. Indirectement, nous travaillons pour la guerre.
-- Du charbon ! Du charbon !
Du charbon pour faire des obus et des canons.
Aujourd'hui, nous nous tuons à travailler pour qu'on forge les armes qui nous tuerons demain.
Et dire qu'on le sait et qu'on ne peut empêcher ça.
Et si ! on le pourrait, mais...
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