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EAN : 9782081218871
319 pages
Flammarion (15/09/2008)
4.27/5   39 notes
Résumé :
L'auteur, professeur à New York University et à l'Institut d'Études politiques de Paris, poursuit dans cet ouvrage un projet paradoxal. Il s'agit, en effet, de dégager les traits aussi bien aristocratiques que démocratiques du gouvernement représentatif. Contrairement à une opinion communément reçue, l'élection n'est pas l'instrument démocratique par excellence. Des Athéniens à Rousseau, la démocratie impliquait d'ailleurs d'autres modes de désignation des responsab... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Bernard Manin est un auteur contemporain connu pour ses travaux en science politique notamment sur le libéralisme, la délibération politique, la sociale démocratie et les régimes représentatifs.
Il est directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, mais également professeur à la New York University.
Principes du gouvernement représentatif est une oeuvre centrale dans sa bibliographie, paru en 1995, l'ouvrage sera réédité en 2012 en France, et connaîtra en outre un fort succès hors hexagone. Il est considéré quinze ans plus tard comme un « classique » de la science politique, et pour cause, l'auteur s'était lancé un défi ambitieux qui fut salué par l'ensemble de la profession.


L'oeuvre se structure autour d'un postulat préalable ; nous ne sommes pas en démocratie, il n'y a pas de place pour les soupçons, Manin l'affirme et il compte bien le prouver, c'est toute l'ambition du livre.
Seulement il reconnait que le régime politique au sein duquel nous évoluons aujourd'hui nous est présenté comme tel.
Pourtant, entre le gouvernement représentatif et la démocratie, la différence n'a pas toujours été si difficile à établir, et lorsque fut choisie la représentation, ses défenseurs en avaient encore conscience, à l'instar de Stanislas Clermont-Tonnerre, député de la noblesse pendant la Révolution française, partisan d'une monarchie constitutionnelle qui déclarait "C'est peut-être la plus ingénieuse invention politique que celle d'avoir déclaré souveraine une nation, en lui interdisant tout usage de sa souveraineté. Voilà l'effet de l'adoption d'une Constitution représentative."
Le régime qui est le nôtre aujourd'hui est le fruit de trois révolutions successives, en Angleterre, en Amérique et enfin en France.
C'est donc à la recherche des origines de la représentation que Bernard Manin nous convie d'abord, il faudra pour cela qu'il retourne au berceau de la démocratie, Athènes pour ainsi être à même de confronter la démocratie telle que pratiquée à ses origines et la représentation telle qu'elle est vraiment.
Une fois cette évolution mise en lumière, Manin va poser les principes fondamentaux de tout régime représentatif quel qu'il soit.
« Des dispositions institutionnelles concrètes inventées à un moment donné de l'histoire et dont on observe toujours et partout, depuis cette date, la présence simultanée dans les gouvernements qualifiés de représentatifs »
L'élection des gouvernants à intervalles régulier, c'est le premier critère, l'élection tient une place centrale dans l'ouvrage, car c'est un des fondements du régime représentatif.
La marge d'indépendance que conservent les gouvernants, mais aussi la liberté d'opinion publique que gardent les citoyens, et enfin l'épreuve de la discussion des décisions publiques.




La désignation des gouvernants, fondement de la différenciation entre démocratie et représentation

Démocratie et tirage au sort

« On ne sélectionne pas ainsi un pilote, un architecte ou un joueur de flûte. Socrate »
Quelle étrange idée que d'accorder une partie de son ouvrage sur un mode de désignation si archaïque que le tirage au sort. le sort sélectionne des individus au hasard pour exercer les charges publiques, il impose aux citoyens des gouvernants qu'ils n'ont pas choisis, il est impraticable en raison du nombre considérable d'habitants…
Tant d'argument que Manin neutralise les uns après les autres, et il s'appuie sur la démocratie la plus efficiente de l'Histoire, celle d'Athènes. Pour lui, il n'est pas concevable que les Athéniens aient pu faire perdurer un régime reposant sur le tirage au sort si celui-ci n'avait aucuns avantages.
Les Athéniens avaient trouvés un palliatif au caractère hasardeux du tirage au sort, le volontariat associé à la reddition de comptes à l'assemblée permettait de se prémunir contre des magistrats incompétents, le sort avait des vertus hautement égalitaires, associé au non cumul, il permettait la rotation des charges « on ne peut pas bien commander si on n'a pas bien obéit » disait Aristote. Chaque citoyen pouvait participer à la vie de la cité, c'était une sorte de crainte et de réticence envers le professionnalisme politique, la citation de Démosthène est à cet égard révélatrice « Un simple particulier, l'un d'entre vous, pris dans la multitude ».
Ainsi lorsque Manin quitte Athènes, le lecteur est désormais convaincu du caractère légitime du tirage au sort, dès lors, l'élection procède d'un choix, et l'auteur nous en apportent les raisons, par un second éclairage historique.

Le choix de l'élection

L'Histoire aura vu se succéder bien des régimes, si les monarchies nous apparaissent comme le mode de gouvernement du passé, il existait déjà, en Italie notamment, des régimes comportant un caractère démocratique plus ou moins variable.
En étudiant les républiques de Rome, Florence et Venise, l'auteur se lance dans une étude institutionnelle minutieuse à la recherche de fragments du tirage au sort. Bien que fortement dilué, le tirage au sort conserve une place dans ses régimes, il est perçu comme égalitaire et facteur de cohésion politique, personne ne discute le tirage au sort, à Rome il revêt même une dimension religieuse, tandis qu'à Florence il conduit à départager de façon neutre les factions adverses.
Seulement, le tirage au sort était loin d'être un élément central, ces gouvernements mixtes faisaient déjà appel à un autre mode de sélection des gouvernants, l'élection.
Les grands théoriciens de la pensée politique de l'époque vont faire des républiques italiennes leurs objets d'études, dans une Europe marquée par l'arbitraire et l'absolutisme, Harrington, Montesquieu et Rousseau vont participer de ce choix entre tirage au sort et élection. Ils reconnaissent au tirage au sort une vertu démocratique que n'a pas l'élection, mais ils lui préfèrent l'élection, il s'agit avant tout pour eux de confier au peuple le choix des gouvernants, subit depuis trop longtemps, plus encore que leur confier la gestion des affaires directement.
Il convient de rappeler que ces auteurs ont connu la révolution anglaise, et qu'ils seront relus lors des deux révolutions suivantes, et leurs écrits vont nourrir la réflexion politique moderne, qui fait de l'élection le contrepied de l'hérédité. L'obsession d'un consentement du peuple à la domination est l'argument qui fera pencher la balance en faveur de l'élection. le choix est conjoncturel.

« Et ainsi ce qui est à l'origine d'une société politique et la constitue véritablement, c'est uniquement le consentement d'un certain nombre d'hommes libres, capables de former une majorité pour s'unir et s'incorporer à une telle société. C'est là, et là seulement, ce qui a donné naissance ou ce qui peut donner naissance à un gouvernement légitime sur terre. Locke »

L'élection à l'encontre de la démocratie

Le régime représentatif que nous connaissons a certes subit des évolutions, mais reste fondamentalement construit sur les trois révolutions des XVIIe et XVIIIe siècles.
Lorsque l'élection est apparue comme un choix pour les fondateurs de ces nouveaux régimes, elle a entrainé un effet contraire à la démocratie directe telle que pratiquée à Athènes ; le principe de distinction entre gouvernants et gouvernés.
Le statut social des gouvernants est supérieur à celui des citoyens, ce principe oligarchique est présent dans les trois foyers du régime représentatif. Les raisons sont coutumières, le coût exorbitant des campagnes politiques, la reproduction d'une hiérarchie sociale préexistante. Il y eu des raisons légales instaurées immédiatement après la proclamation de l'élection, il fallait être propriétaire et disposer de ressources financières dont le seuil était fixé par la loi.
Aux Etats Unis néanmoins, le principe de distinction ne fut pas légalement instauré, les Anti fédéralistes s'insurgeaient contre ce qu'ils percevaient comme un caractère aristocratique, aux antipodes de la démocratie et du principe d'identité entre représentants et représentés.
Les américains ont pointés du doigt le caractère aristocratique de l'élection, sans même aborder la question de la comparaison avec le tirage au sort. Pour eux, c'est intrinsèque à l'élection que d'être aristocratique.

« Parce que l'élection est un choix, elle comporte ainsi une dynamique interne qui fait obstacle à la désignation de citoyens semblables aux autres. Au coeur de la procédure élective, une force contrarie le désir de similarité entre gouvernants et gouvernés. » Bernard Manin

Manin se propose d'apporter une définition du caractère aristocratique de l'élection, pour lui, cette dernière doit faire état d'un choix de personne à l'encontre de l'égalité des chances et de la méritocratie, le candidat doit anticiper ce choix ainsi se démarquer et plus le candidat est connu dans la durée par les électeurs, plus il pourra influer dans leur choix. A cela s'ajoute les dépenses relatives à la campagne, qui ne sont pas à la portée de tous, et à ce titre Manin souligne qu'il ne s'agit pas là d'une fatalité, mais que des correctifs légaux pourraient être mis en place. L'élection donc ne garantit pas que le meilleur gagne, mais seulement le plus connu et le plus riche, encore faut-il qu'il se démarque lors du choix par un trait distinctif reconnu et perçu comme tel par le jugement de valeur des électeurs.
On pourrait arguer à Bernard Manin qu'il en oubli là les caractères démocratiques de l'élection, chaque citoyen peut peser de tout son poids dans l'élection, avec la conquête du suffrage universel et la suppression du cens. Mais on ne lui fera pas un tel reproche, car il se met lui-même en contradiction lorsqu'il aborde l'ambigüité de l'élection, pour Manin la démocratie suppose l'identité entre représentés et représentants, et la médiation que fait intervenir l'élection n'est pas compatible.
En effet, pour l'auteur les élites qui concourent ont intérêts à laisser le peuple choisir entre elles, mais le peuple conscient de son pouvoir mandateur, n'a pas forcément intérêt à le remettre en cause, c'est un peu sa seule prérogative.
En confrontant l'élection au droit naturel, Manin reconnait la liberté des électeurs, « élire, c'est choisir » mais pour lui, l'élection n'entrera en règle avec le droit naturel que lorsque les inégalités de financement des campagnes ne seront plus constitutives de l'accès au pouvoir.





caractères et évolution des gouvernements représentatifs


Pour Manin, le gouvernement représentatif se reconnait par quatre caractères que l'on retrouve dans toutes ses formes.
La marge d'indépendance des gouvernants, en effet ils n'ont jamais été liés par un mandat impératif ni même soumis à la révocabilité (à l'exception de la Commune, dont Marx fut un des plus célèbre nostalgiques). Ainsi les gouvernants ne sont pas pieds et poings liés par leurs promesses de campagnes.
Néanmoins, les gouvernés ont une liberté d'opinion publique qui lorsqu'elle est exercée de façon commune permet d'agir sur les gouvernants, il y a donc une voix du peuple possible, ce qui renforce l'écart entre représentants et représentés. de plus si les élus ne sont pas liés par leurs promesses, la réitération de l'élection permet une sanction rétroactive du mandat des gouvernants, encore faut-il que les électeurs votent systématiquement de façon rétroactive.
« C'est par leur regard sur ce qui a été fait qu'ils peuvent orienter le cours de ce qui se fera. Bernard Manin »
Le régime représentatif est soumis à l'épreuve de la discussion, les gouvernés sont égaux pour élire, mais les représentants sont égaux pour choisir, ainsi il faut discuter, argumenter, convaincre pour arriver au « concours des opinions » comme l'écrit l'auteur citant Sieyès, et produire une décision publique.
« La démocratie représentative n'est pas un régime où la collectivité s'autogouverne, mais un système où tout ce qui tient au gouvernement est soumis au jugement public. Bernard Manin»

Manin met ensuite ces caractères à l'épreuve de la pratique effective du gouvernement représentatif et ainsi, en constatant des variations de contenu dans ces critères parvient à distinguer trois phases évolutives du gouvernement représentatif ; le parlementarisme, la démocratie des partis et la démocratie du public.
Le parlementarisme se méfiait des partis, les représentants votaient en conscience et le peuple se faisait vivement entendre « aux portes du parlement ». L'évolution allait contrarier cette première pratique du gouvernement représentatif, en effet l'avènement de la démocratie des partis annonçait la fin du règne des notables, le militantisme au sein de partis de masses permettait une ascension sociale et surtout de renouer avec le principe d'identité, en réalité il n'en fut rien, simplement une nouvelle forme de supériorité fut reconnues aux hommes d'appareils qui n'avaient plus grand-chose en commun avec la base militante ni même les gouvernés. Pire encore, l'expression populaire était colorée par les partis politiques, captée par eux et parfois même initiée.
Si aujourd'hui, les partis politiques sont encore bien présents, il semble qu'ils aient relâchés l'étau autour des électeurs devenus plus flottants, mais aussi des représentants, en effet, désormais c'est une personne, un expert en communication, qui est choisi, on vote en fonction de la personnalité mise en scène du candidat, les programmes devenus très complexes ne lient plus les représentants, leurs bilans restent néanmoins encore sujets à un vote rétrospectif. L'expression publique passe par les médias et la pratique nouvelle des sondages d'opinions, on est passé de la mobilisation spontanée autours d'intérêts consciemment défendus, à une sollicitation plus passive de l'opinion sur des intérêts qui ne mobilisent pas toujours a priori.



En conclusion

Bernard Manin n'explique pas seulement en quoi la propagande démocratique est fausse, il convainc avec acuité grâce à un raisonnement extrêmement méthodique, pointu mêlant à la fois la théorisation structurelle et la confrontation pragmatique.
Ce qui ressort de ce livre, qui débute sur un fond de crise endémique du régime représentatif, c'est que la crise n'a pas affectée les entrailles bicentenaires de ce mode de gouvernement. Il y a des mutations conjoncturelles, mais le régime représentatif a démontré son extrême stabilité. 
Sans doute traverse-t-il une zone de turbulence dans la forme, il ne s'agit pas de changements superficiels pour autant, mais cela relève davantage d'une énième chrysalide que d'une évanescence complète du régime représentatif.

D'autre part, Manin fait des propositions et laisse des voies ouvertes aux innovations techniques pour pallier à certains caractères du régime représentatif. Avec une vision épurée des illusions sur la démocratie il est désormais possible de réfléchir non pas sur la façon de réformer un régime avec des attributs qui lui sont exogènes, à savoir les attributs de la démocratie directe comme l'identité entre gouvernants et gouvernés… Ainsi, Manin démontre simplement que le terme de représentation n'est pas performatif dans le régime représentatif ; il faut plutôt prendre les problèmes pléthoriques du régime représentatif à leurs racines : le mode de financement des campagnes électorales qui sclérose les inégalités d'accès à la diffusion de l'information, le manque d'objectivation commune de la supériorité perçue des représentants par les gouvernés (on a même élu parfois des gouvernants simplement parce qu'ils étaient connus, Arnold Schwarzenegger, par exemple.)

Ce livre participe l'éducation civique et citoyenne primaire de chaque individu, afin de comprendre dans quel régime nous évoluons vraiment.
(#2013)
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Ce livre est le cours d'éducation civique que l'on ne nous a jamais fait à propos du gouvernement comme nous le connaissons en France (en tout cas pour moi et je suis à l'écoute de ceux qui pourraient me donner des liens pour donner des éclairages différents).

Sa lecture permet de comprendre notre actualité sous un jour plus cohérent, puisque l'opinion populaire analyse souvent les actions du gouvernement avec une vision faussée de ce qu'est notre gouvernement, brouillant la compréhension de événements passés, actuels et futurs.

Bernard Manin explique assez brièvement le fonctionnement et la légitimité de gouvernement représentatif comme nous les connaissons en France.

Cela fait de ce livre une sorte de base idéologique que nous devrions connaître avant de se dire citoyen, car nous sommes en fait des électeurs, ce qui comporte un bon nombre de différence à approfondir par exemple avec la lecture de "Petite histoire de l'expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique d'Athènes à nos jours" de Yves Sintomer ou de "La démocratie athénienne à l'époque de Démosthène" par Mogens Herman Hansen.
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Si comme moi, vous avez toujours été un peu gêné par l'adéquation élection / démocratie qu'on nous professe depuis notre plus jeune âge, ce livre va vous donner du grain à moudre en remontant aux sources historiques de la démocratie.

A notre époque ou pour des raisons diverses, de plus en plus de citoyens semblent souhaiter agir de manière "politique" en dehors des systèmes représentatifs habituels (partis, syndicats, etc.), cet essai nous apporte une rétrospective intéressante pouvant laisser à penser que le démocratie d'opinion actuelle n'est qu'une étape vers un autre fonctionnement de nos sociétés, si toute fois certains événements mondiaux ne nous amènent pas au contraire à une régression...

Non nous ne sommes pas à la fin de l'histoire!
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Un livre très intéressant et pédagogique. le passage sur le fonctionnement de la démocratie athénienne est passionnant, et cet ouvrage donne une grille de lecture des systèmes politiques modernes très juste.
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Un livre à lire par tous ceux qui estiment que le régime dit "démocratique" dans lequel l'Occident vit actuellement n'est pas une vraie démocratie
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
"C'est peut-être la plus ingénieuse invention politique que celle d'avoir déclaré souveraine une nation, en lui interdisant tout usage de sa souveraineté. Voilà l'effet de l'adoption d'une Constitution représentative."

Stanislas de Clermont-Tonnerre (partisan d'une monarchie constitutionnelle).
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D'autre part, le tirage au sort n'était pas, contrairement à ce que l'on affirme parfois, aujourd'hui encore, une institution périphérique de la démocratie athénienne. Il traduisait au contraire plusieurs valeurs démocratiques fondamentales. Il s'ajustait sans difficulté à l'impératif de la rotation des charges. Il reflétait la profonde méfiance des démocrates à l'égard du professionnalisme politique. Et surtout, il assurait un effet analogue à celui de l'isègoria, le droit égal de prendre la parole, un des principes suprêmes de la démocratie. L'isègoria attribuait à tous ceux qui le souhaitaient une part égale du pouvoir exercé par le peuple assemblé. Le tirage au sort garantissait à n'importe qui le souhaitant, au premier venu, l'égale probabilité d'accéder aux fonctions exercées par un nombre plus restreint de citoyens. Les démocrates avaient l'intuition que, pour des raisons obscures, l'élection n'assurait pas, quant à elle, une semblable égalité.
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Il est remarquable, d'autre part, que des écrivains politiques d'aussi grand renom que Harrington, Montesquieu et Rousseau aient, chacun selon son point de vue et son tour d'esprit particulier, répété la même thèse : l'élection est de nature aristocratique, alors que le tirage au sort est la procédure de sélection démocratique. Non seulement le tirage au sort n'avait pas disparu de l'horizon théorique lorsque le gouvernement représentatif fut inventé, mais il y avait aussi une doctrine communément reçue parmi les autorités intellectuelles sur les propriétés comparées du sort et de l'élection. L'expérience des républiques antérieures confirmait en outre cette doctrine, même si ses fondements demeuraient obscurs.
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L'idéal démocratique de similarité entre gouvernants et gouvernés a exercé tant d'influence depuis deux siècles qu'il n'est peut-être pas sans importance de remarquer son incompatibilité de principe avec la procédure élective, même amendée.
Dans un système électif, la seule question possible concerne le type de supériorité qui doit gouverner. Mais lorsqu'on lui pose la question : "Qui sont les aristoi qui doivent nous gouverner?", le démocrate se tourne vers le peuple pour lui laisser la décision.
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Nous assistons aujourd'hui, non pas à une crise du gouvernement représentatif, mais seulement à un changement du type d’élites sélectionné. Les élections continuent de désigner des individus possédant des caractères distinctifs que les autres n'ont pas, elles conservent le caractère élitiste qu'elles ont toujours eu. Mais une nouvelle élite de spécialistes de la communication prend la place des militants et des hommes d'appareil. La démocratie du public est le règne de l'expert en communication.
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